mardi 25 décembre 2012

La solitude d’El Karkaar


Tu es encore là ! sacré pic qui n’a l’air de rien et qui reste le cœur de «son» milieu. Quand je suis passé la dernière fois, tu m’avais sérieusement inquiété avec tes airs de jeunesse. Le bon hivernage t’avait donné une nouvelle vigueur, avec la verdure qui arpentait tes flancs et les arbres bien debout comme prétendant à toucher les cimes des cieux… Tu paraissais alors heureux de vivre et d’être là.
Ce n’est pas parce que le soleil descend inexorablement que tu es aujourd’hui tout décrépi. Ce n’est pas la peur de la nuit qui prend possession du Monde qui te donne cet air inquiétant. Ce n’est pas le froid glacial de ces jours qui t’affecte. C’est vrai que tu as repris tes couleurs d’antan, celles qui s’apparentent à la «grisaille» des vieilles pierres, des pierres tellement vieillies qu’elles laissent pousser des «poils». C’est vrai que tu es toujours là alors que tous ceux qui ont compté pour toi sont partis…
Tu as appris la mort récente de Shaykh Mouhammad Ould Hmahalla, ce monument de piété, de savoir et de dignité… Comme tous les autres, il s’en est allé pour un voyage qu’il avait très bien préparé.
Je suis venu dans cette maison où il prodiguait un enseignement religieux complet. Comme des temps anciens. Sa candeur, sa force de caractère lui permettaient de maintenir cette école à travers le temps. Une école certes de savoirs, mais aussi de valeurs immortelles.
C’est peut-être le moment de me dire la cause profonde de cette tristesse qui semble te gagner. Tu vois les gens partir, ceux qui t’ont célébré et ceux qui n’ont fait que passer à côté préférant parfois te contourner pour ne pas avoir à escalader cette hauteur que tu es. Ce n’est pas ça… Tu étais fier de rester là malgré le temps qui passe, malgré les flétrissures du temps qui passe, malgré les changements du temps qui passe… De rester, unique témoin d’un temps qui ne sera plus, de gens qui ne seront plus… Où est passée cette fierté ? Cette fierté qui faisait de toi un «quelqu’un» de supérieur… pas comme Aqangass ou Bou’leyba, ni El Barraaniya… tous ceux-là n’ont pas survécu au temps qui passe, toi si ! Alors où est passée cette fierté de vivre qui t’animait, toi «l’objet inanimé» ?...
…La solitude… c’est la solitude qui a eu raison de toi… de toi aussi… même de toi…