mercredi 26 juin 2013

Cissé Mint Boyde victime ?

L’affaire dont on ne sait encore ni les tenants ni les aboutissants a pris une dimension politique avec le limogeage de Cissé Mint Boyde jusque-là ministre de la culture et des sports. Rappel.
Depuis 72 heures, le microcosme nouakchottois est pris de frénésie suite à l’arrestation de trois personnes qui sont : le mari de la ministre, un jeune officier de la Marine, le président de la Commission des marchés du département de la culture et un entrepreneur, directeur d’une société qui avait bénéficié du marché de la construction du stade de Nouadhibou. Tout le monde a lié ces interpellations à ce marché et à son processus. Et chaque jour qui passe nous permet d’en savoir un peu plus, surtout que l’affaire a pris cette ampleur politique qui a conduit au limogeage d’un membre du gouvernement.
En mars dernier, la ministre de la culture aurait été avertie par le président de la fédération nationale de foot que le marché de construction du stade de Nouadhibou a été octroyé à une société qui a produit de faux documents. Elle écrit au Premier ministère pour signaler la fraude et demander l’enclenchement d’une procédure d’annulation. Naturellement, c’est le ministère de l’urbanisme qui est saisi par le cabinet. Lui-même demande à l’autorité compétente en la matière, l’Autorité de régulation des marchés, de faire le nécessaire. Tout ça se déroule en avril-mai. Et dans les règles.
Dans une première étape, l’Autorité se contente d’exiger les originaux des documents présentés par la société pour répondre à la problématique de l’expérience «spécifique», celle qui a été réalisée dans le domaine du marché. Pour répondre à cette exigence, la société avait fait appel à une entreprise sénégalaise qui a produit photos et certificats de construction de différents stades dans la région. Le concurrent immédiat avait réussi à avoir les preuves qu’il s’agissait de faux documents et avait donc porté plainte. D’abord de façon informel, ensuite formel en suivant les procédures.
D’étape à étape, on arrive enfin à l’annulation du marché. Un marché qui, je vous l’ai dit dans le posting précédent, relève du ministère de l’urbanisme et est octroyé par la commission des marchés couvrant «les infrastructures». Un marché dont le rejet a été provoqué par une lettre du secrétaire général du ministère de l’urbanisme. Donc rien à voir avec la culture et les sports.
Pourtant, dès les premières interpellations, c’est bien la ministre de la culture et des sports qui est visée. Puis, c’est elle qui écope de la sentence la plus extrême : le limogeage. Si les prisonniers doivent (et peuvent) s’expliquer devant les enquêteurs, Cissé Mint Boyde n’a fait l’objet d’aucune enquête, d’aucune sollicitation pour comprendre… et d’ailleurs comprend-on ce qui lui arrive ? sait-on seulement la réalité de ce qu’on lui reproche ?
Ce ne peut être la question du marché de Nouadhibou, parce qu’elle n’a rien à voir là-dedans et parce qu’elle est la première à avoir soulevé l’anomalie. On ne peut non plus croire que des entrepreneurs mauritaniens soient assez naïfs pour tenter de corrompre quelqu’un qui n’a pas autorité en matière d’octroi du marché : Cissé Mint Boyde n’est ni le ministre de l’urbanisme, ni la commission des infrastructures, encore moins l’Autorité de régulation qui a mission de contrôler la régularité de l’adjucation. Par ailleurs, si le marché de construction du stade de Nouadhibou est réellement l’objet de l’affaire, pourquoi l’enquête n’a pas touché l’un des responsables du processus suivi par le marché ?

Conclusion : soit il y a autre chose que les autorités doivent devoir expliquer maintenant que l’affaire a pris une tournure politique, soit il n’y a rien du tout… en tout cas la version servie jusqu’à présent par les média – les mêmes finalement qui nous imposent la culture de la rumeur -, cette version manque de sérieux pour convaincre.