mardi 27 décembre 2011

Le politique et le journaliste


C’est l’édito paru dans La Tribune de la semaine que j’ai voulu partager avec vous :
«Nos confrères d’ANI (akhbar Nouakchott) et d’Alakhbar ont rapporté des informations qui n’ont visiblement pas plu à l’Union pour la République (UPR). Le parti qui se veut au pouvoir s’est fendu d’un communiqué virulent où il a accusé les deux organes de mentir. Poussant la méchanceté des propos jusqu’à accuser ceux de l’ANI d’être à la solde du …prosélytisme chrétien et juif (sic)… Ce que cela veut dire ? Rien sinon la suprême insulte pour les rédacteurs du communiqué. Toute la presse a fait bloc face à cette attaque sans précédent.
Jusque-là, et même du temps des dictatures du PRDS et UFD (union des forces démocratiques, parti d’opposition très sensible aux critiques), aucun parti n’est allé jusqu’à attaquer de front des organes de presse. On se contentait de parler d’«une certaine presse», «des journaux», «un site»… tout en restant dans le vague. Mais jamais d’attaque aussi virulente et aussi vulgaire.
Ceci dit, nous allons revenir aux informations publiées ça et là (et pas seulement dans les deux organes).
La semaine dernière, et juste à la veille du vote de la loi des finances rectificative, le directeur politique – on peut être directeur politique d’un parti comme on l’est d’une entreprise publique  (avec avantages pour soi et risques pour elle) – de l’UPR tient une réunion avec les députés de son parti. C’est la première du genre. Et nombre de députés étaient venus croyant qu’ils auraient affaire au président du parti, ce qui aurait été l’occasion de «régler certains problèmes». Ce n’était que le directeur politique…
En ouvrant la réunion, le responsable politique a tenu des propos qui ont dérangé. Il a demandé aux députés d’être plus engagé dans la défense du gouvernement en remarquant que «quelques députés de l’opposition ont pris le devant de la scène». Qu’à l’occasion du passage de la loi des finances, l’UPR a confié à des spécialistes la rédaction d’un mémorandum qui sera distribué aux députés qui devraient articuler leurs discours autour des axes de ce document. Objection des députés : le projet de loi est en discussion depuis un mois, pourquoi attendre la dernière minute pour proposer ce discours ? Réponse : à prendre ou à laisser. Malaises et protestations. Clashs même entre les députés de la formation.
En fait, cette réunion intervient à un moment où des voix se font de plus en plus entendre, des voix qui dénoncent tantôt l’inertie du parti, tantôt son absence de représentativité, tantôt ses incohérences, tantôt ses mauvais choix, tantôt… son existence (khlagtou baat)…
Les détracteurs de l’UPR ne sont plus ses adversaires politiques mais ses militants, ses cadres, on personnel administratif… Mais plus grave pour lui, le refus du Président de la République de faire comme avant, d’aller plus loin que ce que lui permet la loi : Ould Abdel Aziz ne veut visiblement pas d’un PRDS ou d’un Adil bis. C’est pourquoi il refuse de laisser utiliser les moyens de l’Etat au profit de l’UPR. C’est pourquoi quand un groupe vient le voir pour décrier la situation qui y prévaut, sa réponse est toujours la même : si la situation est telle que vous la décrivez, pourquoi ne pas essayer autre chose ? Avec les partis de jeunes en formation, il a poussé le résonnement jusqu’à s’engager à ne rien faire pour un parti quel qu’il soit, allusion à l’UPR…
Il y a de quoi énerver un parti qui ne compte visiblement que sur le soutien officiel, celui de l’autorité publique. Un parti qui refuse de comprendre que la Mauritanie a dépassé un cap et qu’il serait impossible de la faire revenir en arrière. Ce n’est pas la faute de la presse si on en est là. Ce n’est pas non plus sa faute si le parti qui devait épauler le Président de la République dans la réalisation de son programme, que ce parti vive aujourd’hui sur le crédit de celui qu’il devait servir, avec les risques de l’entamer sérieusement. Pas non plus sa faute si, pour organiser un meeting dans la capitale économique – là où il y a hommes d’affaires et cadres déclarant leur soutien à Ould Abdel Aziz qui y a eu la majorité des suffrages lors de la présidentielle de 2009 -, si donc dans cette capitale, l’UPR a fait une collecte de militants : chaque fédération UPR était appelée à mobiliser quinze voitures avec quatre personnes en moyenne à bord de chaque. Ce n’est pas la faute de la presse si l’UPR n’arrive pas à être un Appareil politique capable d’accompagner les grands changements en cours…
C’est une tendance chez nos hommes politiques, dans les formations politiques de chez nous : quand ça ne va pas pour eux, c’est la faute de la presse. Si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi. Ce n’est pas nouveau et ce n’est surtout pas l’apanage d’un parti donné. C’est une valeur largement partagée et qu’il va falloir analyser, discuter en partenaires.
Il est vrai que notre personnel politique est issu de l’école du monolithisme. Nationalistes de tous bords, communistes, disciples du PPM (parti du peuple mauritanien, 1961-1978), ou des SEM (structures d’éducations de masses, 1980-1991), ou du PRDS (parti républicain démocratique et social, 1991-2005)… tous n’ont qu’une vision : celle de faire de la presse un moyen de propagande à leur service.»