mercredi 12 novembre 2014

Mon voleur à moi

Cela s’est passé lundi dernier. Je circulais tranquillement sur l’avenue Kennedy, en plein jour quand le bip signala l’ouverture de l’une des portières. Le temps pour moi de contrôler et je me retrouve au milieu d’un tintamarre indescriptible. Tous les passants, en voiture ou non, ont vu un jeune ouvrir la portière arrière et prendre un sac où se trouvait mon ordinateur et tous les disques durs que j’avais emportés ce jour-là pour les travailler. Vous imaginez la cacophonie, voire le chaos que cela occasionna.
Le jeune se rendit à l’évidence : impossible pour lui d’échapper. «Je voulais juste te rapporter ton sac qui a été volé par mon ami». Ridicule. Je l’embarquais quand même pour aller à la police. En route, il essaya par tous les moyens de me convaincre de le laisser partir. Mais je ne pouvais me permettre de le laisser parce qu’il m’a parlé d’un second complice, et puis comment relâcher un voleur pris en flagrant délit sans l’amener à la police ? Ce que je fais. On me remet une note – une sorte de reçu pour garder le numéro de la déclaration.
Aujourd’hui on m’appelle au commissariat pour me prier de faire une déposition qui sera à la base de son déferrement. J’arrive et je vois le jeune toujours derrière les grilles.
Je réfléchis alors à un fait : j’ai vu beaucoup de jeunes croupir en prison pendant deux, trois, quatre et même cinq ans pour des vols de réchauds à gaz sans avoir été jugés ; j’en ai vu battus, obligés à sombrer dans le vrai banditisme pour avoir volé un téléphone portable ; j’en ai vu purement et simplement relâchés par les juges alors que leurs forfaits, délits ou crimes étaient beaucoup plus dangereux qu’un vol finalement raté…
Je m’interdisais alors de provoquer plus de malheurs pour ce jeune qui, visiblement, en avait bavé toute sa vie. Quand je déclarai mon intention de retirer ma plainte, les policiers m’entourèrent pour me convaincre du contraire : «C’est à cause de ces attitudes que nous sommes incapables de lutter contre la criminalité. Ce type était 24 heures avant que vous ne l’ameniez. Nous l’avons libéré parce que sa victime avait refusé de déposer plainte. Il va être nouvellement libéré et ira sévir encore…»
J’expliquai alors que s’il est déferré, il aura droit à l’un des traitements suivants : soit le juge le libère faute de place dans la prison et parce qu’il n’a finalement rien volé ; soit il le dépose en attendant un procès dont la tenue prendra probablement des mois, voire des années. A quoi cela peut-il servir ?
Les policiers étaient finalement d’accord. Entre nous la conclusion était celle-là : tant qu’il n’y a pas une réforme en profondeur du système judiciaire, on ne peut pas finalement espérer que la lutte contre la criminalité soit des plus efficaces.