samedi 15 octobre 2011

Qu’est-ce qu’on disait ?


«Selon les jeunes de Maghama, la tension dans cette ville a été aplanie grâce à l’entremise du député Niang Mamadou et de l’Imam Thierno Alassane Djibril. Selon eux, ces deux personnalités, qui sont les plus écoutées à Maghama, ont joué un rôle crucial dans la canalisation de la colère au niveau de la cité. Il s’agirait des deux seules personnalités que les jeunes ont voulu écouter. Tous les autres hommes politiques qui ont convergé vers Maghama ont été boycottés par la jeunesse locale».
Comme si la leçon à retenir des douloureux événements était celle-là !!! Ce que vous venez de lire est un extrait d’un texte paru sur un site mauritanien, certainement repris par des journaux locaux, mis en valeur et ventilé par les personnes intéressées.
Cette tendance à chercher la mise en valeur par rapport à un événement – fusse-t-il tragique – nous vient des visites présidentielles des années 90 et 2000. Ceux qui lisaient la presse à l’époque se rappellent sans doute ces titres  - racoleurs plus qu’accrocheurs – genre : «M. a uni les populations de… en vue de réserver le meilleur accueil au Président», «le village de… a réservé un accueil grandiose au Président»…etc.
Puis certains «journaux» ont poussé cet art jusqu’à créer une rubrique qui avait pour titre : «la liste de ceux qui ont contribué à la réussite de la visite du Président». La place de la personne sur la liste dépendant de son niveau de contribution… à l’impression de l’édition. On avait fini par avoir une catégorie de la presse dédiée à ces saisons de grand carnaval que le Président de l’époque s’offrait à travers le pays.
C’est ainsi que la presse – cette presse du moins – commença à concurrencer sérieusement les BR (bulletins de renseignements) et les chiffrés des officines de l’Etat. Lesquelles adoptaient les mêmes méthodes : un BR contre un émolument. La corruption à ciel ouvert.
Les nominations qui suivaient souvent donnaient l’impression que le procédé était efficace et le faisaient donc fructifier. Les intermédiaires politiques se donnaient de plus en plus des rôles qu’ils n’avaient pas.
Dans les grèves quand ils se démenaient pour provoquer des trahisons au sein des corps concernés. On se souvient encore du rôle joué par les intermédiaires dans l’échec de la grève décidée par l’UTM en 1991 pour faire plier le gouvernement.
Dans les retraits des partis d’opposition. C’est là où le débauchage commence. Derrière chaque retrait d’un parti d’opposition, il y a toujours un intermédiaire qui en attend quelques dividendes de la part du pouvoir.
Ne parlons pas de la presse, des manifestations, des choix politiques… tout est objet de transactions possibles, ouvertes devant les intermédiaires qui veulent se rendre indispensables.
Ce sont ces rapports malsains avec la politique qui doivent changer. Pas seulement le clientélisme dans ses formes élémentaires, mais aussi tout l’aspect «cachotier», calculateur, voire occulte (au sens mystique) de la politique.
Normaliser le jeu politique. Institutionnaliser les rapports. Jouer la transparence dans les positions. Pour cela accepter de s’entendre sur l’essentiel pour améliorer l’existant institutionnel.
Et surtout, surtout refuser aux politiques d’instrumentaliser nos contradictions pour en faire un enjeu politique.