mardi 3 février 2015

Pour établir le dialogue

L’expérience nous apprend qu’il y a plus de bocages nés des appréhensions et des refus de reconnaissance mutuelle que de raisons réellement objectives. Le plus grand blocage reste l’incapacité des acteurs à adopter une méthodologie à même de promouvoir le dialogue.
Dans la plupart des situations, les protagonistes mauritaniens voient tout processus de dialogue comme une bataille qu’il faut livrer avec férocité les uns contre les autres. Alors que le dialogue suppose un minimum d’humilité qui impose la recherche d’un terrain d’entente. Il suppose avant tout de reconnaitre à l’autre – ou aux autres – le droit d’exiger, de demander et attendre d’eux qu’ils donnent.
Quand on s’engage dans un processus de dialogue, on doit nécessairement savoir ce qu’on veut et pouvoir l’exprimer avec clarté. Déterminer à l’avance jusqu’où l’on peut aller dans les concessions et dans les exigences. Jauger le rapport de force pour éviter d’être pris au dépourvu et de se retrouver dos au mur.
Les débats chez nous sont une succession de convenances (au meilleur des cas) sinon d’insultes (au pire des cas) proférées par les uns vis-à-vis des autres, souvent en parallèle. Il est rare de voir les protagonistes de chez nous discuter dans la sérénité en ayant à cœur de convaincre le vis-à-vis. Il leur est plus facile de faire dans l’invective, de manière justement à éviter à se parler les yeux dans les yeux, à échanger tranquillement.
Quant au dialogue (politique ou social), il est justement refusé sous différents prétextes. On se cache d’abord derrière le déni de bonne volonté : le vis-à-vis est toujours de mauvaise foi, il y a toujours quelque calcul malveillant qu’il faut trouver avant de s’engager… On va plus loin pour trouver dans le passé, des preuves des appréhensions nourries en oubliant le rôle de chacun, les mauvaises appréciations de chacun, le positionnement de chacun…
Tout cela pour dire que le processus de dialogue qu’on tente aujourd’hui de faire démarrer (et qu’on espère de tout cœur) se grippe au départ.
D’abord à cause de cette mauvaise lecture qui explique que «si Ould Abdel Aziz accepte de discuter de tout, c’est parce qu’il est soit malade, soit aux abois». Accepter de dialoguer avec lui équivaut donc à… le sauver.
Ensuite parce qu’on invoque «les expériences de dialogue passées qui ont donné la preuve de la mauvaise volonté du Pouvoir». Accepter la main tendue ces derniers temps fait courir le risque de se laisser avoir une fois de plus.
Il y a enfin cette attitude qui dénie au Président de la République et à son système, la possibilité de traduire la volonté de dialogue en politique publique. Aller dans le sens qu’il veut relève de la vanité.
Quelque soit la posture que l’on adopte pour justifier le rejet du dialogue ou pour bloquer le processus, on se trouve dans la mauvaise logique.
La situation générale est plus que satisfaisante pour le régime en place. Au plan intérieur, les mouvements revendicatifs ne sont pas aussi dangereux pour sa stabilité. Même les risques d’explosions sociales restent au niveau de la menace lointaine. Au plan extérieur, la Mauritanie de Ould Abdel Aziz s’est imposée comme un pôle de stabilité et un pivot de la lutte contre le terrorisme et le crime organisé en général.
Quoi qu’en disent les rumeurs et malgré les campagnes d’intoxication – enlèvements d’étrangers, maladie du Président, retrait d’investisseurs étrangers, cas d’Ebola… -, il suffit de regarder froidement la situation pour ramener les problèmes du pays à leur dimensions réelles : ceux d’un pays en voie de développement qui essaye d’en sortir. Pas de quoi menacer la stabilité d’un régime qui a su et pu éviter les pires moments (coup d’Etat de 2008, attaques de AQMI, contagion du «printemps arabe», accidents de parcours…).
Alors ? Ne reste plus que se poser la question fondamentale : quelle alternative au dialogue ?