jeudi 5 janvier 2012

Baypekha a parlé


Baypekha, c’est le surnom que se donne un armateur mauritanien qui est aujourd’hui président d’une fédération de pêche. Il partageait hier soir le studio de TVM avec deux individus qui pourraient être des officiels. Je n’en sais rien tellement la personnalité et le discours de Baypekha dominaient le reste. Tout en assenant des vérités dérangeantes, Baypekha arborait l’air de «celui qui vient d’en haut», qui ne connait rien à la politique et qui n’a d’autre expérience que celle reçue sur le tas. C’est ce qui lui permettait d’élever la voix, d’accaparer la parole et de tenir des propos qui sont rarement tenus publiquement par les «bien-pensants».
Sa description de l’élite d’aujourd’hui est juste : l’homme accompli, bien rasé, bien coiffé, bien habillé de ses dix mètres de tissus (rien que pour son boubou, alors que quatre mètres auraient suffi), et qui donne ainsi l’air d’être bien dans sa peau, et qui s’étire à tout moment pour dire la fatigue qu’il endure alors qu’il ne fait rien que commenter les actions du gouvernement… «mais en quoi ça te regarde si celui-là a fait, ou celui-là a dit ? Pourquoi ne pas t’occuper de produire pour nourrir ta famille, te nourrir toi-même, t’occuper à produire ce que tu consommes ?»
Et de se lancer dans une véhémente diatribe contre cette élite qui se contente de regarder faire, de commenter ce qui est fait, de parler, de parler, de parler…
De manger, le moment venu et si l’occasion se présente, une salade importée, un riz importé, une orange importée, un blé importé, un pain dont tous les composants sont importés… de boire du lait importé, des jus importés… de s’habiller en tissus importés et même cousus ailleurs…
L’invite finale à se diriger vers la mer pour exploiter cette ressource dont on doit louer les bienfaits, mais que nous continuons à dédaigner. Il nous révèle que les chameliers n’ont jamais le mal de mer (?!). Il affirme que la mer peut nourrir toute la population. Mais cela demande des efforts et un changement profond de la mentalité.
Mais si pour ses interlocuteurs, la chose semble compliquée – surtout parce qu’ils se perdent dans des conjectures de fonctionnaires constipés -, pour lui il s’agit tout simplement de revaloriser le travail, de condamner la paresse, le parasitisme social, le vol…
L’occasion de rappeler que tant que la politique est une source de revenus, le travail et la production ne seront jamais promus au rang de vertus. Tant que l’on peut, par le truchement d’alliances et de clientélisme, avoir ce qu’on veut de marchés, de postes à pourvoir, de promotion professionnelle… la mentalité continuera à être ce qu’elle est : dédaigneuse du travail, de l’efficacité, de la compétence… Elle sera encore et encore celle de l’indignité, de la prédation, du faux et de l’usage du faux.
Si l’on peut rompre avec cette attitude qui veut que pour être «quelque chose dans la vie», il faut être «du bon côté», ce serait révolutionnaire pour notre mental. Pourquoi les hauts fonctionnaires se sentent-ils obligés d’appartenir au parti dit au pouvoir ? pourquoi ces hauts-fonctionnaires-là se comportent-ils comme s’ils n’étaient pas comptables de leurs actes ? pourquoi n’avons-nous jamais – ou très rarement – des sanctions pour fautes de gestion, pour fautes tout court ?
L’urgence est à la réhabilitation du sens du travail, de la créativité, de l’innovation, à la promotion de l’intelligence et de la compétence. Sans cela, les énormes investissements lancés à coup de milliards (on parle de centaines de milliards), les milliers d’emplois créés et pourvus, le dialogue politique et ce qu’il fonde en terme de contrat politique… sans le bannissement de la médiocrité et du clientélisme, tout cela ne servira à rien. Sauf à nous faire faire un pas de plus vers la déchéance.