mercredi 12 octobre 2011

Créer l’information, couvrir l’information


Comme je vous le dis depuis un certain temps, je suis au Maroc. Depuis bientôt deux mois. Au début pour soigner l’un de mes enfants, puis je suis resté attendant de pouvoir inscrire l’aînée qui venait d’avoir son bac. Je le dis pour qu’on sache que rien ne peut m’échapper de ce qui se passe concernant les inscriptions d’étudiants mauritaniens au Maroc.
Contrairement à ce qui a été publié par des sites mauritaniens, la partie marocaine n’a pas exprimé – du moins pas encore – son rejet d’un quelconque dossier mauritanien. Jusqu’à la publication de ces informations, il y avait certes quelques lenteurs mais qui ne peuvent être assimilées à un rejet. Donc l’information disant que la partie marocaine a «fermé les portes de ses établissements universitaires à plus de 800 mauritaniens», cette information est fausse.
Par contre, la donner a contribué largement à compliquer la situation. Surtout que la plupart de ceux qui l’ont donnée ont voulu l’inscrire dans une crise qui marquerait les relations entre les deux pays. Et d’expliquer la crise de façon savante : les relations de plus en plus prononcées avec l’Iran, la candidature des deux pays au poste de membre du Conseil de sécurité et d’autres assertions à même de crédibiliser le mauvais état – supposé – des relations entre les deux pays. Pour certains, on croit avoir trouvé de quoi affaiblir le régime…
En réalité, les deux pays se sont mis d’accord sur un lot de 300 étudiants boursiers de l’Etat mauritanien. Au finish, l’agence marocaine de la coopération internationale (AMCI) a fait inscrire jusqu’à présent 590 – environ.  Parmi lesquels les dossiers de ceux qui sont passés par l’Ambassade du Royaume à Nouakchott, ou par les notables mauritaniens qui ont quelques «ouvertures» ici. Mais aucun de ceux dont les dossiers ont été transmis par l’Ambassade de Mauritanie à Rabat, donc par le Conseiller culturel. D’ailleurs, la liste des 141 présélectionnés par l’AMCI et transmis par les soins de l’Ambassade de Mauritanie à Rabat, cette liste attend toujours.
Depuis la nuit des temps, les Mauritaniens, allant ou pas en pèlerinage à La Mecque, sont passés dans les universités de Marrakech, de Fez… pour parfaire leur enseignement, continuer vers les Lieux Saints et revenir chez eux avec le titre de «savant», de Faqih, de grammairien… Dans les temps modernes, cela s’est traduit par l’arrivée, chaque année plus massive, d’étudiants en quête d’inscription dans les établissements universitaires marocains. Cela prend des ampleurs alarmantes ces dernières années. Et c’est là, à mon avis, où se situe l’information : pourquoi ce rush vers le Maroc ?
Je suis là depuis la mi-août, je sais qu’il y a au moins 19 anciens hauts fonctionnaires (et aspirant à le redevenir) de l’Etat mauritanien qui ont acquis des villas ou des appartements à Casa, Rabat ou leurs environs. Qui sont-ils et pourquoi cet exode surtout quand on remarque qu’il s’agit de personnalités politiques et technocratiques très actives chez nous ?
L’information, ce n’est pas le refus de la partie marocaine qui n’a jamais eu lieu, mais l’exode massif des Mauritaniens de leur pays. C’est le système éducatif qui n’a jamais bénéficié d’un intérêt quelconque de la part de la plupart de nos médias et de nos politiques.
Pour en revenir aux inscriptions, où en est-on ? Les autorités marocaines ont accepté déjà près de six cents inscriptions. L’année passée, ce chiffre avait dépassé 700. Nous ne sommes en fait qu’au début du processus et nous arriverons normalement à huit cents au moins. Parce que les autorités marocaines, même au plus bas des relations avec les autorités mauritaniennes, n’ont jamais fermé la porte devant une demande. Dans l’esprit des autorités du Royaume, les relations ne peuvent être tributaires des comportements des gouvernants. D’ailleurs, les moments les plus forts – où les autorités ouvrent toutes les portes devant les ressortissants – ce sont les moments de «frictions» qui n’ont jamais été que passagers, le naturel l’emportant toujours. Le naturel, c’est la profondeur des relations qui lient les deux pays.
Une profondeur qui se traduit parfois par une «convivialité sociale» qui oblige les officiels à agir dans l’informel au lieu de l’institutionnel. Quand le syndicat des étudiants mauritaniens demande à voir les responsables de l’AMCI, ce n’est qu’une expression de cette «convivialité» parfois désastreuse parce que ne répondant à aucune logique de pays-à-pays. Je crois que si l’on commençait à se dire que le Maroc n’est pas une excroissance de la Mauritanie, on pourra alors comprendre que son administration accepte ou refuse d’inscrire un trop-plein d’étudiants sur lesquels il n’y a eu aucun accord. En acceptant, l’administration marocaine ne fait que répéter un geste presque millénaire. En refusant, elle réhabilite quelque peu l’institutionnel, même s’il est vrai qu’on «perturbe» une convivialité qui a fait jusque-là la particularité des relations entre les deux pays.