dimanche 29 septembre 2013

Un dialogue «minoré»



Depuis quelques jours, «on» tente de relancer le dialogue entre la Majorité et l’Opposition radicale. Celle qui demandait jusqu’à récemment la démission du Président Ould Abdel Aziz et son départ pur et simple du pouvoir.
Chaque camp a désigné ses représentants et les pourparlers doivent commencer incessamment. Mais que peut-on attendre de ce face-à-face ?
Rien. C’est la première réponse qui vient à l’esprit quand on se remémore tout le temps perdu pour le pays et la démocratie.
En juillet 2010, le chef de file de l’opposition démocratique avait (enfin !) accepté de rencontrer le Président Ould Abdel Aziz dont il ne reconnaissait pas la légitimité. Les partis de la Coordination de l’opposition démocratique (COD) avaient alors amorcé un mouvement de rapprochement avec le pouvoir, suivi de peu par les Islamistes de Tawaçoul qui allaient finalement rejoindre la Coordination. Seul le Président Messaoud Ould Boulkheir semblait hésitant, posant une condition : que le Président Ould Abdel Aziz exprime publiquement la demande de dialogue. Ce qui fut fait le 28 novembre 2010, à l’occasion du message à la Nation.
La COD engagea une réflexion interne sur une plate-forme commune qu’elle devait présenter lors de ce qui allait être les conciliabules pour un vrai dialogue. Survinrent les évènements de Tunisie et d’Egypte. La COD exigea alors le départ de Ould Abdel Aziz. Seuls les partis APP de Ould Boulkheir et El Wiam de Boydiel Ould Hoummoid (rejoint par Sawab de Abdessalam Ould Horma) continuèrent dans la logique du dialogue. La cérémonie d’ouverture de ce dialogue fut solennelle. Le Président de la République ouvrant lui-même le processus. Quelques semaines suffiront à faire le tour des questions, celles initialement fixées par le document de la COD que les «dialoguistes» se sont approprié. Une commission chargée du suivi des résultats de ce dialogue fut mise sur pieds. Elle réussit à faire passer toutes les réformes, y compris les plus complexes (réforme constitutionnelle, esclavage, augmentation de la représentation populaire…). Deux ans (ou presque) pour mettre sur pieds une CENI chargée de mener le processus électoral de bout en bout. C’est elle qui annonce la date des élections, qui reporte cette date après accord politique, qui engage le recensement à vocation électorale et qui doit superviser le scrutin.
Alors qu’elle voyait les portes se refermer devant elle, la COD a finalement accepté de renoncer à son exigence de départ pour accepter enfin de discuter avec la Majorité des conditions qui lui permettront de participer. De quoi pourrait-il s’agir ?
L’avance faite par le Président de la République à Néma comportait trois axes principaux : report de la date, ouverture de la CENI et création d’un Observatoire des élections. En plus, s’il y a lieu, d’un audit du fichier électoral.
Le report a été fait : du 12 octobre au 23 novembre. L’ouverture de la CENI aux représentants de la COD serait dangereuse dans la mesure où, dans sa composition actuelle, elle est – heureusement – apolitique. Une CENI partisane comporte de grands risques pour le déroulement des élections et pour leurs conclusions. D’autant plus que si la COD a la possibilité de nommer des partisans parmi les Sages, il faut donner la même chance à la Majorité et à la Coalition pour une Alternance Pacifique (les partis du dialogue). En effet aucun des membres actuels de l’organe dirigeant de la CENI, et surtout pas son président, ne peut être accusé d’appartenir à tel ou tel parti. Comment accepter alors une recomposition de la CENI ?
Reste l’Observatoire. L’idée peut être très bonne, mais quelles peuvent être les prérogatives d’une telle institution ? Comment faire pour ne pas être en face d’un doublon par rapport à la CENI ? Comment empêcher les redondances ?
Alors ? La composition de la délégation de la COD renseigne amplement sur ses intentions. On perdra du temps à expliquer à certains des membres de la délégation de quoi il s’agit, alors que d’autres se moqueront bien du temps que cela prendra et de la tournure que cela prendra.
Le président Mohamed Ould Maouloud est certes bien outillé pour diriger des négociations du genre – c’est lui qui a dirigé, pour le compte du Front national de défense de la démocratie (FNDD), les négociations de Dakar -, mais il a en face de lui l’homme qui lui a arraché cette signature sans qu’il puisse compter sur des compagnons de même niveau que lui. Ne lui reste que l’art «d’allonger le processus». Peut-être que ses vis-à-vis se lasseront. Peut-être seulement, parce que ce qui est sûr, c’est que la date fatidique du 23 novembre se rapprochera inexorablement. La pression du «temps qui file» se fera sentir par tous. Avec une différence de taille : la Majorité connait déjà ses candidats et est presque prête, tout comme d’ailleurs l’Opposition de la CAP, alors que la COD attendra de prendre la décision de participer ou non. Quand ? tout dépend…