vendredi 8 novembre 2013

Campagne électorale

C’est sans doute la campagne électorale la moins «excitante» de l’Histoire du pays. D’abord parce qu’elle arrive après plusieurs reports des élections législatives et municipales. Ce qui a fini par exaspérer le public. Ensuite parce qu’elle ne clôt pas forcément les polémiques politiques qui ont, elles aussi, nourri l’exaspération générale. Voilà six ans que l’on nous installe dans une «crise politique» factice et qui a fini par provoquer une profonde désaffection vis-à-vis du politique en général.
Pourquoi la crise est-elle «factice» ? Parce qu’elle n’a pas d’objet. Parce que les raisons qui lui sont données pour l’expliquer ne sont pas suffisantes. Parce que les protagonistes ne savent pas ce qu’ils veulent, ou s’ils le savent ne le disent pas. Parce que les manifestations réelles de la crise ne sont pas là.
Au moment où démarre cette campagne dont l’enjeu principal est la participation le jour du scrutin, la démocratie mauritanienne parait malade. Pas à cause du boycott qui est plus un non-choix, mais de ce qu’elle implique de retour aux appartenances sectaires. Nulle part où l’on ne raisonne en termes de tribus, d’ensembles, de castes ou de classes.
Le candidat le plus «à gauche» (si la Gauche existe ici) ne pourra pas s’empêcher de vous dire qu’il a le soutien de la tribu telle ou telle, de l’ensemble tel ou tel, des «Haratines», des «Maures», des «Noirs» dont «les porte-paroles sont venus ici apporter leur soutien». Qu’est-ce que c’est un «porte-parole» d’un ensemble ethnique ou tribal ? où est l’ensemble où la cohésion est si évidente et si forte pour laisser une personne, une seule personne parler en son nom ? qui est assez légitime pour parler au nom d’un groupe ? qui donne d’ailleurs cette légitimité ?
Je crois qu’on fait semblant, qu’on finit par croire au leurre que nous avons nous-mêmes déployés. C’est pourquoi je reste optimiste quant à l’avenir des Institutions comme les partis. Aujourd’hui, ils ne veulent pas dire grand-chose dans la mesure où la promotion de l’individu au sein du parti ne dépend nullement de son adhésion, encore moins de son engagement dans ce parti et pour ses idéaux (existent-ils d’ailleurs ?). Il dépend de ce que l’individu apporte ou est supposé apporter en termes de base électorale. Le parti doit alors tout à l’individu et non l’inverse. C’est donc l’individu qui dicte ses préférences et non le parti. D’où les incohérences à prévoir dans les positionnements de demain. Surtout que tout individu voulant se libérer de ses engagements partisans ne peut plus claquer la porte comme on faisait avant. La place appartient désormais au parti et non à l’individu. Mais on trouvera la parade en allant à contre-courant ou en créant des courants au sein des partis. Nous allons donc vers plus d’atomisation.
Le retour en force de la logique tribale ne doit pas tromper. La société mauritanienne, si l’on excepte les vieilles structures soninkées héritées des anciens Empires et figées depuis, sont lâches dans l’ensemble. Tout dépend de la culture dominante, celle qui est promue par l’encadrement national (autorités et acteurs publics). Jusqu’aux années 80, ce fut le cycle de recul de l’appartenance sectaire qui est revenu à la surface avec la démocratisation et les manipulations du pouvoir qui en faisait un levier de commandement. Il ne s’est pas trouvé non plus de parti ou de regroupement alternatif à l’ensemble restreint. Le recul de l’idéal national unitaire et fédérateur s’explique en partie par cette démission et ce refus d’entretenir la vocation d’une Mauritanie plurielle, égalitaire, juste et finalement progressiste.
Nous avons besoin de réinventer la notion de «progressiste» par opposition à tous les conservatismes qui nous menacent aujourd’hui d’une longue nuit noire. La bataille est là et nulle part ailleurs : elle a pour enjeu la Modernité qui est une longue gestation de la citoyenneté, qui promeut les nobles idéaux qui font de nous des frères solidaires, des patriotes déterminés. Je ne vois pas dans le milieu politique qui peut incarner ce dont on a besoin, ni parmi ceux qui participent et qui nous abreuvent de promesses, ni parmi ceux qui ont choisi de ne pas s’adresser à nous en s’excluant.