mardi 31 mai 2011

Des printemps arabes


«Le temps des printemps arabes», c’était le thème de la conférence introduite par le Professeur Bertrand Badie, éminent politologue français et grand connaisseur des évolutions du Monde Arabe.
Il a d’abord défini les soulèvements de Tunisie et d’Egypte comme des événements «exceptionnels», évoquant la complexité de trouver la formule exacte pour les qualifier : révolution arabe, mouvements sociaux, pour opter pour «le temps des printemps arabes». Il a ensuite démontré qu’il s’agit d’un mouvement de rupture d’avec le système classique. Dont la première manifestation est l’absence d’unité de temps, d’unité de lieu et d’unité d’action. Une trilogie qui a fait le classicisme.
Il a développé son argumentaire suivant trois axes :
-          Le temps social qui a été très fort et très dynamique. C’est lui qui a fait la révolution. Mais va-t-il s’articuler avec le temps politique ? C’est toute la question qui déterminera le devenir proche de ces révolutions. C’est une révolution qui s’est faite sans avant-garde, sans programme et sans doctrine. Première révolution post-léniniste, elle est une revanche des sociétés sur les systèmes politiques. Une sorte d’autonomisation de la société par rapport au joug du politique institutionnelle. Elle est pour cela sans précédent dans l’Histoire du Monde. Au moment où l’on croyait que l’ère des révolutions était terminée, voilà que les sociétés décrètent le passage en force en rompant avec la logique des Etats. Ce qui a été nouveau c’est la recréation et la redynamisation du lien social détruit par les autocraties.
-          Le temps politique devrait nécessairement arriver par la prise en charge des ruptures sociales. «Si le temps social ne débouche pas sur le temps politique, ce sera un gâchis». Le printemps arabe pourrait alors être «juste un mai 68 arabe». L’expérience de la Révolution française nous enseigne qu’il faut assurer le transfert du temps social vers le temps politique. Nous aurons alors besoin d’une pensée politique comme celle des Lumières qui a servi en 1789 (en fixant les objectifs politiques) et des élites fournies par les associations et le foisonnement social de l’heure. Le danger pour nos révolutions actuelles, c’est bien la tendance de vouloir produire une pensée politique qui cherche à «se réfugier dans les utopies régressives» comme la culture d’un passé=âge d’or. L’élection risque aussi de servir à reproduire le passé.
-          Le temps international nous amène à nous poser la question suivante : l’interférence du système international est-elle facteur de facilitation pour permettre l’articulation des temps social et politique, ou sera-t-elle simplement une manière pour ce système dominant de s’approprier le mouvement ? Trois phases dans les attitudes à relever dans le comportement du système international. Cela commence par la recherche de l’endiguement, comme au bon vieux de la politique du containment. La logique développée ici est que le mouvement pourrait déstabiliser la marche du Monde. Puis la politique dite de l’accompagnement qui a été portée par le discours du président Obama au Caire. Mais elle pose la question de savoir si une diplomatie de l’accompagnement est possible ? Enfin arrive la diplomatie de la substitution qu’on vit actuellement en Libye. Le système international – autant dire la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, pour le cas de la Libye – se substitue aux acteurs politiques arabes pour réguler et accélérer le devenir. Une révolution qui conduit à un tel processus devient une guerre. «La guerre est l’antisocial par excellence, la révolution est la quintessence du temps social», conclura Bertrand Badie. 

Le RFD adopte le CNT

C’est une conférence de presse d’exception, parce qu’elle a visiblement été décidée en catastrophe vu l’urgence du communiqué en faisant état. En milieu d’après-midi, le Rassemblement des forces démocratiques de Ahmed Ould Daddah annonce une conférence de son président. Urgent !
En fait c’était pour annoncer que le RFD et son président soutiennent (désormais) le conseil national de transition (CNT) des insurgés libyens. C’est une information et même une première. Tout comme les critiques acerbes formulées à l’encontre de Kadhafi. Tout cela est nouveau chez la plupart de nos politiciens.
Il faut rappeler que Kadhafi utilisait l’argent libyen pour soudoyer les acteurs politiques en Mauritanie, en Afrique et dans le monde en général. Des militants de l’IRA (Irlande) à ceux du Farabundo Marti d’Amérique Centrale, en passant par les mouvements d’opposition ou les pouvoirs en Afrique ou dans le Monde arabe.
Ici Kadhafi a commencé par fortement soutenir le Front Polisario dans sa version originelle de mouvement de contestation des pouvoirs en place en Mauritanie et au Maroc. Particulièrement en Mauritanie. Ce n’est pas par hasard si toute la pression a été exercée sur notre avec d’ailleurs une tentative de prise de pouvoir par l’attaque de Nouakchott en juin1976.
Puis vint l’épisode du financement des groupuscules nationalistes et, au même moment, des pouvoirs militaires successifs. Ce qui explique le mépris qu’il a toujours affiché pour le pays et pour ses dirigeants. Le «tozz vi muritaanya» qu’il a plusieurs fois lancé en est une manifestation. Le jeu démocratique lui permettra d’interférer dans le jeu. Financement de toutes les entreprises et de tous les entrepreneurs politiques. Si l’on excepte l’UFP – même si l’un de ses hauts responsables a déjà fait le voyage de Tripoli – et Tawaçoul, pas un parti mauritanien n’a échappé à la générosité de Kadhafi et de son système. Les comportements de ses envoyés – Ave’ el Madani, Moussa Koussa et autres – s’expliquaient par le fait d’avoir «alimenté» nos symboles politiques. Toutes les campagnes de ces dernières années se sont faites en partie avec de l’argent venant de Libye. Comprenons alors la complexité des positions de nos politiques et leurs hésitations…

lundi 30 mai 2011

Le RFD adopte le CNT



C’est une conférence de presse d’exception, parce qu’elle a visiblement été décidée en catastrophe vu l’urgence du communiqué en faisant état. En milieu d’après-midi, le Rassemblement des forces démocratiques de Ahmed Ould Daddah annonce une conférence de son président. Urgent !
En fait c’était pour annoncer que le RFD et son président soutiennent (désormais) le conseil national de transition (CNT) des insurgés libyens. C’est une information et même une première. Tout comme les critiques acerbes formulées à l’encontre de Kadhafi. Tout cela est nouveau chez la plupart de nos politiciens.
Il faut rappeler que Kadhafi utilisait l’argent libyen pour soudoyer les acteurs politiques en Mauritanie, en Afrique et dans le monde en général. Des militants de l’IRA (Irlande) à ceux du Farabundo Marti d’Amérique Centrale, en passant par les mouvements d’opposition ou les pouvoirs en Afrique ou dans le Monde arabe.
Ici Kadhafi a commencé par fortement soutenir le Front Polisario dans sa version originelle de mouvement de contestation des pouvoirs en place en Mauritanie et au Maroc. Particulièrement en Mauritanie. Ce n’est pas par hasard si toute la pression a été exercée sur notre avec d’ailleurs une tentative de prise de pouvoir par l’attaque de Nouakchott en juin1976.
Puis vint l’épisode du financement des groupuscules nationalistes et, au même moment, des pouvoirs militaires successifs. Ce qui explique le mépris qu’il a toujours affiché pour le pays et pour ses dirigeants. Le «tozz vi muritaanya» qu’il a plusieurs fois lancé en est une manifestation. Le jeu démocratique lui permettra d’interférer dans le jeu. Financement de toutes les entreprises et de tous les entrepreneurs politiques. Si l’on excepte l’UFP – même si l’un de ses hauts responsables a déjà fait le voyage de Tripoli – et Tawaçoul, pas un parti mauritanien n’a échappé à la générosité de Kadhafi et de son système. Les comportements de ses envoyés – Ave’ el Madani, Moussa Koussa et autres – s’expliquaient par le fait d’avoir «alimenté» nos symboles politiques. Toutes les campagnes de ces dernières années se sont faites en partie avec de l’argent venant de Libye. Comprenons alors la complexité des positions de nos politiques et leurs hésitations…

dimanche 29 mai 2011

Badie parmi nous

Pour ceux qui ne le connaissent pas, Bertrand Badie est un politologue français spécialiste des relations internationales. Il est professeur des Universités à l’Institut d’études politiques de Paris et enseignant-chercheur associé au Centre d’études et de recherches internationales (CERI). Il est présentement à Nouakchott où il doit présenter quelques conférences au Centre culturel français devenu Institut Français de Mauritanie, et à l’Université de Nouakchott. J’ai piqué dans Wikipédia quelques éléments sur ses théories :
«La fin des territoires. La référence des relations internationales qu'est le territoire est en train de disparaître suite à trois changements : lamondialisation, la fin de la Guerre froide et de la bipolarité qui se fondait sur les territoires, et la crise des États (financement, indépendances des banques centrales, fin de l'État providence). On observe ainsi la multiplication des espaces où l'État n'intervient plus et où son contrôle disparaît (guerres civiles (comme en Somalie), "cités", zones démilitarisés (comme en Colombie)). L'État, en outre, est concurrencé par d'autres organisations non-étatiques (ONG, multinationales) dont Badie estime que les décisions influent fortement sur les relations internationales.
L'État importé montre comment la vision de l'ordre territorial a été imposé comme une vision de l'État notamment lors de la décolonisation.
Le retournement du monde écrit avec Marie-Claude Smouts. Il constate que les identités sont de plus en plus culturelles et de moins en moins universelles, que les relations transnationales sont un mode particulier d'inscription dans l'espace et que les relations sont construites en dehors des espaces nationaux et de leur prise en compte. Mais c’est aussi la négation progressive de la capacité de contrôle de l’État et de sa légitimité. Ainsi on observe la multiplication des espaces de références (Église, mafias, allégeances subnationales), qui conduisent à remettre en cause l’allégeance à l’État».
Principales œuvres : «Les Deux États. Pouvoir et société en Occident et en terre d’Islam», Paris, Fayard, 1987 ; rééd. Seuil (Points Essais), Paris, 1997 ; «L’État importé. Essai sur l’occidentalisation de l’ordre politique», Paris, Fayard, 1992 ; «Le Retournement du monde. Sociologie de la scène internationale», avec Marie-Claude Smouts, Presses de Sciences Po / Dalloz (Amphithéâtre), Paris, 1999, 3e éd. ; «Le Défi migratoire. Questions de relations internationales», avec Catherine Wihtol de Wenden, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1994 ; «La Fin des territoires», Paris, Fayard, 1995 ; «Un monde sans souveraineté», Paris, Fayard, 1999 ; «La Diplomatie des droits de l’Homme. Entre éthique et volonté de puissance», Paris, Fayard, 2002.

samedi 28 mai 2011

Khadar ne comprend pas

Khadar est mon ami. Un vieil ami, de l’époque où on en faisait encore. L’époque où la loyauté et le cosmopolitisme étaient des qualités. Khadar avait «compris» mes engagements, même s’il ne les partageait pas. Malgré les sous-entendus, parfois les menaces, en tout cas les mises en garde, le «fou du PRDS» qu’il était a toujours compris mes positions. Lui, l’homme de l’enracinement traditionnel, a toujours compris que je milite pour l’égalité citoyenne, contre l’esclavage, contre l’arbitraire, contre la mauvaise gestion… Il a compris et accepté.
Khadar refuse cependant de comprendre que je puisse me passionner pour le football. Que j’attende avec ferveur la finale de la Coupe d’Europe des Champions, cela le déconcerte. Que je remette tout à plus tard pour suivre le match, cela le choque. Que je me laisse «captiver» par Messi et ses coéquipiers… ahaa ! cela l’inquiète.
Malgré le profond attachement et la grande considération que j’ai pour mon ami, je n’arrive pas à décrocher. J’attendrai le match. Je le suivrai. Je serai réactif. Emu et l’exprimant quand il le faut, c’est-à-dire quand Barça l’emportera et que Messi marquera. Oui, Khadar, pardonne-moi de te déconcerter, de te choquer, de t’inquiéter… 

vendredi 27 mai 2011

L’Afrique majeure ?

Le sommet de l’UA sur la Libye a révélé une Afrique plus ou moins ambitieuse malgré ses divisions. L’Afrique du Sud de Jacob Zuma a voulu faire cavalier seul. En effet le Président Zuma qui ne s’est pas rendu à Adis, a déclaré, alors que ses pairs étaient en réunion, qu’il se rendait à Tripoli pour essayer de convaincre Kadhafi de quitter le pouvoir. Ce qui n’a pas été du goût des autres chefs d’Etat. A rappeler que c’est le même Zuma qui avait torpillé la mission du panel en avril dernier en faisant des déclarations hâtives et en refusant d’aller à Benghazi. Explication : Zuma est obnubilé par le dossier de l’Afrique du Sud au Conseil de sécurité. Oubliant que sa légitimité en la matière, il ne peut la tirer que de ses ancrages africains.
Et que fait ramer le Président Wade à contre-courant de l’Afrique ? Dans les couloirs de l’UA, on vous explique que le président sénégalais est focalisé sur la possibilité pour lui de se représenter ou de passer le témoin à son fils Karim. Que seule la France peut faire obstacle à ces projets. Parce que le Président Sarkozy fait du dossier libyen, un problème personnel, le Président Wade y va les yeux fermés.
Sur les dossiers brûlant, la France de Sarkozy est effectivement en nette «discordance» avec l’Union africaine. Quand le panel chargé de la Côte d’Ivoire avait fini par avoir l’engagement de Gbagbo de démissionner et de reconnaître l’élection de Ouattara, une interférence française avait empêché cela. Comptant sur la force pour régler définitivement la crise ivoirienne. Aujourd’hui que les partisans de Gbagbo ont refusé de participer au gouvernement d’union nationale, le problème reste entier parce que la Côte d’Ivoire n’a pas retrouvé la sérénité nécessaire à Ouattara pour asseoir sa légitimité.
En Libye ce sera pareil. Kadhafi sera vaincu très certainement par les forces de l’OTAN. Mais après ? Que fera Sarkozy du bourbier libyen ? Laissera-t-il la République salafiste se construire aux portes de l’Europe ? Essayera-t-il de reconstruire autour des hommes de Kadhafi qui sont aujourd’hui mis en avant par Bernard Henry Lévy, BHL pour les intimes ? La force ne peut rien régler. Même pas la descente dans les sondages…

jeudi 26 mai 2011

Les jours s’en vont…

Le sommet sur la Libye s’est ouvert à Adis Abeba par une réunion des chefs d’Etats du Panel chargé de la question. Ce panel est dirigé par notre président, Mohamed Ould Abdel Aziz et comprend en plus de la Mauritanie, le Mali, l’Afrique du Sud, le Congo et l’Ouganda. Les représentants de ces pays sont en conclave. Et dehors, se croisent les délégations libyennes qui doivent être entendues.
Celle de Kadhafi est dirigée par son ministre des affaires étrangères accompagné de son ambassadeur et de quelques hauts dignitaires du régime de Tripoli. Tout le monde trouve dans la position de cette délégation matière à méditer. «Il y a moins d’un an, ces personnes étaient les plus courtisées sur le continent et dans ces allées, les voilà qui tournent en rond attendant d’être appelées». La Libye de Kadhafi faisait ce qu’elle voulait sur le continent. La force de l’argent…
Quand nos frères sénégalais arrivent, le Président Wade devant participer au sommet extraordinaire sur la Libye, les pourparlers entre le panel et les parties libyennes sont déjà entamés. On voit l’un des hauts responsables s’entretenir avec la délégation de Tripoli. «Il est en train de leur prodiguer des prières», me dit quelqu’un. Je m’approche et, me reconnaissant, il me dit : «Vous savez, le Président Wade n’a pas reconnu le conseil national de transition en tant qu’Etat, mais en tant qu’opposition légitime. Personne ne semble avoir compris la nuance…»
A l’intérieur, le Président Wade prend longuement la parole pour fustiger la Libye de Kadhafi qui a exercé quarante ans d’un pouvoir dictatorial. «Le peuple libyen a droit à la démocratie». Il rappelle à ses pairs africains qu’il a été sidéré de savoir que la Libye possédait plus de cent milliards dollars dans ses réserves, alors qu’elle ne partageait pas avec l’Afrique. Il concluait son discours par la nécessité de suivre le Sénégal dans sa démarche (reconnaissance du CNT).
C’est le Président Yoweri K. Museveni de l’Ouganda qui se charge de Wade. Il rappelle toutes ses guerres avec Kadhafi qui a armé contre lui tous ses ennemis (depuis 1976). N’oubliez pas, dit-il en substance, que dans cette salle, Kadhafi a cherché à nous pousser à créer un gouvernement de l’Union africaine il y a moins d’un an. Qui lui a fait face ? Museveni. Qui l’appelait «le Guide suprême» et le soutenait en demandant de créer ce gouvernement séance tenante ? «Le doyen Wade». Que le Président Wade comprenne que ce n’est pas l’Occident qui va partager les fruits de sa croissance ou les bénéfices faits sur la Libye. Qu’il sache que certaines de nos capitales qui manquent cruellement d’électricité ne seront pas pour autant alimentées quand l’OTAN arrivera à ses desseins en Libye. Dont act.

mercredi 25 mai 2011

C’est plus fort qu’eux

Benyamin Netanyahu prononce un discours devant le Congrès américain, les deux Chambres réunies.
Il déclare que les frontières de 1967 sont «indéfendables». Il n’est donc pas question pour lui d’y revenir. Il rejette toute idée de division de Jérusalem, donc pas question de partager cette capitale avec les Palestiniens. Pour lui, la solution au problème des réfugiés palestiniens doit se trouver «hors d’Israël», et pas question pour eux de revenir sur leurs terres spoliées par les migrants juifs venus d’Europe, d’Asie et récemment d’Afrique. Mais il exige des Palestiniens de reconnaitre Israël en tant qu’Etat juif. Et face aux Palestiniens, il déclare : «Israël ne négociera pas avec la version palestinienne d’al Qaeda».
Et c’est pour ce discours qu’il a eu droit a des ovations de la part des élus américains (plusieurs standing-ovations). Nous qui voyons cela, nos enfants, ceux de nos voisins, nos populations, nous le sentons comme une provocation de plus de la part d’une Amérique qui n’arrive pas à se libérer de ce fonds anti-arabe et anti-islamique en général. Qu’est-ce qu’il faut penser de dizaines d’élus, démocrates et républicains, qui interrompent par les applaudissements un discours plein de haine, d’exclusion, ultime expression du rejet de toute forme de paix.
Je fais partie de ceux qui ont cru à l’idée Obama. Il n’a finalement été qu’une utopie de plus, un projet avorté. Qu’est-ce qu’il lui coûtait de réviser les rapports de l’Amérique avec le reste du monde, de renouer avec l’Amérique de Kennedy pleine de promesses d’égalité, de justice et d’équité pour ses fils et le reste du monde. Au lendemain de la mort de Ben Laden et dans le contexte des révolutions arabes, tout était possible pour l’Amérique d’Obama. Elle vient de tout rater…

mardi 24 mai 2011

Ils sont fous, nos compatriotes

Je suis parti la veille à Adis Abeba avec la délégation présidentielle qui doit assister aux sommets de l’Union Africaine. C’est naturellement par le net que j’apprends que notre grande vedette de la chanson – et de l’art mauritanien en général -, Dimi Mint Abba a été victime d’un malaise grave qui l’a conduite aux urgences d’un hôpital de Lâayune où elle était en visite. La manière avec laquelle l’information est donnée est choquante à plus d’un titre. Comme si les auteurs se délectaient des malheurs des autres. Comme s’ils avaient toujours souhaité le pire pour celle qui a porté l’art mauritanien au firmament, pour celle qui a contribué à le populariser, le mettant au niveau de la masse, brisant le monopole de l’élite aristocratique.
Les enregistrements des années 80 – mais aussi fin des années 70 -, 90 et au-delà ont largement contribué à populariser la musique maure, désormais à la portée de tout celui qui avait un magnétophone. Sa voix, restée inaltérée tout ce temps, sa simplicité, sa disponibilité vis-à-vis de son public, lui ont permis d’avoir un style et une aura. Aussi a-t-elle pu conquérir les scènes extérieures, particulièrement celles de l’espace Bidhâne. Ce n’est donc pas un hasard si elle se trouvait au Maroc quand elle a été malade.
Nous avons à lui rendre hommage et à lui souhaiter prompt rétablissement. Lui rendre hommage et à travers elle le rendre à sa famille et à l’ensemble des griots qui a tant donné à la Mauritanie moderne. Je ne parle pas ici de l’apport des griots aux temps anciens, mais plutôt de leur contribution dans l’édification d’un Etat moderne. Les chants de Sidaty Ould Abba, Isselmou Ould Nevrou, Ahmedou Ould Meydah et sa fille Mahjouba, Mounina Mint Eleya, de Ousmane Hamadi Diop, pour ne citer que ceux-là, ont été essentiels dans le renforcement de l’unité nationale et dans l’ancrage d’une idée de Mauritanie possible.

lundi 23 mai 2011

La vitesse «faucheuse»

C’est un accident survenu la veille sur l’avenue Moktar Ould Daddah, en plein centre-ville de Nouakchott qui vient rappeler combien nous coûtent les mauvais comportements sur nos routes. Entre ceux qui croient qu’ils sont les seuls usagers et refusent en conséquence d’attendre le feu vert, de laisser aux autres le temps de passer, et ceux qui sont toujours pressés d’arriver là où ils vont même si rien ne les presse vraiment, entre ceux-ci et ceux-là les usagers des routes mauritaniennes meurent par dizaines chaque année. Et rien ne semble arrêter la course folle.
Toutes les parties semblent largement partager la responsabilité des morts sur nos routes. A commencer par les services de sécurité, police et gendarmerie dont les postes de contrôle ressemblent plus à des passages obligés pour paiement de tributs. Par les services du transport qui sont incapables d’imposer un minimum de normes techniques : l’une des causes des accidents et surtout de leurs effets meurtriers est la non-conformité des véhicules. Par l’irresponsabilité des usagers qui n’ont aucun respect pour les règles, les feux, encore moins pour l’autre qui compte pour moins que rien. A ce titre, le chauffeur mauritanien est le moins poli, le moins prévenant de la planète.
Ailleurs, la priorité est, en fonction du geste de courtoisie, à celui qui entre, ici on ne peut compter là-dessus. Parce que la tenue sur la route est celle du guerrier de basse catégorie, celui qui chaparde et utilise la force pour cela. Le réflexe du «gazreur» trouve ici toute son explication.
Quand on me parle de notre jeunesse et de l’éventualité pour elle d’être gagnée par la fièvre du printemps arabe, je me dis qu’il lui reste encore beaucoup à faire. Si c’est la jeunesse huppée de Nouakchott qui doit mener la révolution. Comment incarner un monde meilleur quand on est incapable d’attendre son tour devant un feu ou dans une boulangerie ? comment être porteur d’un message novateur quand on ne peut respecter la personne humaine pour ce qu’elle est et non pour ce qu’elle a ? comment revendiquer l’Etat citoyen quand on ne respecte aucune règle ?
…m’enfin, il nous reste beaucoup à faire pour espérer que quelque chose changera pour nous. Il faut d’abord changer ce qu’il y a en nous.

dimanche 22 mai 2011

Voies discordantes

Une nouvelle initiative dans le camp de la Majorité pour mettre en garde le pouvoir contre les "dérives possibles". Cette fois-ci ce sont des femmes qui se sont retrouvées autour de l’idée de création d’un forum «critique» dénommé «Conscience vivante». 
Au début il y avait des femmes de l’Union pour la République (UPR), de Adil… Puis des pressions ont été exercées sur celles de l’UPR qui ont fini par faire marche arrière. Un noyau «dur» est resté pour publier un document où il appelle à la prise en compte des problèmes jugés vitaux pour le pays.
Ouverture du dialogue, implication de la Majorité dans la gestion du pays, traitement sérieux des menaces qui pèsent sur l’unité nationale…, un beau programme qui reprend un peu tous les thèmes traités ces derniers temps par des responsables du pouvoir en place. Ce qui ouvre un peu plus l’appétit de l’opposition qui travaille – ou qui espère, devrait-on dire – un blocage menant à ce changement qui mettrait fin au règne actuel. Rien de moins.
Incapable de peser sur les événements qu’elle se contente de subir, l’opposition mauritanienne a jusque-là accompagné, plus que dirigé, les changements politiques dans le pays. Les coups d’Etats qui ont chaque fois mis (momentanément) fin aux blocages successifs, ont été bénis un à un par cette opposition. 
Quelqu’un a dit que nous avons une classe politique qui reconnait toujours – si elle ne justifie pas – les putschs, mais qui refuse toujours le résultat des élections. C’est systématique. Un peu réducteur, mais systématique.
Pour revenir aux voies discordantes au sein de la Majorité, rappelons que le plus critique d’entre tous est le Président de la République lui-même qui l’exprime publiquement. Mais est-ce suffisant ?
La première année de son mandat, et même la deuxième année, on pouvait aisément mettre les insuffisances sur le compte de la lourdeur du passif hérité de la gestion du passé. Mais aujourd’hui, nous devons commencer à demander des comptes, à attendre des résultats de l’équipe issue du 18 juillet 2009.
Les gens attendent de ce pouvoir des gestes forts de ruptures d’avec le passé. La première de ces ruptures concerne le rapport au politique. Pourquoi empêcher des voies discordantes de s’exprimer ? pourquoi faire pression ? pourquoi… pourquoi ? 

samedi 21 mai 2011

Démission justifiée

J’ai appris que le directeur de la toute nouvelle Ecole de Mines de Mauritanie (EMiM), Professeur Baba Said a démissionné en début de semaine dernière. J’ai lu la lettre expliquant sa décision. En voici quelques extraits pour ceux qui l’auront raté : «A la suite de l’annonce, faite par Monsieur le Ministre mercredi dernier, de la décision prise par le Gouvernement de transférer l’Ecole de Mines de Mauritanie, avec ses deux composantes, à Akjoujt, j’ai décidé de démissionner du poste de Coordinateur du Projet. Le projet de l’Ecole de Mines, dans sa version actuelle, ne correspond plus à celui que l’on me confiait il y a de cela un an. (…) Une ouverture de l’Ecole en automne 2013 était envisagée. 
(…) L’EMiM est censée s’inscrire dans une filière d’excellence. Elle devait offrir un débouché naturel aux élèves des Lycées d’excellence et se positionner comme étant un noyau structurant pour l’enseignement supérieur et la recherche scientifique en Mauritanie et notamment dans leur dimension technique. 
Cette mission de l’EMiM, combinée avec son ambition internationale, dictait sa localisation près des autres établissements de l’Enseignement Supérieur et son raccordement aux réseaux de communication et aux grands axes de circulation. Le choix a été fait d’implanter le siège principal de l’EMiM à proximité du Campus de l’Université de Nouakchott et d’ouvrir une antenne de l’Ecole à Akjoujt (Centre de Technologie Minière) pour des raisons d’aménagement du territoire et de vocation minière de cette ville. 
Ces choix ont été adoptés par le Comité d’Orientation de la Cellule chargée du Projet, actés par l’ensemble des Partenaires lors d’une table ronde organisée en septembre 2011 en présence de quatre ministres du Gouvernement. Nous avons été surpris, les Partenaires les premiers, d’apprendre, deux mois après, que la Tutelle avait décidé que l’EMiM ouvrira ses portes en novembre 2011 au lieu de novembre 2013, comme le prévoyait l’étude de faisabilité et comme acté par l’ensemble des intervenants, le Gouvernement compris. (…)
Les terrains ont été obtenus et visités par les délégations de Partenaires. Celui de Nouakchott jouxte le Campus de l’Université. Des locaux provisoires (salles de cours, internat et restauration) ont été réservés à Nouakchott. La campagne de promotion de l’Ecole a été lancée. Le concours d’entrée en première année est lancé. Le recrutement des futurs professeurs et du personnel technique est encours. Les statuts viennent d’être adoptés par le Comité d’Orientation. Les appels d’offre sont prêts à être lancés. Les conventions sont prêtes à être signées. (…)
Je n’ai rien contre l’idée d’installer une école d’Ingénieurs à Akjoujt, mais l’EMiM, dans mon entendement, n’est pas seulement une école d’ingénieurs. C’est aussi une formidable occasion de tirer l’ensemble de la filière de formation technique et d’enseignement supérieur vers le haut. Les moyens dont elle pourrait se doter peuvent constituer un vrai embryon de recherche scientifique. La place de cette école est au milieu du tissu éducatif et de formation déjà existant. 
Telle était l’ambition de ce projet et la seule motivation qui m’animait en acceptant de le piloter. Le Centre de Technologie Minière, antenne de l’EMiM, avec son flux de 30 Techniciens Supérieurs par an, remplit parfaitement la mission d’aménagement de territoire que semble vouloir confier les Autorités aux établissements d’enseignement supérieur. 
Je reste persuadé de la pertinence d’un tel projet et convaincu du rôle majeur que pourrait jouer une Ecole de Mines convenablement intégrée au système éducatif, de recherche et de formation technique en Mauritanie. Je voudrais, par ce courrier, vous exprimer, à tous, l’expression de ma gratitude pour les occasions que j’ai eues à travailler avec vous. J’espère que nos chemins se recroiseront un jour pour le bien de la Mauritanie et des Mauritaniens». 
Rien à voir avec les raisons avancées par le personnel de l’institut supérieur des études islamiques, devenu université et devant être transféré à Aïoun. Aux arguments fallacieux présentés par les professeurs de l’Institut s’opposent le souci «rationnel» du jeune Professeur Baba Said.

vendredi 20 mai 2011

SA, ça veut dire quoi SA ?

«Le Ministre de la Communication et des Relations avec le Parlement a présenté une communication relative à la mise en œuvre de la loi sur la communication audiovisuelle. Cette communication présente une stratégie globale sur la mise en place du processus de libéralisation du secteur fondée sur la nécessité d'instituer des leviers juridiques, institutionnels, technologiques et humains nécessaires au niveau du secteur public audiovisuel et de changer le statut des deux opérateurs principaux (Radio Mauritanie et TVM) et de les transformer en société anonymes. Au niveau du secteur privé et du secteur associatif une démarche progressive doit être adoptée en vue de permettre une appropriation de l'activité et sa meilleure intégration dans le contexte».  Dixit : le communiqué du Conseil des ministres de jeudi.
J’avais d’abord compris qu’il s’agissait d’une ouverture du capital de ces deux institutions aux privés. Ce n’est pas ça. En fait, le nouveau statut de société anonyme leur confère le droit de signer avec les autorités des accords de prestation de services. Nous aurons ainsi un contrat entre l’Etat et TVM et RM, accord qui engage les deux institutions à couvrir les activités, à suivre l’ordre des priorités des autorités, et à recevoir, en contrepartie, une enveloppe financière qui n’est en fait que la subvention qui servait jusque-là. Formellement, c’est une manière de libérer ces institutions du joug de l’autorité et c’est un pas de plus sur la voie du service public.
Il restera que les deux institutions souffrent de la pléthore du personnel : plus de 500 pour la radio et près de 800 pour la télévision. Sur ces chiffres, combien rendent véritablement service ? Les cameramen que vous voyez, croulant sous le poids du matériel qu’ils trimbalent, courant derrière tel ou tel responsable, ces cameramen sont souvent moins bien payés que d’autres, pigistes, contractuels ou «officiels», qui viennent une ou deux fois sur le lieu de leur travail : une fois pour toucher le salaire (fin du mois), une fois la veille des fêtes. Sans l’assainissement de la situation du personnel, pas d’amélioration des performances dans les médias publics. Il faut y penser pour que demain, la privatisation ne soit pas synonyme de débâcle pour TVM et RM. 

jeudi 19 mai 2011

Fin de la grève, et après?

La grève des personnels de la santé est finie. Au bout, un accord entre le ministère et les syndicats. L’occasion pour les représentants des syndicats de «louer le comportement des autorités». Ils déclarent n’avoir jamais subi de pressions et avoir toujours eu une parfaite écoute de la part des autorités. N’avons-nous pas été submergés par les infos diffusées à la seconde sur les pressions que faisaient subir tel ou tel responsable aux grévistes ? n’y a-t-il pas eu des déclarations de partis politiques dénonçant avec violence cela ? n’avons-nous pas tous été emballés par cela ? Si… mais aujourd’hui que tout est fini, les syndicalistes se ravisent et reprennent la langue de bois… tant pis pour les politiques qui ont cru pouvoir instrumentaliser un tel mouvement.
La grève des enseignants a fait un flop. On n’en a plus parlé dès le deuxième jour. Celle des journalistes «officiels» menace. Et c’est tant mieux, parce que les grèves sont un signe de vitalité sociale, un indicateur de prise de conscience dont nous avons besoin. Et si les travailleurs de Mauritanie ont enfin décidé d’exprimer leur ras-le-bol à travers le droit de grève, c’est une avancée notable. Mais les questions que je me pose sont ailleurs.
Quelle différence pour le citoyen lambda entre un système de santé où le personnel est en grève et quand il ne l’est pas ? Est-ce que les personnels de santé vont se décider à servir loyalement les citoyens de ce pays, maintenant qu’ils estiment qu’ils en ont pour leurs efforts ? Y aura-t-il plus d’attention, plus de diligence, de présence, d’engagement, de sérieux, de responsabilité, d’équité dans les traitements des usagers ?
Quelle différence pour le citoyen lambda entre une école publique dont le personnel est en grève et une autre où ce n’est pas le cas ? Les enseignants sont-ils plus présents, plus ponctuels ? Les élèves apprennent-ils plus en trouvant leurs enseignants dans la classe ou en restant dans la cours ?
Aujourd’hui, on ne peut plus dire que l’enseignant ou que le fonctionnaire de la santé est sous-payé. En quoi cela va-t-il changer le comportement de ce personnel ? en quoi cela va-t-il améliorer les performances du système de santé et de celui de l’éducation ? Est-ce que la «fidélité au public» l’emportera sur le privé ? Ce sont les questions qui méritent réponse.

mercredi 18 mai 2011

Sur la voie de l'unité

J’apprends par les sites d’information, notamment tawary.com, que le Président de la République aurait demandé à son ministre des affaires islamiques de faire l’inventaire des disparus mauritaniens depuis l’indépendance. Je comprends qu’il s’agit là de répertorier et de localiser les morts mauritaniens dont les sépultures sont inconnues des proches et du public.
Il s’agit en fait de tous ceux qui ont été exécutés pour raisons politiques, de Maa’ly aux officiers d’octobre 1986, à ceux du 16 mars 1981, en passant par les victimes des exécutions extrajudiciaires de 90, 91, par ceux qui sont morts pendant la guerre du Sahara probablement.
Tous méritent une reconnaissance de la part de la Nation. Tous méritent que leurs parents fassent leur deuil. Définitivement. Il faut cependant rappeler qu’il va falloir les regrouper en trois catégories.
La première catégorie est celle des victimes des exactions de 90/91, ceux d’Inal, de Azlaat et d’ailleurs. Ceux-là ont été exécutés sans raison et sans jugement. Il faudrait, non seulement identifier les lieux et les identités, mais en profiter pour les honorer au nom de la Nation à titre posthume. Une façon de réhabiliter leurs mémoires.
La seconde catégorie est celle des exécutés à la suite d’un procès. Ceux-là méritent aussi réhabilitation. Leurs parents ont le droit de savoir où ils sont enterrés, refaire éventuellement le rituel et honorer les tombes.
La troisième catégorie est celle des morts durant les guerres, celle de la résistance et celle du Sahara.
Quand on aura fini de les identifier, peut-être penserons-nous à construire un monument aux martyrs dédié à la mémoire de tous. Ce sera une façon d’expier les péchés du passé : les actes criminels des uns (une minorité) et les silences coupables des autres (une majorité). Un pas de plus sur la voie de l’unité retrouvée que Ould Abdel Aziz pourra capitaliser. 

mardi 17 mai 2011

Jemal est toujours dans nos coeurs

17 mai 2001-17 mai 2011… Le temps passe, le souvenir reste. Et avec lui tout ce qui a fait l’homme : son attention, son savoir, son intelligence, sa proximité… Jemal Ould Hassan était tout à la fois, et même plus. Voilà dix ans qu’il est parti. Laissant un vide incommensurable…
Parmi les innombrables qualités du Professeur, du Maître, je ne citerai que : une intelligence fulgurante, un amour infini du savoir et de tout ce qui y conduit, et une très grande honnêteté intellectuelle.
Très peu d’entre ses contemporains pouvaient le juger à sa juste valeur. Et c’est probablement pourquoi il nous «avait filé entre les doigts». S’exilant, loin d’une Mauritanie qui corrompait chaque jour plus.
Sur la scène intellectuelle de l’époque, il avait fait une entrée brillante – certains auraient dit «fracassante», mais chez Jemal rien de ce genre.
Son domaine de prédilection était la poésie arabe (classique) de l’espace mauritanien (12ème et 13ème siècles H). Il en avait fait une véritable spécialité.
Son courage intellectuel et sa maîtrise du sujet lui avait permis d’introduire quelques originalités dans les appréciations qu’il avait de cette poésie. Il était le premier à soutenir que malgré le foisonnement de la poésie classique, elle devait une grande partie de sa spécificité à la poésie populaire, Leghna. La classique, Shi’r, était composée en Arabe classique, tant dis que Leghna s’exprimait dans le dialecte Hassaniya. Un peu pour dire que le génie local s’est mieux exprimé dans Leghna plutôt que dans le Shi’r. Rappelant qu’il y a même eu un genre nouveau «ezzreyga» qui fut une sorte de mélange entre Hassaniya et Arabe classique.
Je me rappelle que les cours de Jemal à l’ENS de Nouakchott profitaient et intéressaient tous les étudiants, même ceux qui n’étaient pas inscrits dans les filières littéraires arabes. Ses cours continuaient fatalement dans la cour de l’école. Il était d’ailleurs l’un des rares enseignants à provoquer les attroupements quand il sortait de la classe. C’est que personne ne pouvait résister à la magie de son savoir, magie qui découlait de la maîtrise et de la fulgurance.
Autre sujet de prédilection de Jemal, les Fatwas. Il est le premier chercheur mauritanien à s’intéresser à «la fabrique du droit» comme source d’Histoire. C’était une passion chez lui.
En ce dixième anniversaire de sa mort, on est heureux d’annoncer la publication, ces jours-ci, d’un ouvrage qu’il avait commencé avec Deddoud Ould Abdallahi, l’historien universitaire. L’ouvrage en question est une révision, une présentation de «Vet’h eshekour vi tarajimi udabaa’i Tekrour», ouvrage qui rassemble une biographie, la plus complète connue, des Ulémas de l’espace mauritanien. Ce sera l’occasion de redécouvrir Jemal Ould Hassan et de revisiter sa pensée.
"Il était une fulgurance permanente de l'esprit, un jaillissement ininterrompu de l'intelligence, une apothéose de culture. Il était Jemal Ould Hassan...
Jemal est mort accidentellement aux Emirats arabes où ce professeur d'université, qui parlait le plus bel arabe rêvé depuis Sibawayh, enseignait loin d'un pays qui n'a pas su le retenir. Et c'était là un autre drame. La disparition de Jemal est une perte énorme, pour sa famille, certes, ses amis, ses proches, mais aussi et surtout pour la Mauritanie qui perd là, et je pèse mes mots, le plus brillant de ses intellectuels, le plus inspiré, le plus original dans ses approches. C’était Jemal Ould Hassan, fauché en pleine jeunesse. Qu'il repose en paix". Signé Habib Ould Mahfoud (Calame N° 316, 30 mai 2001).
Il n’y a que les génies pour savoir apprécier les génies. Deux génies qui sont partis la même année, à quelques mois d’intervalle…
Encore une fois : «Inna liLlahi wa inna ilayhi raji’oune», nous sommes à Dieu et à Lui nous revenons. Cela atténue le reste…

lundi 16 mai 2011

Pour rapprocher les peuples

La semaine de l’artisanat marocain est ouverte ce lundi. Initialement, c’était le ministre mauritanien du commerce et de l’artisanat qui devait donner le coup d’envoi officiel. Finalement ce sera son secrétaire général…
Il s’agit d’une exposition qui durera jusqu’au 22 mai. L’occasion pour les Nouakchottois qui passeront par le Complexe Olympique de contempler la diversité et la richesse de l’artisanat marocain.
La manifestation est organisée par la Maison de l’artisan du Maroc.
Les stands sont merveilleusement présentés. Tapis très prisés chez nous, décorations intérieures, objets d’utilité publique, habits traditionnels, henné, ornements… tout y est…Mais le plus important est cette occasion de rapprocher encore et encore.
Les relations très particulières entre le Royaume du Maroc et la Mauritanie doivent être entretenues et développées. Malheur à ceux qui croient que la Mauritanie peut être sans ses prolongements nord et son enracinement sud.
Devant les menaces transfrontalières sur la sécurité de la région, l’option «union des efforts» devrait être privilégiée par les autorités d’ici et de là-bas. Avec l’ouverture de la route terrestre, nombreux sont les défis à relever de part et d’autre des frontières. Comment faire de cette route un cours tranquille d’échanges fondant le Maghreb des peuples ? Comment intensifier les échanges ? Commencer peut-être par supprimer l’obligation de visas entre les deux pays…

dimanche 15 mai 2011

La dernière tentation

On hésite entre deux titres célèbres : «La chute» et «la dernière tentation», pour qualifier ce qui vient d’arriver à Dominique Strauss-Kahn, DSK pour les intimes. Le patron du FMI, aspirant à la présidence française, fortement pressenti pour cela, a passé sa nuit dans un commissariat de Harlem, à New York à la suite d’une tentative d’agression sexuelle sur une femme de chambre d’un hôtel de «big apple»… tout est dit… «la grosse pomme», c’est comme ça que les Américains appellent leur mégalopole… avec toutes les tentations qu’il y a, on comprend bien… mais revenons à DSK.
Hier encore, dans «on n’est pas couché» de Laurent Ruquier (France 2), on vilipendait l’homme de gauche qui se faisait flasher descendant d’une Porsche rutilante. Comme si l’on voulait en faire «l’homme parfait». On parlait de ses costumes qui coûteraient dans l’ordre de …35000 dollars. Et l’on discutait si cela était «convenable» pour l’homme de gauche de qui on attendait le renouveau et la restauration de l’héritage Mitterrand dont on vient de commémorer le trentième anniversaire de son arrivée au pouvoir.
On disait qu’en juin prochain, il allait se décider à annoncer sa candidature et qu’il rentrerait en France pour cela. Qu’il battra Ségolène Royal, François Hollande et tous les aspirants socialistes. Son épouse, Anne Sinclair est déjà sur la route de la campagne présidentielle… tout cela c’était hier soir… ce matin DSK est poursuivi pour agression sexuelle et se retrouve dans un commissariat de New York en attendant son inculpation et probablement son jugement.
C’est quand même le patron de l’institution financière qui fait la pluie et le beau temps sous nos cieux qui fait ainsi preuve de légèreté et d’irresponsabilité morale. C’est lui qui, depuis quelques années, dicte ses volontés aux faibles économies du sud. C’est lui qui juge depuis ce temps, des performances de nos économies, de leurs faiblesses, de la corruption et de la mal-gouvernance…
Chez nous, nous dirons : «Que Dieu nous préserve de ce que nous n’aimons pas». Là-bas, on dit déjà : «dommage». Pourquoi pas : «tant pis».

samedi 14 mai 2011

Attachement à l'espace=amour de l'espace?

Je me suis réveillé ce matin avec une envie pressante d’écouter Cheikh Ould Abba. Et je suis tombé sur un vieil enregistrement de celui à qui l’on doit la «démocratisation» de la musique Bidhâne. Avec son frère Sidaty qui est le pionnier en la matière, ils ont introduit la guitare et simplifié la composition. Ce au moment où la radio faisait son entrée dans les foyers, contribuant à populariser une musique jusque-là dédiée aux élites aristocratiques. Au temps où la Mauritanie se construisait.
La Mauritanie moderne qui nous manque aujourd’hui et que nous percevons aux travers de regards nostalgiques, cette Mauritanie-là doit beaucoup à cette catégorie sociale, aujourd’hui délaissée, les Igawen (singulier : Iguiw)… Cela mérite réflexion et j’y reviendrai.
Cheikh Ould Abba a aussi diffusé, à grande échelle, le genre poétique bien particulier aux habitants du Tagant. La plupart des textes qu’il chante sont puisés dans les compositions dédiées à cette région.
La particularité de cette poésie est son attachement à l’espace. C’est ici et seulement ici – ou presque – dans l’espace des Bidhânes, que l’on chante le lieu pour ce qu’il est, pas pour le temps qu’on y a passé. Dans ce que j’ai déjà entendu, il n’y a que quelques exceptions dont la plus éminente et la plus éternelle reste l’expérience poétique d’Arabâne Ould Amar Ould Maham, le génie inégalé de l’Aftout. Partout ailleurs, on chante le lieu pour le moment passé et le souvenir laissé. Un peu pour le perpétuer, le rendre éternel. Ce qui fonde le drame que nous vivons dans notre relation avec le temps : nous tenons à en faire un lieu, vaine tentative de le fixer. C’est aussi un autre sujet qui mérite plus de… temps… et d’espace.
Wul Gaçry disait, au bout d’un long poème dédié à l’attachement à la terre du Tagant, qu’il restera toujours au poète le mal d’exprimer ce qu’il doit à une terre dont la beauté ne ressemble pas à celle des autres, et à des habitants qu’on ne retrouve nulle part ailleurs.
Wul Adouba est capable de se fendre de plusieurs tal’a (pluriel : tli’) pour peindre un tableau, un relief, une nature. Et ils ne sont pas les seuls. C’est encore un autre sujet qui demande le temps et l’espace.
Ici, il suffira de dire que c’est l’attachement à l’espace qui fonde le patriotisme. Tout peut-il s’expliquer par la rareté de l’expression d’un tel attachement dans notre culture ?

vendredi 13 mai 2011

la fin de l'ère des "DIRCAB" ?

Encore une fois, le Président Ould Abdel Aziz surprend tout le monde et déjoue les pronostics. Alors qu’on nous avait convaincus de nous attendre à l’un des hommes du sérail actuel, voilà que c’est Isselkou Ould Ahmed Izidbiih qui est nommé au cabinet du Président en remplacement de Cheyakh Ould Ely qui avait été «écarté» vers la France comme Ambassadeur.
J’ai connu Isselkou Ould Ahmed Izidbiih au début des années 90 à travers d’excellentes réflexions qu’il nous envoyait depuis la France. La qualité de l’écriture et la richesse du contenu m’avaient laissé penser qu’il s’agissait d’un compatriote depuis longtemps installé en Europe et très porté sur la littérature. A l’époque on recevait de belles pages écrites par des jeunes comme Jemal Yessa, Sidi Ould Salem, des moins jeunes comme feu Kane Saydou. Une tradition qui sera perpétuée dans les pages de Mauritanie Demain, d’Al Bayane, du Calame, de La Tribune et de bien d’autres journaux indépendants. Isselkou Ould Ahmed Izidbiih était en fait un mathématicien qui finissait ses études en France.
Il est rentré et a commencé à militer dans les rangs de l’Opposition de l’époque. Je le retrouverai auprès de feu Hamdi Ould Mouknass qui avait une grande confiance en lui. Sans doute le plus proche de lui des cadres de son parti, l’Union pour la démocratie et le progrès (UDP). Il «l’attachera» d’ailleurs au cabinet présidentiel quand il sera nommé ministre secrétaire général de la présidence.
Je ne sais plus à quel moment il soutiendra Ahmed Ould Daddah et militera dans les rangs de son parti. On le retrouve naturellement postulant, en 2007/2008, au poste de président de l’Université de Nouakchott. Avec Ahmedou Ould Hawba et Sidi Abdalla Ould Mahboubi, il était l’un des favoris de tous les points de vue. Un moment, on a craint que ses engagements politiques ne le lèsent. Ce ne fut pas le cas.
On peut être inquiet pour cette nomination au cabinet pour ceux qui croient qu’un tel poste ne peut être pourvu que par «un vieux de la vieille», avec les «qualités» qu’on sait : connaitre les méandres de la politique locale, les intermédiaires et les jeux traditionnels… quand aussi on fait le bilan de l’intéressé à l’Université qui est aujourd’hui source de toutes les inquiétudes. Mais est-ce la faute à son administration seulement ?
Mais on est plus optimiste quand on voit dans cette nomination une recherche de renouvellement de l’appareil de l’Etat. Avec Ould Ahmed Izidbiih, l’intellectuel mesuré, le mathématicien doué, l’homme appliqué, on peut espérer le début d’une rupture avec les traditionnels visages qui ont fait le système jusque-là. Homme moderne relativement «détribalisé», on ne retiendra de sa nomination que le fait qu’elle ne découle pas de la recherche d’un dosage. Tant mieux.

jeudi 12 mai 2011

La HAPA se rebiffe

«La Haute Autorité de la Presse et de l'Audiovisuel (HAPA) a indiqué que certaines agences ont "attribué, à tort", à son président d'avoir donné un "qualificatif incommode aux médias officiels", et ce dans son discours d'ouverture d'une journée de concertation sur les cahiers de charges des services audiovisuels. "Naturellement, le président de la HAPA a voulu évoquer la modicité des moyens des médias officiels", a souligné la Haute autorité dans une "mise au point importante" publiée moins de deux heures après le discours.  La HAPA a ajouté saisir cette occasion pour réaffirmer "son respect et sa considération des medias officiels et de leurs responsables".
Le président de la HAPA, Dr Haibetna Ould Sidi Haiba a-t-il tenu les propos qu’on lui prête ? Absolument. A-t-il qualifié la presse officielle de «wadhi’a» (quelque chose qu’on peut traduire par «exécrable» ? Oui, absolument. Alors pourquoi dire que «certaines» agences lui ont attribué des propos «à tort» ? Pourquoi essayer de trafiquer la vérité en faisant porter la responsabilité aux agences de presse ? Venant de la HAPA, c’est au moins inquiétant. N’est-il pas de son rôle de rappeler à l’ordre ceux d’entre nous qui ne respecteraient pas la véracité des faits ? bizarre, bizarre…
«wadhi’a» pour les médias officiels, «munharifa» pour l’Université de Nouakchott, les mots n’ont pas manqué au président de la HAPA pour dire son désespoir de voir le pays réussir à relever les défis de la libéralisation de l’audiovisuel. Tout le contraire de l’expert ayant travaillé sur le dossier. Pour celui-ci, son séjour en Mauritanie lui a permis de voir que les facteurs de réussite sont là : une volonté politique exprimée, un bon cadre légal et une ressource humaine à la hauteur. Si c’est l’avis de l’expert, qu’est-ce qui inquiète le philosophe ? Allez savoir… (pour lire l’intégralité du discours dont les passages «corrosifs» ont été «sucrés» par les médias officiels, allez sur www.alakhbar.info)

mercredi 11 mai 2011

RAS... ou presque

En consultant ce matin les différents sites d'information, on se rend compte que nous entrons dans une phase de monotonie exceptionnelle en ces temps de foisonnements multiples. Comme si on entrait dans une ère "d'habitude" alors que nous sommes à quelques mois de l'anniversaire marquant les deux premières années du mandat du Président élu le 19 juillet 2009 et investi le 5 août de la même année.
Inquiétant quand on voit que nous en sommes encore à espérer les ruptures promises. Ruptures qui sont l'unique voie vers le véritable salut...
On apprend que le parti au pouvoir, l'Union pour la République (UPR) a suspendu certains de ses cadres et en a averti et blâmé d'autres pour indiscipline. Il s'agit de ceux qui ont réfuté les choix du parti au renouvellement partiel du Sénat initialement prévu en avril dernier et reporté au dernier moment.
C'est une première quand on se rappelle que les "rébellions contre les partis au pouvoir" vivaient seulement le temps de l'élection. Les élus revenant au bercail dès qu'ils ont exprimé leurs individualités (ou leurs communautés).
Mais l'UPR doit aller plus loin en provoquant l'élaboration d'une loi interdisant le nomadisme politique: le poste électif appartiendrait alors au parti et non à l'individu, les candidatures se faisant uniquement au nom des partis. Cela renforcerait les formations politiques, obligerait à plus de constance et limiterait cette pratique de la débauche que l'UPR semble avoir hérité du PRDS.
Chaque jour, le parti au pouvoir annonce de nouveaux ralliements en insistant sur la provenance de la défection: c'est toujours APP, RFD ou UFP, donc les partis d'opposition. C'est la plus antidémocratique des démarches parce qu'elle vise à tuer les partis en les vidant. A quoi sert à l'UPR d'avoir tous les Mauritaniens dans ses rangs? Ses dirigeants et ses cadres savent pourquoi ils ont choisi cette formation. Ils doivent se dire que les mêmes raisons qui les ont amenés ici, entraîneront suffisamment de notabilités, d'intermédiaires et d'activistes politiques pour occuper la scène. Sans pour autant pouvoir se targuer d'avoir créé un parti et confédéré des fidèles et des inconditionnels. Ce sont toujours ceux qui manifestent les premiers la fin du régime qu'ils soutenaient qui font preuve de tels engagements. A bon entendeur...

mardi 10 mai 2011

Un discours qui dérange

l'un des grands sujets qui agitent le microcosme de Nouakchott, est le discours d'ouverture de la session parlementaire au niveau de l'Assemblée nationale. Tout le monde en parle. C'est que le vice-président de la première Chambre, El Arby Ould Jideine, n'est pas connu pour son courage politique, encore moins pour ses engagements. On fait semblant d'oublier que le premier vice-président n'a fait que lire le discours de Messaoud Ould Boulkheir, actuellement en Afrique du Sud.
Il est vrai cependant que Ould Jideine a eu le temps de "peaufiner" - sans apparemment "bûcher" - le texte, probablement de le faire "viser". Il peut donc déclarer qu'il assume ce qu'il a lu. Qu'est-ce qui dérange dans ce qu'il a dit et qui cela dérange?
C'est le ton jugé "critique" vis-à-vis du pouvoir. On ne semble pas croire que le moment des peurs est révolu, que les Mauritaniens qui qu'ils soient, se sont libérés. Plus ou moins.
L'utilisation d'un discours, "normalement" réservé à l'opposition dérange au sein de la Majorité qui y voit les prémisses d'un changement non encore prévisible. Comme il dérange au sein de l'Opposition qui se sent "lésée" de se faire "enlever" le discours critique qui lui restait.
Faut-il se résoudre que la Mauritanie est en pleine mutation ? ou doit-on rester sur les schémas traditionnels ? La Mauritanie appartiendra à ceux qui croient aux portes ouvertes, pas à ceux qui ruminent et perpétuent les discours et les attitudes du passé...