vendredi 14 mars 2014

Qui doit dire quoi ?

L’autre soir, TVM a invité le groupe des Ulémas représentant un forum dédié «à la glorification du Prophète Mohammad». Deux discours ont été entendus pendant cette discussion – qui n’était pas un débat parce qu’il n’y avait pas de protagonistes.
Le premier est celui de Mohamed Lemine Ould Hacen, une autorité religieuse, Imam de la prestigieuse «mosquée des Chorafa», un haut lieu de la résistance à l’époque de la répression engagée contre la mouvance islamiste à l’époque de Ould Taya. Le respecté Imam a soutenu (en substance) l’application pure et simple de la Chari’a à l’encontre de l’auteur de l’article constituant à ses yeux «une hérésie que seule la mise à mort doit punir». Ajoutant que si la justice ne le condamnait pas à mort, il en conclurait qu’il n’y aura «pas eu de justice».
Le deuxième discours est celui du jeune Cheikh Ould Saleh qui a déclaré qu’en tant qu’association, ils suivront l’affaire devant les tribunaux, feront appel s’il y a lieu et useront de toutes les voies pour amener à l’application «stricte de la Chari’a». le discours, même s’il prend un ton moins tranché, moins brutal revient finalement au même résultat : le jeune auteur est déjà condamné avant même que le procès ne se tienne. Et c’est là où la question se pose avec acuité : qui doit dire quoi ?
Est-ce au seul Juge de prononcer la loi ou est-ce que n’importe qui se sentant en mesure de le faire peut déterminer le verdict ? Est-ce que nos Ulémas vont comprendre un jour que le rôle du Juge est celui de dire la loi en dehors de toute forme de pression, en son âme et conscience ? Ou devons-nous accepter que tout «’aalem» est en lui-même un Juge et peut rendre un verdict sans procès ?
Il n’est pas utile de rappeler à nos Ulémas qu’il existe un Code pénal qui date de 1983 et qui dit dans sa section IV intitulée «Attentats aux mœurs de l’Islam, Hérésie, apostasie, athéisme, refus de prier, adultère», Article 306 : «Toute personne qui aura commis un outrage public à la pudeur et aux mœurs islamiques ou a violé les lieux sacrés ou aidé à les violer, si cette action ne figure pas dans les crimes emportant la Ghissass ou la Diya, sera punie d'une peine correctionnelle de trois mois à deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 5.000 à 60.000 UM.
Tout musulman coupable du crime d'apostasie, soit par parole, soit par action de façon apparente ou évidente, sera invité à se repentir dans un délai de trois jours. S'il ne se repent pas dans ce délai, il est condamné à mort en tant qu'apostat, et ses biens seront confisqués au profit du Trésor. S'il se repent avant l'exécution de cette sentence, le parquet saisira la Cour suprême, à l'effet de sa réhabilitation dans tous ses droits, sans préjudice d'une peine correctionnelle prévue au 1er paragraphe du présent article.
Toute personne coupable du crime d'apostasie (Zendagha) sera, à moins qu'elle ne se repente au préalable, punie de la peine de mort. 
Sera punie d'une peine d'emprisonnement d'un mois à deux ans, toute personne qui sera coupable du crime d'attentat à la pudeur.
Tout musulman majeur qui refuse de prier tout en reconnaissant l'obligation de la prière sera invité à s'en acquitter jusqu'à la limite du temps prescrit pour l'accomplissement de la prière obligatoire concernée. S'il persiste dans son refus jusqu'à la fin de ce délai, il sera puni de la peine de mort.
S'il ne reconnaît pas l'obligation de la prière, il sera puni de la peine pour apostasie et ses biens confisqués au profit du Trésor public. Il ne bénéficiera pas de l'office consacré par le rite musulman.»
Nous avons besoin d’entendre nos Ulémas sur ce texte élaboré sous la supervision d’un comité de seize grandes autorités religieuses du pays dont le plus illustre des Ulémas contemporains, Lemrabott Mohamed Salem Ould Addoud qui présidait ce comité. Sur cela ils doivent se prononcer pour qu’on sache ce qu’ils peuvent apporter de nouveau par rapport à ses éminences dont plusieurs sont encore en vie.