vendredi 18 juillet 2014

Vol MH 17 : L’avis du commandant Ould Boyhi

Brahim Ould Boyhi… Il est pour moi un mélange de Saint-Exupéry et de Mermoz. Il a du premier la sensibilité rebelle et généreuse, du second la détermination guerrière. Il a des deux la rigueur professionnelle et la passion pour l’aéronautique. Il fait partie de ceux qui ont fait rêver la génération qui est la mienne quand on entendait parler du premier pilote de ligne qui a conduit le Président Moktar à de nombreux sommets ou quand on se perdait dans les articles consacrés au premier commandant de bord africain d’un Airbus à Air Afrique.
Il m’a envoyé ce texte que lui a inspiré le crash de l’avion de la Malaysian Airlines, le MH 17 :
«Le 17 juillet 2014, le Boeing 777 Malaysia Airlines MH 17 a explosé en vol dans la région de Donetsk (Ukraine). Une des trois causes suivantes est responsable de cette explosion : une défaillance technique de l’avion lui-même, un engin explosif mis à bord, un missile tiré d’un autre avion ou du sol. Laquelle est la «bonne» ? Seule une enquête minutieuse peut apporter des réponses plausibles. Dans l’immédiat, chacun y va de ses supputations, analyses ou intérêts : missile tiré par les indépendantistes pour les uns, missile tiré par un avion militaire ukrainien pour les autres; une commission d’enquête ukrainienne ou internationale. Pour ce qui est de ce dernier point, lorsqu’un accident survient, la pratique internationale constante est d’engager deux commissions :
1.     Une commission judiciaire dont l’objectif est d’établir les responsabilités aux fins d’indemnisations des victimes et de sanctions pénales, le cas échéant. Le magistrat désigné a toute autorité sur l’épave et les éléments qui subsistent de l’aéronef et qui ne peuvent être déplacés qu’avec son autorisation. Les corps ne peuvent être inhumés également qu’avec son autorisation. La commission et le magistrat son désignés par les autorités judiciaires du pays d’occurrence de l’accident. Si celui-ci survient dans les eaux internationales, la prérogative revient au pays d’immatriculation de l’aéronef. Ce fut, par exemple, le cas du vol Air France Paris-Rio qui s’était abîmé dans les eaux internationales de l’Atlantique sud.
2.      Une seconde commission technique, communément connue sous la dénomination BEA : Bureau Enquête et Analyse (ou Accidents). Son rôle n’est nullement d’établir une quelconque responsabilité. Elle doit rester factuelle, recueillir et analyser tous indices et éléments physiques ou non permettant d’expliquer l’enchainement fatal afin de proposer des mesures correctives. C’est une structure de l’autorité ou du ministère chargé de l’aviation civile, mais totalement autonome et indépendante. Elle se compose au moins de :
Ø Un représentant de l’Etat d’occurrence ;
Ø Un représentant de l’Etat d’immatriculation de l’aéronef ;
Ø Un représentant de l’exploitant (compagnie aérienne) ;
Ø Un représentant du constructeur de l’aéronef ;
Ø Un représentant des organisations professionnelles des pilotes;
Elle fournit des rapports intermédiaires, le premier devant être produit sous un moins, pour permettre de prendre les mesures urgentes que la situation exige : arrêt de vol ou restriction d’utilisation éventuels de l’avion concerné ou de la flotte du même type et modèle, si leur navigabilité est soupçonnée d’être en cause. Le rapport de cette commission composée d’experts, neutres, objectifs est extrêmement important dans la mesure où ses enseignements et recommandations ont toujours permis :
ü De faire évoluer les législations de conception et les normes de construction des avions ;
ü D’adapter les normes et standards de l’exploitation aérienne ;
ü D’améliorer la formation et le maintien des compétences des personnels de conduite, d’entretien et d’exploitation.
Dans le cas présent, se pose le problème de la souveraineté sur le lieu d’occurrence dans la mesure où la région de Donetsk a proclamé son indépendance. Et dans l’état actuel des choses, les indépendantistes sont en situation d’empêcher l’accès à la zone de l’épave du MH 17, ou du moins le retarder.
Une commission d’experts indépendants doit être déployée sans délais qui auront à faire parler les débris de cet avion, loin de toutes pressions  et considérations politiques. Alors, on serait édifié relativement rapidement les causes de cette catastrophe.»