dimanche 18 mars 2018

UPR : La guerre des clans continue


Le ministre Mohamed Abdallahi Ould Oudaa n’ira pas diriger la mission de sensibilisation de l’UPR au Hodh Echargui. Le Premier ministre aurait contesté l’envoi de «cet opposant» dans «sa» région… rappelant ainsi que les lignes n’ont pas bougé sur le front des querelles intestines.
Même si le parti a entamé le processus de transformation tracé par la commission désignée par le Président de la République, il est toujours en proie aux querelles internes…

Sitôt ses textes adoptés par le Conseil national transformé en congrès extraordinaire le 5 mars, l’Union pour la République (UPR) a envoyé ses missions à l’intérieur expliquer de quoi il s’agit.
Sur le plan organisationnel, il va falloir expliciter les grands changements intervenus sur proposition de la Commission ad hoc désignée par le Président Mohamed Ould Abdel Aziz qui lui avait donné la mission de faire l’état des lieux du parti pour permettre la redynamisation de ses structures. Le travail proposé a été le fruit d’une large concertation qui a impliqué les instances actuelles, les organisations de femmes et de jeunes, les élus ainsi qu’une brochette de cadres qui ont, deux jours durant, discuté du plan d’actions proposé.
La nouvelle philosophie de l’organisation du parti a pour finalité la représentativité. Comme exigé par le Président Ould Abdel Aziz, «l’implantation doit traduire la réalité des adhésions» pour savoir ce que le parti pèse effectivement. Pour ce faire, toutes les instances seront élues dans des conditions maximales de transparence et sans exclusion. D’où l’introduction de la proportionnelle au niveau des instances.
Parmi les nouveautés, la création de la zone qui regroupe plusieurs unités de base (un minimum de 3, un maximum de 30 appartenant à la même zone géographique). Ces zones (territoires) sont dirigées par un bureau élu pour cinq ans. Il comprend son président, un secrétaire chargé des opérations électorales, un autre chargé de l’orientation politique, un troisième de la promotion sociale, un quatrième chargé des finances, en plus d’un représentant des jeunes et d’un deuxième pour les femmes. D’ailleurs, il a été décidé de créer sur le plan national une Commission des femmes pour les impliquer d’avantage et mieux intégrer les questions genres et toutes les problématiques sociales qui en découlent.
Mais la grande nouveauté reste la création du Bureau politique chargé de suivre la vie du parti au quotidien. Il veille à l’application des décisions des instances dirigeantes (Conseil national et Bureau Exécutif), prend les positions sur les questions de l’heure. Mais il est surtout le cadre de coordination entre le parti, l’Assemblée nationale et le gouvernement.
Sa composition en dit long sur le constat qui le justifie : en plus du président du parti, il comprend le Premier ministre, le président de l’Assemblée (sinon celui du groupe parlementaire UPR), le secrétaire exécutif chargé du dossier politique et celui chargé des candidatures et des opérations électorales. Ce qui trahit une prise de conscience des effets néfastes des déchirements qui secouent la Majorité depuis 2015 et qui sont aujourd’hui évidents.
L’un des conflits ouverts et qui semble préoccuper en haut lieu, est celui qui a opposé – qui oppose encore – le Premier ministre au président du parti. L’interférence du premier dans les affaires politiques et ses velléités de faire main basse sur l’ensemble de la vie publique, expliquent largement ce conflit qui a été à l’origine de la fronde des sénateurs et des mauvais résultats du référendum fondateur du 5 août dernier. Ce conflit explique aussi les «perturbations» source d’incompréhensions au sein du public qu’il appartienne ou non à l’UPR.
Quand le Président a choisi de prendre part à la cérémonie d’ouverture des journées de réflexion, il s’agissait, en plus du soutien public au processus, d’obliger les protagonistes à aller ensemble. A ceux parmi eux qui avaient des velléités, de se ranger derrière la direction du parti et d’accepter «d’être disciplinés» publiquement. Mais la leçon a-t-elle été retenue pour autant ?
Une situation inédite qui a déjà coûté cher à l’Appareil d’Etat pour ne pas dire au système qui a dû recourir aux méthodes éculées pour faire passer son projet de réforme constitutionnel qui n’avait pourtant aucune difficulté à passer. Coûtant aussi en engagements personnels du Président de la République qui s’est retrouvé à chaque fois obligé de se mettre en avant pour protéger ses collaborateurs qui l’ont mis à mal. Des collaborateurs qui, au lieu de proposer des solutions, ne savent que poser les problèmes. S’ils mettaient autant d’adresse à éviter les coups et à les laisser toucher le Président, que dans leur exercice quotidien, il n’y aurait pas aujourd’hui autant d’incertitudes sur la situation.
Le processus de renouveau du parti met en perspective l’urgence pour lui de se préparer aux échéances toutes proches. Celles de 2018 avant celle de 2019.
Dans quelques semaines voire quelques jours, une nouvelle CENI doit voir le jour. Nouvelle par le nombre de ses membres (11 au lieu de 7), par ses compétences plus larges que par le passé, par son mode de désignation sur la base d’une proposition faite au Président de la République de 22 noms (11 fournis par la Majorité et 11 par l’Opposition) avant de voir les 11 sages nommés par décret élire parmi eux un président et ses adjoints.
Ce mode de désignation annonce les difficultés qui peuvent se poser donc le temps que cela peut prendre. Alors que nous sommes en face de délais incompressibles s’agissant des modalités prévues pour organiser les scrutins (renouvellement des listes électorales, convocation des collèges électoraux, fixation des rendez-vous…).
La désignation d’une nouvelle CENI est un test déterminant pour la participation d’un large spectre de l’espace politique. Si l’on réussit à faire «le bon choix», cela diminuera considérablement les appréhensions des uns et des autres et délégitimera les présomptions d’intelligence entre cet organe (en principe) indépendant et l’Exécutif.
En tout état de cause, les échéances attendues arrivent dans un contexte particulier. La fin du mandat présidentiel, le départ à la retraite d’une bonne partie de l’encadrement national, la jeunesse de la population, la prise de conscience et l’émancipation de la pensée individuelle… sont autant de facteurs favorable à l’émergence d’un «courant alternatif» à même de faire évoluer la situation mauritanienne. Les échéances de 2018 sont le test qui permettra ou non de passer le cap en traçant la voie à suivre pour la meilleure des transitions.
Encore faut-il que l’élite y croit en s’appropriant le processus actuel.

Ould Oumeir
La Tribune N° 747 du 12 mars 2018

Editorial La Tribune 12/3


Du passé nous ne tenons pas compte. Nous refusons souvent de faire une évaluation rigoureuse du présent. Quant au futur, nous préférons nous en détourner… 
Ne jamais tirer de leçons, ne jamais se remettre en cause, ne jamais regarder devant soi. Tels sont nos préoccupations essentielles. 
Le stress collectif nous vient de la peur de nous évaluer. Quand on s’évalue correctement, on avance assurément parce qu’on anticipe et on imagine les solutions d’avenir. On préfère se laisser tétaniser par les peurs plutôt que d’agir et même de réfléchir… en attendant…
Le 3 août 2005, le pays sortait difficilement de la torpeur née d’un exercice calamiteux de la chose publique. Nous avons subi un arbitraire excessif, enduré le viol moral et accepté la négation du temps qui est le nôtre. En quelques années, nous avons expérimenté l’extravagance comme qualité première, comme méthode de gouvernance. De ces années, nous avons gagné le recul de l’Etat-Nation. En ces années, nous avons perdu le Nord… et le Sud. De ces années, il ne nous est rien resté en commun, pas même les richesses…
De jeunes officiers ont imposé le changement mais sans proposer la rupture. Sans doute que le poids de leurs ainés, embarqués malgré eux, était trop pesant. Transition. Gouvernement civil. Puis retour à la case départ. Le 6 août 2008, un deuxième coup d’Etat nous proposait de revenir sur la voie du changement.
Qu’avons-nous fait pour assurer un apaisement général des relations et une évolution mûrie de la démocratie ? Est-ce que nous nous sommes souciés de nous assurer que ce changement par la force sera le dernier ? Est-ce que nous avons essayé d’imaginer une gouvernance neuve et nouvelle ?
Notre élite n’a pas compris que quand on renonce à se poser des questions pour pouvoir aller de l’avant, on finit par se retrouver «cadavré». Elle n’a fait que renoncer depuis le début…
Encore une fois, la Mauritanie se trouve à un tournant. Tous les ingrédients sont là pour permettre les refondations nécessaires à la naissance d’un contrat social à même d’assurer l’adhésion de toutes les couches de la société.
Dans les formes, une Mauritanie nouvelle est en chantier. Avec un drapeau nouveau, un hymne nouveau et même une monnaie nouvelle. Avec ses routes, ses réseaux électriques, ses hôpitaux, ses réseaux d’adduction d’eau, son espace d’expression, sa jeunesse assoiffée de tout…, la Mauritanie d’aujourd’hui est une promesse d’avenir…
2018 est l’année des grands rendez-vous.
Participer sans conditions aux élections est le premier impératif (toute demande de dialogue peut remettre en cause le processus qui doit nécessairement suivre son cours actuel).  
La qualité des candidatures est aussi un signe de renouveau. La Mauritanie d’aujourd’hui ne manque absolument pas de cadres de tous niveaux et de toutes origines.
Le recentrage du discours et des aspirations. Il est certes exigible de continuer à vilipender les pratiques liées à l’esclavage, mais il est dangereux de ne pas reconnaitre les avancées sérieuses qui font que la question n’est plus posée avec autant d’acuité que par le passé. La question de l’éducation, de la justice, de la santé publique méritent un focus aujourd’hui.
Le renouveau passe aussi par la revalorisation du travail et de la production en général. Avons-nous conscience que nous sommes une société où «travailler est mal vu» ? Quand vous regardez des milliers de jeunes manifester contre Ould M’kheytir, n’oubliez pas que pas parmi eux ne produit une tomate, même pas un grain de riz.
Un discours moderne qui cultive les valeurs d’égalité, d’équité, de solidarité, de convergence… l’idéal de progrès, de savoir, de s’ouvrir sur le monde, de s’approprier la technologie, de partager les opportunités avec les voisins…
Les fondateurs de l’Etat moderne ont, malgré leur nombre restreint, défié les forces centrifuges qui n’ont pas cru à la possibilité d’une Mauritanie indépendante. Ils ont fait face aux revendications des Etats voisins qui croyaient à la possibilité de dépecer l’entité en construction.
La «Cendrillon de l’Afrique occidentale française (AOF)» a fini par être «une terre des hommes». Avec ses vocations premières (terre de convergence, tradition pacifique, ancrage et modernité) et ses qualités originelles (humilité, dignité, résistance).
Chaque fois qu’elle a dévié oubliant ces vocations et ces qualités, la Mauritanie a chaviré.
Le discours de renouveau passe par la restauration de ces vocations et de ces qualités pour les remettre au cœur de la réflexion et de l’action publiques.