lundi 20 avril 2015

Les crieurs sont encore là

A F’Dérik ils avaient eu à faire face à une procédure judiciaire parce qu’ils avaient «exagéré» dans l’exercice de leur «art»… art c’est trop dire… en fait une fonction qu’ils ont contractée sans prédispositions préalables… ils sont l’un des héritages de l’époque du PRDS, même si à l’époque ils pratiquaient plutôt dans la discrétion. Mais l’idée est née ici.
A l’arrivée du Président de la République à Zouérate, les crieurs ont accueilli la délégation par des slogans distillés à travers des porte-voix. Chacun y trouve son compte, en mal ou en bien. Le cérémonial commence par une attaque cinglante contre le Directeur de Cabinet du Président comme pour faire valoir son cousin, conseiller à la Présidence. «Le seul général qui mérite le grade est ce hartani qui est devant vous. Les autres généraux ressemblent à des jeunes filles qui mettent la poudre…» Puis des : «Ces ministres ne servent à rien. Ils relèvent du néant. Que vous les ameniez avec vous ou que vous les laissiez, c’est pareil. Alors il vous les bombarder pour les réduire en poussière». «Le Wali ne sait rien donner à part la fumée de cigarettes». «Ce député n’est pas digne de confiance»… Et chaque fois que l’un s’attaque en dénigrant l’un des présents, un autre met en valeur une seconde personne. Dans ces bouches, la louange est pire que le dénigrement. Toute parole est d’ailleurs décrédibilisée. On se demande alors qui couvre ces pratiques ?
Ces crieurs insultent les hauts fonctionnaires, les hauts gradés de l’Armée, les élus du peuple au vu et au su de tout le monde. Ils ont des porte-voix pour bien se faire entendre de tous. Le Président de la République les entend. Leurs voix finissent par couvrir tous les discours officiels. Ils dérangent tout le monde. Et personne n’ose les arrêter. Sont-ils intouchables ?
Au cours de la visite présidentielle au Tiris Zemmour, deux d’entre eux ont été interpellés par la gendarmerie à la suite, a-t-on dit d’une plainte du Wali. On croyait que cela contribuerait à limiter leurs activités. Que nenni ! Ils sont plusieurs à envahir le tarmac de l’aéroport de Kiffa. Ils sont présents à toutes les étapes de la visite et couvrent tout par leur cacophonie. Toujours le procédé. On comprend qu’il s’agit là d’une manière d’arnaquer les pauvres responsables qui ont peur de tout. Surtout d’être pris à partie publiquement. Cela participe à leurs yeux d’une indignité révélée publiquement. Ils payent pour ne pas en être victimes. Mais la parole de ceux-là ne peut en rien orner ce qui est déjà laid. Elle n’affecte en rien la laideur si elle est là, ni la beauté si elle est là. Elle n’annihile pas la compétence, le sens de responsabilité, la Moralité, l’efficacité… si ces valeurs existent. Elle ne met pas non plus à nu, pas plus que nécessaire en tout cas, l’indignité si elle n’est pas avérée. Aucune foi, aucun sérieux n’est accordé à cette parole finalement achetée.
Mais, encore une fois, pourquoi laisse-t-on faire ces gens ? Un lapsus qui en dit long sur l’effet de la présence de telles manifestations : quand l’un d’eux fait semblant de se tromper en donnant l’ordre à la foule : «çafgu illi’riiss», applaudissez au marié (li’riiss) au lieu de irra’iiss (Président). On finit par confondre un cérémonial solennel avec une fête mondaine, avec tout ce que cela comporte de vulgarités. Ce n’est pas près de s’arrêter.