lundi 8 août 2011

Qu’est-ce que tu veux ?


Ce matin, je me suis réveillé avec l’obligation d’établir un passeport au nom de ma fille. Non ! de proroger en fait son passeport dont la date a expiré, ce qui est plus facile à faire. Comme d’habitude, j’appelle un flic ami pour lui demander de passer le prendre. En général, je remets les documents à la personne avec les 20.000 UM de timbre, pour se charger du circuit. Cela m’évite les couloirs des administrations et la très longue attente. Ce matin, les deux personnes que j’appelle ont la même réponse : «ce n’est plus possible, il faut se déplacer… c’est devenu compliqué…»
Du coup, je me prends à maudire cette administration qui complique les choses. Avant de me reprendre et de reconsidérer mon attitude. En fait j’ai réagi sans penser que «compliquer» ici veut dire «organiser» et «suivre les procédures normales». Le réflexe de privilégié qui a de quoi payer le service sans se fatiguer, a occulté le côté positif de l’instauration de procédures, certes plus «compliquées» pour ceux qui passaient outre, mais plus respectueuses de la loi et règlements prévus. Dans le cas des passeports, l’exigence d’une demande dûment établie par le concerné, prévue par le décret, a été ré-instituée dans un souci de transparence et d’ordre. N’est-ce pas ce que j’ai toujours revendiqué ? le retour à la normale par la réhabilitation des procédures prévues et leur respect… Mais quand cela arrive me voilà mécontent et dépité.
C’est que la demande d’avènement d’ordre et de justice n’est pas réelle en nous. Chacun de nous voudrait bien continuer à se mouvoir dans un environnement où il pourrait accéder aux privilèges les plus indus. Ça c’est notre vérité, la plus profonde, la plus partagée.
On milite contre la mauvaise gestion, on dénonce ici l’impunité, et là l’enrichissement illicite… Mais dès que l’un de nos parents ou de nos amis est touché par les effets d’une inspection, c’est la levée de boucliers. On invoque alors les arguments et les prétextes les plus fallacieux. On se regroupe et on appelle à la solidarité clanique et communautaire.
On milite contre l’esclavage, les inégalités en général, mais on refuse de reconnaitre ce qu’on en exerce soi-même, ce qu’en exerce notre entourage.
C’est tellement général, tellement vrai qu’il nous arrive de nous demander si la demande sociale de changement est réelle. Est-ce que notre élite – qui exprime normalement nos désirs -, est-ce que cette élite veut réellement le changement ? Qui implique l’avènement d’un monde de valeurs universellement reconnues : l’égalité, la justice, la probité, le mérite, le respect de la parole donnée, des règles qui régissent la société…
Jusqu’à présent, l’impression que nous avons est que l’élite est partagée entre deux attitudes dominantes chez elle. La première est celle qui se cherche une place dans la société des privilégiés, avec comme méthode le partage des privilèges, du moins la participation à ce partage. La seconde, plus radicale, est celle de la recherche du monopole de ces privilèges. On ne veut pas partager.
Pour ce qui est de changer les règles du partage pour les rendre plus justes, plus équitables, pour en enlever celles qui doivent être combattues pour ce qu’elles promeuvent comme antivaleurs modernes, pour faire finalement la rupture avec l’ordre d’avant et en fonder un nouveau, pour tout cela pas de réflexion, pas de volonté de faire. C’est ce qui explique, à mon avis, que notre élite se trouve toujours obligée de faire avec l’ancien. Pour cela, elle tourne en rond et se fait tout le temps doubler…
…Mon dépit de ce matin n’est pas banal. Parce qu’il découle d’une attitude face à la vie, une attitude faite de statu quo pour l’ordre ante, celui qui fonde la société inégalitaire et injuste.