lundi 17 décembre 2012

Qui en veut franchement ?


C’est juste pour partager avec vous l’éditorial de notre édition de cette semaine :
«Deux questions qu’il faut se poser aujourd’hui : 1. Qui veut réellement la tenue des élections législatives et municipales ? 2. Qui a intérêt à un gouvernement d’union nationale ou de large ouverture ?
Concernant les élections, il y a effectivement lieu de se poser la question parce que la plupart des acteurs «majeurs» n’ont pas intérêt à la tenue de ces élections. Pour la Majorité, la tenue de nouvelles élections va signifier le risque de perdre justement quelques places indispensables à continuer à gérer unilatéralement le pays. Quand l’Union pour la République (UPR) a vu le jour, il s’est contenté en tant que parti d’adopter la majeure partie des élus indépendants et/ou à débaucher des élus sous les couleurs d’autres partis. Presque à moindre frais, il s’est retrouvé la première force politique du pays. Qu’est-ce qui lui garantit de maintenir cette position si des élections sont organisées demain ? Rien, absolument rien. Surtout que le Président Ould Abdel Aziz sait pertinemment que les partis suscités ou nés d’eux-mêmes vont survivre au détriment de l’UPR, il n’a donc rien à craindre dans la mesure où ces partis, notamment les jeunes, vont récupérer sur l’UPR en devenant le refuge des mécontents des choix que l’UPR aura fait.
Le PRDR (parti républicain pour la démocratie et le renouveau), avarie du PRDS de Ould Taya mais néanmoins deuxième force au sein de la Majorité, n’a pas non plus intérêt à aller dans une nouvelle consultation. Ne pouvant arriver à son état actuel de représentation, il perdra inévitablement tout ce qui fait son «charme» : les quatre-vingt-dix millions de subvention dus au nombre de ses élus municipaux.
ADIL qui a encore quelques députés à l’Assemblée nationale et des Maires, tangue et essaye de surfer sur une vague qui risque de l’emporter à terme : retrait de la Majorité sans pour autant aller à l’Opposition, choix d’être dans la position inconfortable de chercher un équilibre et de se proposer comme médian sur une scène qui ne souffre pas les tergiversations dans les positions.
De l’autre côté, la première force au regard de la représentation parlementaire est le Rassemblement des forces démocratiques (RFD) et rien, absolument rien ne lui indique qu’il restera à ce niveau de représentation. Son président, Ahmed Ould Daddah, jouit aujourd’hui du titre de chef de file de l’Opposition démocratique, titre qui a perdu tout son sens avec la naissance d’une Coordination de l’Opposition Démocratique (COD) reléguant l’Institution de l’Opposition au second plan et ayant une présidence tournante laquelle amène souvent au-devant les moins indiqués des leaders de cette COD. Dans la configuration de demain le chef de file de l’Opposition doit obligatoirement être un élu, donc…
L’Union des Forces du Progrès (UFP) était arrivé après le RFD avec neuf députés. Ce qui lui donnait la légitimité de participer à la gestion du pouvoir, sinon à jouer un rôle de premier plan dans l’Institution de l’Opposition. Mais en 2012, quelles chances a ce parti pour maintenir son niveau actuel de représentation ?
Tawaçoul peut espérer mieux que son niveau actuel. Rien que parce qu’il a les moyens financiers et humains de mener une bonne campagne électorale. Parce qu’il a aussi réussi à faire un travail sur le terrain à travers ses ONG, ses syndicats, ses prédicateurs dans les mosquées et sa communication qui lui permet d’avoir une longueur d’avance sur tous les autres. Mais est-ce suffisant pour souhaiter une aventure qui comporte des risques avec le retour de manivelle avec lequel il faudra compter : les évènements de Libye, de Syrie, d’Egypte et de Tunisie auront une influence sur l’électorat tout comme le recul que le Cheikh Mohamed el Hacen Ould Dedew semble prendre par rapport à l’engagement avec Tawaçoul.
Entre les deux pôles, celui de la Coordination pour une Alternance Pacifique (CAP). Au sein de ce pôle, l’Alliance Populaire Progressiste (APP) de Messaoud Ould Boulkheir est le moins «chaud» pour la tenue de telles élections qui vont nécessairement remettre en cause le statut de son président qui est aujourd’hui à la tête d’une Assemblée où il ne compte que quatre députés. Comment peut-il se maintenir à ce niveau, les conditions l’ayant mené à cette présidence ayant profondément changé ?
Le Wiaam de Boydiel Ould Hoummoid est très engagé dans l’exigence de la tenue d’élections le plus rapidement possible. Les personnalités qui composent ce parti et qui sont actuellement ou non élues, peuvent toutes aspirer à faire valoir leur ancrage social pour espérer se maintenir. Surtout qu’une élection législative pourrait permettre à Ould Hoummoid de reconquérir son fief de Keur Macène.
Pour ce qui est du gouvernement d’union ou de large ouverture, personne n’y a intérêt. L’Opposition radicale serait décrébilisée si elle acceptait de participer à une formation sous l’égide d’un homme dont elle voulait le départ. La CAP perdrait son statut d’opposition si elle y participait. Le pouvoir perdrait la possibilité pour lui d’isoler l’opposition radicale si elle venait à boycotter les élections. C’est donc seulement après les élections qu’il faut envisager de telles ouvertures, pas avant.»