dimanche 18 août 2013

Le temps du bonheur

«Thelatun tajli ‘ani ilqalbi il hazen :
El ma u wal khadra u wal wajhu il hasen»
Depuis tout temps, le paradis des nomades que nous sommes commence par la verdure, le mélange avec l’eau pour s’accomplir par la beauté des visages.
Les gens du désert ne demandent pas beaucoup, n’exigent rien quand la nature est clémente. Quand la pluie est au rendez-vous, quand le sol est couvert de verdure, quand les arbres reprennent leurs couleurs… Nous n’avons pas besoin ici des fleurs qui éclosent, juste que l’herbe verdoie.
La saison d’hivernage, si elle est riche, participe à l’apaisement des ressentiments, à l’étouffement de rancœurs, à l’ouverture des esprits. Le moment n’est pas aux confrontations, aux diatribes… «elkheyr ekheyr mne ehlou»… le bien est bien mieux que ses détenteurs… littéralement. En d’autres termes, la prospérité arrive à bout de tous les égoïsmes. C’est forcément le moment du partage : le mieux pourvu pensant obligatoirement au prochain qui n’a pas les moyens. Cela se traduit par «lemniha», une sorte de prêt de bête de traite pendant la période de traite. Tout un chacun est disposé à offrir une partie de ce qu’il a, parfois tout ce qu’il a pour satisfaire le désir de l’autre, étancher sa soif, calmer sa fin.
Pour les gens de la ville – surtout une ville comme Nouakchott – de fuir la promiscuité, la cupidité, l’égoïsme, l’urgence diabolique… fuir tout ce qui stresse et déséquilibre. Les Nouakchottois sont les premiers à quitter la ville qui les rend fousla ville qui entraine le pays dans sa folie.
Imaginons – acceptons plutôt – que 99% des discours violents, des lectures pessimistes de notre présent, des attitudes nihilistes, des positions irréfléchies, des haines irraisonnées exprimées çà et là… que 99% de ce qui inquiète est diffusée à partir de Nouakchott, dans le quartier de la capitale, l’ancien Nouakchott.
Acceptons que le commerce de la contrefaçon commence dès les abords du marché de la capitale, qu’il essaime partout ailleurs, transmettant maladies et intoxications.
C’est dans les salons de Nouakchott que la paresse est cultivée, que l’humanisme est dévoyé, que la solidarité est sacrifiée… C’est ici qu’on se plait à intoxiquer l’opinion, à partager son anxiété et son stress, à les déverser dans les alentours en espérant fonder un changement sur la base d’une violente et dévastatrice secousse…
Une vérité qui vaut encore plus pour les nomades que nous sommes : «les hommes sont comme les pommes, ils pourrissent quand on les entasse».
C’est pourquoi à Nouakchott, la pluie n’est pas synonyme de bonheur et d’espoir. Parce qu’elle pourrit la pestilence déjà établie, corrompt les sens pour les empêcher de savourer la réalité de la nature. La pluie à Nouakchott, fait ressortir ce qui affleure déjà chez tout habitant de cette ville : la pourriture.

Ailleurs, partout ailleurs en Mauritanie, la saison des pluies est celle du bonheur.