vendredi 10 janvier 2014

Dieudonné, un faux type ?

Je n’ai jamais été attiré par l’humour de Dieudonné, devenu Dieudonné M’bala M’bala pour bien donner une consonance africaine à son combat. En effet, le sarcasme et la provocation dont il use et abuse quand il s’agit de s’attaquer à des fondamentaux de la communauté juive en France (Shoah, notamment), est expliqué par le peu d’intérêt que les Français (de «souche») ont pour les crimes de la colonisation et ceux, plus abjectes, de la traite négrière. C’est un peu s’il voulait dresser les communautés les unes face aux autres au nom de la reconnaissance publique de leurs souffrances et de leurs misères. Une manière d’instrumentaliser justement la douloureuse histoire des rapports entre civilisations.
Comme tout militant de l’extrême droite, Dieudonné M’bala M’bala sait parfaitement utiliser les médias pour se présenter en victime. Le discours aidant, il continue à narguer l’ordre public. Pas au sens de «troubler l’ordre» ou de chercher à le troubler, mais par ses provocations déstabilisantes pour un pouvoir socialiste aux aguets. En France, le face à face Dieudonné M’bala M’bala/Manuel Valls est actuellement le feuilleton (real-story)  qui se déroule sous les yeux des Français. Il a pour cadres les différents tribunaux et juridictions administratives chargées de traiter la question de la représentation des spectacles.
Le face à face prend la forme d’un duel entre deux grands usagers du populisme à la française. L’art de surfer sur des problématiques réelles – la différence de traitement des misères dont ont souffert les communautés pour Dieudonné, les dérives langagières qui peuvent prendre la forme d’un «crime contre l’Humanité» pour Valls -, surfer sans aller au fond des débats, rester superficiel dans les approches et les méthodologies pour exciter et aiguiser les ressentiments. Ce qui est recherché par l’un et par l’autre est justement de s’arrêter aux réactions épidermiques pour éviter de parler de l’essentiel.
La France face au passé colonial : les meurtres, les génocides, ce passif dont nous vivons encore les affres en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient, quelle conscience a l’intelligentsia de ce passif ? reconnait-on tout le mal fait à l’Afrique et aux Africains ? le pillage des ressources, la confiscation des destins, l’interventionnisme, les guerres civiles suscitées et entretenues, la balkanisation, le racisme… ? Est-ce que les élites ont faire leur cure d’autocritiques ? Est-ce qu’elles ont vaincu le sentiment de culpabilité qui les empêche de voir avec discernement les réalités des «sous-développés» ?
La confrontation entre le ministre de l’intérieur d’un parti socialiste qui n’arrive pas à sortir le pays de la morosité et qui, à cause de cela, revient sur ses promesses fondamentales, et l’un des ténors de l’extrême-droite à la veille d’élections locales, cette confrontation a pour premier résultat la décrédibilisation des institutions françaises (préfectures, tribunaux et même Conseil d’Etat) qui sont vulgairement instrumentalisé par les adeptes d’un populisme stérile.
Un ami attirait hier mon attention sur le fait que pendant ce temps, l’examen de la loi sur la protection des sources des journalistes a été reculé ; l’immunité n’a pas été levée pour le Sénateur Serge Dassault pour permettre sa poursuite pour corruption, fraude fiscale, abus de biens sociaux… ; les entreprises continuent de défalquer du personnel alors qu’elles affichent de bons résultats dans les bourses (promesse non tenue du candidat Hollande) ; le Président François Hollande finit par plier devant le patronat ; l’Armée française s’englue peu à peu sur les terres africaines (Mali et Centrafrique en attendant un autre pays) ; les otages continuent de souffrir leur situation ; les revers diplomatiques au Moyen-Orient et dans le Monde arabe se multiplient… et l’image d’un «Président normal» se dissipe pour révéler quelques escapades amoureuses qui n’ont pas fini de faire leur effet…

…Dieudonné en ces temps de morosité générale, une aubaine non ?