mardi 20 août 2013

Kobenni au bout

L’objectif final de la randonnée est Kobenni, ce département rendu célèbre par l’effet «déterminant» de ses résultats lors de la première élection présidentielle de janvier 1992. La Mauritanie avait alors découvert qu’il existait un département plus habité que tous les autres et dont la population était en avance par rapport à tous ses compatriotes : tous étaient inscrits, tous avaient voté et «bien voté» (aucun bulletin nul, aucun bulletin discordant)… Un mystère que les responsables de l’époque se doivent de nous expliquer : administrateurs, ministres de l’intérieur, directeur de la sûreté nationale, officiers de liaisons, chefs de renseignements…, bref ceux qui occupent la scène politique aujourd’hui à l’occasion de l’opération de blanchiment qui les sert, les auteurs de toutes les malversations électorales, les géniteurs de tous les systèmes de fraude, les idéologues de la manipulation sectaire, les prédateurs corrupteurs des âmes, suceurs du sang de la communauté des laborieux, voleurs des biens de la communauté, adeptes du faux, maîtres de l’usage du faux…
Ceux-là ont commencé par le «coup d’Etat de Kobenni» qui ouvrait la voie à la manipulation vulgaire, sans scrupule, sans honte et produisait une classe de responsables effrontés et sans vergogne. Ils ont continué avec le «service rendu» qui finira par devenir le bradage de la propriété collective au profit de particuliers. La propagande qui a diabolisé les résistants au système d’alors, faisant croire que toute voix discordante est hérésie…
Sans la route reliant Aïoun à Nioro du Sahel (Mali), Kobenni serait resté un petit patelin perdu au milieu de mille routes reliant les souks frontaliers. Mais heureusement que Kobenni, avec la route, a repris sa vocation initiale, celle d’être un point de passage obligé, un carrefour d’échanges, une terre de rencontres, un espace d’Histoire riche de ses multiples soubresauts. Depuis la route et depuis le coup d’Etat de 2005, Kobenni a repris des couleurs.
C’est la saison des pluies hivernales. La saison du bonheur pour les habitants : pour ceux qui cultivent, pour ceux qui élèvent et pour ceux qui commercent. Ça se lit sur tous les visages.
Mais en cette fin de mois d’août, c’est aussi le moment des orages politiques. Qui dit «politique» ici dit «tribu» et «communauté». La délégation de l’Union pour la République (UPR), le parti dit au pouvoir, est là pour identifier les candidats à la candidature du parti pour les élections législatives prévues en octobre prochain. On parle beaucoup du report de ces élections, mais cela n’empêche pas les affrontements exprimant les velléités des uns et des autres.
D’une part l’héritier de la Tariqa Hamawiya, Mohamedou Ould Cheikh Hamahoullah, dernier fils vivant du fondateur de la Tariqa, celui qui a toujours dominé la politique à Kobenni et eut son mot à dire ailleurs dans le Hodh El Gharby, et qui, de son Nioro où il réside influe sur le devenir à Bamako. Sa personne et sa notoriété ne sont pas peut-être l’objet de contestaion, mais ce sont ses choix : depuis 1992, la première législature, la place de député qui lui est accordée est réservée au même Babah Ould Ahmed Babou qui est sérieusement décrié, y compris dans sa communauté. Visiblement, le Cheikh le maintient comme premier sur sa liste. Il pouvait pourtant choisir Mme Fatma Mint Eli Mahmoud, militante dans l’humanitaire et candidate ayant reçu les assurances du Cheikh d’en faire un tête-de-liste, mais il a préféré garder «celui que tout le monde semble rejeter». Une sorte de défi lancé aux habitants et surtout qui parti UPR qui rechignerait à présenter un candidat que tout le monde donne perdant.
D’autre part une sorte de coalition entre tribus Awlad Nacer, Awlad M’Barek, Tinwajiw et Mechdhouf qui tiendrait tête au Cheikh et qui voudrait imposer un rapport de force en faveur d’une liste qui satisferait tous ces ensembles. Le chef de file de cette coalition n’étant pas déterminé, il faut citer parmi son management l’Ambassadeur Hammadi Ould Meimou (Awlad M’Barek), Mohamed Lemine Ould Hussein (Awlad Nacer), Moussa Ould Bewa (Mechdhouf), Dah Ould Cheikh (Tinwajiw)… Cette coalition exprime une inquiétude de plus en plus claire quant à la possibilité du parti à faire face à la pression du Cheikh Mohamedou Ould Cheikh Hamahoullah.
Au milieu de toutes ces confrontations autour de la députation, la mairie ne semble pas être un enjeu. Elle revenait jusque-là à l’ensemble Awlad Nacer qui a fait le consensus autour de la candidature de Ethmane Ould Sid’Ahmed Lehbib.

C’est vous dire combien l’ambiance de la saison hivernale est pourrie par la politique qui réussit à rattraper les Nouakchottois, là où ils vont.