lundi 16 juillet 2012

Rideau sur la fête des dattes


Tijigja commence à reprendre son rythme normal. Les «visiteurs» quittent par groupes la ville dont ils ont dérangé la quiétude pendant quelques jours. Ils étaient deux à trois mille, entre originaires de la ville et gens venus d’ailleurs, à avoir fait le déplacement en vue d’assister au festival des dattes dans sa troisième édition.
Je vous avais raconté le côté «désorganisé» de la cérémonie d’ouverture. Une désorganisation somme toute «normale» dans une société où tout un chacun se veut le centre de tout, le noyau de tout, le point focal… Normal aussi pour garder cet aspect festif du… festival.
Des conférences pour présenter la région, les grandes figures de cette région, leur parcours, leurs productions, leurs apports… Des expositions permanentes de produits oasiens, de manuscrits, de produits artisanaux…
Malgré l’opportunité d’ouverture et de rencontres ouverte par la manifestation, on peut retenir quand même qu’elle ne fait pas l’unanimité. C’est ainsi que les habitants des communes environnantes de Tijigja trouvent, on va dire «anormal» le fait de ne pas les intégrer dans le programme du festival. Pour cet habitant de Nyimlaane, une oasis situé à une trentaine de kilomètres de Tijigja, haut lieu de résistance, grande inspiration des poètes de l’espace tagantois, «il aurait été plus juste de consacrer un jour à une palmeraie comme celle de Nyimlaane, ou celle de Rachid ou de Lehweitaat… Faire profiter toutes les belles oasis de la région, ou les plus accessibles d’entre elles, de cette grande opération de communication. Cela aurait permis de voir une production plus variée, plus importante, des activités économiques autres que celles que l’on a dans la grande ville où l’activité oasienne a fini par être un luxe. Alors que chez nous, elle est restée une activité de subsistance, une possibilité de vie, et nous l’avons gardée tout en la développant de manière à préserver les traditions…»
Le rendez-vous est aussi un lieu politique où convergent toutes les versions de Adil, le parti créé par le Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi et dont l’essentiel des troupes a fini à l’Union pour la République (UPR) créé pour soutenir «le pôle du candidat Mohamed Ould Abdel Aziz», pour parler le langage de l’époque (mai-juin 2009). Le parti Adil souffrira du positionnement de sa direction qui préféra, en 2010, aller rejoindre la Majorité présidentielle. Refusant cet alignement qui a fait suite à des négociations dont le Maire de Tijigja était l’un des artisans, quelques figures de ce parti gèleront leurs activités avant de quitter le parti pour rejoindre la Coordination de l’opposition démocratique (COD).
Deuxième force présente à Tijigja, c’est naturellement l’Union des forces du progrès (UFP) avec ses députés et son ancrage «social». Avec la présence de son premier vice-président, Mohamed Yahya Ould Horma, la personnalité de son fédéral et la présence de quelques-uns de ses élus (d’ailleurs), l’UPR était très visible. Pas nécessairement dans les discours, mais dans les premiers rangs…
Tout ce monde politique se côtoie, échange, discute… pendant quelques jours. Est-ce suffisant pour établir un dialogue ? Rien n’est moins sûr, même si, en Mauritanie, l’essentiel se passe en informel.
Le moment est aussi celui de l’opportunisme et de l’arnaque. Des crieurs publics qui chantent (ou «dé-chantent») les cadres qui jouent les notables généreux en contrepartie de quelques cadeaux (en espèce) offerts plus ou moins publiquement. Cette fonction ne reconnait pas les barrières : du chérif, prétendu descendant du Prophète (PSL) au forgeron, en passant par le hartani, le guerrier ou le simple marabout, vous y trouvez toutes les origines sociales. C’est un legs du PRDS et de son époque qui permet d’avoir un revenu sans gros efforts.
Mais cette (nouvelle) profession doit se faire avec les «journalistes» venus en dizaines, tantôt en groupes de quatre, tantôt en solo. Comme les précédents, ils font le porte-à-porte avec des appareils photo, des blocs-notes où ils font semblant de prendre note, des cartables où ils mettent le produit de la quête en attendant l’occasion de se partager la moisson…
Restera malgré toutes les insuffisances – corrigibles pour les prochaines éditions -, le souvenir d’une ville chargée d’Histoire et d’une population où la bonté et la générosité sont la nature première.
…Oui la beauté du Tagant n’est pas comparable à la beauté d’un espace autre, et les proches qui y sont ne sont trouvables nulle part ailleurs. A-t-on bien traduit les paroles de Wul El Gaçri ?