lundi 28 mai 2012

Au-delà de la polémique


«Le Président de la Cour Suprême est nommé pour un mandat de 5 ans et ne peut être suspendu ou admis à cesser ses fonctions avant leur terme que DANS LES FORMES PREVUES POUR SA NOMINATION et sur sa demande ou pour cause d’incapacité physique, pour perte de droits civiques et politiques ou pour manquement aux convenances, à l’honneur et à la dignité du magistrat».
C’est la partie invoquée pour expliquer l’illégalité de la mesure prise à l’encontre de Seyid Ould Ghaylani, démis de ses fonctions de président de la Cour Suprême jeudi dernier. Par décret, comme il a été nommé, il a été démis par décret. Comme son prédécesseur, le prédécesseur de celui-ci, le prédécesseur de celui-là…
Cette démission – appelons-le limogeage – a suscité un grand émoi dans les milieux politiques, comme elle a provoqué un débat autour de la question des mandats en général (HAPA, BCM, HCI, CC…). L’affaire devrait servir à préciser ce que veulent dire les mandats, s’ils sont récusables et dans quelles conditions.
En attendant, on peut remarquer, sans entrer dans une polémique, que tout cela pouvait être évité si la bataille pour l’indépendance de la justice avait été sérieusement menée. Pour le cas d’espèce, si le tollé actuel avait été soulevé quand le mandat de Ould Hannani avait été écourté en août 2009, lui qui avait été nommé en septembre 2005, ou quand celui de Bal Amadou Tijane avait été écourté en juin 2010, peut-être que la question du respect du mandat aurait été posée et définitivement élucidée. Cela n’interdit pas de la poser aujourd’hui, mais, par souci d’harmonie et de principe, cela doit – devait - être posée dans la perspective du renforcement de l’indépendance de la justice et du pouvoir du président de la Cour Suprême.
Il faut aussi rappeler à tout ce monde, que depuis l’indépendance de la Mauritanie, il y a eu 15 présidents de Cour. Le premier mauritanien – il faut le nommer et lui rendre hommage – est Mohamed Lemine Ould Hammoni qui a dirigé la Cour Suprême pendant un an (1965-66). Suivi de Be Ould Ne qui fera cinq ans (1966-1971). Ahmed Ould Mohamed Saleh (1971-1972) puis Ahmed Ould Baa qui sera démis en 1979 par les militaires arrivés au pouvoir en juillet 1978.
L’arrivée justement des militaires au pouvoir va détériorer les conditions générales, y compris de la Justice. Jusqu’en 2005, nous compterons huit nominations à la tête de la Cour Suprême, parmi lesquelles un poète de grand talent qui n’a rien à voir avec la justice, un administrateur controversé pour ses pratiques, un autre sans expérience dans le domaine… Deux mandats cependant pour deux éminents Magistrats : Mohameden Ould M’Boyrik (1988-1996) et Mahfoudh Ould Lemrabott (1996-2003). Le dernier a été limogé pour délit de parenté avec quelques-uns des animateurs du putsch de juin 2003.
Yehefdhou Ould Mohamed Youssouf est le quatrième à être nommé à ce poste depuis août 2005. Il n’est pas du sérail politique et n’a probablement pas les réflexes qui ont empêché jusqu’à présent de faire avancer les choses. Espérons que la polémique actuelle lui serve pour raffermir l’indépendance des Magistrats, promouvoir leur intégrité et leur compétence. Pour cela, apaiser les relations avec les différents segments concernés. Eviter de guerroyer seul contre tous et mettre de son côté les forces du changement, celles qui sont mues par la volonté d’émanciper le droit de la tutelle administrative et de lui rendre ses lettres de noblesse.