samedi 9 juillet 2011

Wade livre Habré

Devant l’incapacité à le juger sur le sol sénégalais, le Président Wade a enfin accepté de livrer le tchadien Hissein Habré à son pays. Ce sera sous la forme, non pas d’une extradition – la justice tchadienne n’ayant pas fait la demande -, mais sous forme d’expulsion. Ce serait en fait pour éviter d’avoir à le livrer à la justice belge qui en a après lui.
Habré qui a été un chef de guerre sanguinaire, a aussi présidé aux destinées du Tchad pendant une période qui s’est caractérisée par un règne des plus noirs. Assassinats politiques des opposants, usage de toutes formes de torture, massacres de civils tout y est pour en faire le criminel de guerre par excellence.
Le 7 juin 1982, Hissein Habré renverse le gouvernement d’union nationale de Goukouni Oueidei et transforme sa milice en armée régulière. Il crée une police politique qui sera responsable des milliers d’enlèvements et d’assassinats. Quand il est renversé en 1990, des fosses communes sont découvertes dont certaines contenaient jusqu’à 150 squelettes. Le rapport de la commission d'enquête comptabilise quelque 80.000 orphelins durant cette période. Les morts se chiffreraient à plus de 40.000. En novembre 1990, à la veille du renversement du régime, 300 détenus politiques ont été exécutés sommairement.
Dès sa chute, des poursuites sont engagées contre lui en Belgique en application de la loi de compétence universelle qui, bien qu'abrogée en 2003, s'applique dans ce cas précis (certains plaignants ayant acquis la nationalité belge). Un mandat d'arrêt international, assorti d'une demande d'arrestation immédiate, est délivré par la justice belge le 19 septembre 2005 et transmis au Sénégal où Habré s’est installé au lendemain de sa chute. Il est arrêté et gardé à vue pendant quelques jours, mais la justice sénégalaise se déclare incompétente et l'affaire est portée au niveau de l'Union africaine qui mandate, en juillet 2006, le Sénégal pour le juger pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et actes de torture. Le Sénégal a facturé le procès à 27,4 millions d'euros. Le dernier sommet de l’UA à Malabo a renouvelé sa demande au Sénégal pour le juger. Mais c’est surtout parce que le deadline de la procédure de la justice belge tombe ce 11 juillet que le Sénégal a finalement accepté de le renvoyer dans son pays. Son pays qui l’a déjà condamné par contumace à la peine capitale le 15 août 2008.
Il est utile de rappeler que quand Habré a fait face à l’offensive des forces alliées de Oueiddei aidé par la Libye, la France et les Etats-Unis ont fortement appuyé son régime. En mars 1987, il reconquiert le nord grâce à l’intervention directe de l’armée française (opération Manta). Les deux puissances ont formé, équipé et encadré les éléments de la DDS, la police politique qui était le bras assassin du dictateur. Quelle place leur sera réservée dans le procès de Habré quand il aura lieu ?