mardi 10 avril 2012

Jeunesse de Mederdra


On en parle beaucoup, ces jours-ci : la marche organisée par un groupe de ressortissants de Mederdra dont surtout des jeunes. L’exigence principale : le bitumage de la route reliant Mederdra à Tiguint, environ 50 kilomètres de piste renforcée. Le plan initial était de faire la marche jusqu’à Tiguind, de se rassembler sur l’axe Rosso-Nouakchott et de faire parvenir la doléance à la plus haute autorité administrative qui se sera présentée.
C’était compter sans la précipitation des forces de sécurité qui ont pour mission de ne pas laisser perturber l’ordre public. La manifestation qui se voulait pacifique s’est donc transformé en un moment de violence inutile dans la mesure où tous les acteurs sont d’accord.
Les populations pour dire combien ce bitumage est nécessaire, le prix du transport ayant atteint des proportions difficiles à supporter et même à expliquer. «Le billet de Nouakchott pour Mederdra est de 2500 UM, le même prix que pour Kaédi qui est à 400 kilomètres, nous dit un habitant». Il faut compter aussi avec les répercussions sur les prix des denrées de première nécessité, sur les malades…
Les autorités aussi sont conscientes de cela, du moins quand on sait que les études seront bientôt lancées et qu’avant la fin du présent mandat présidentiel, le projet prendra corps. C’est ce qu’on promet dans le cadre du programme ambitieux visant à désenclaver toutes les capitales départementales en les reliant aux routes nationales les plus proches.
C’est normal que, profitant du climat de liberté, la jeunesse de Mederdra manifeste pour exprimer des revendications. Mais ce n’est pas normal que l’ensemble de l’encadrement politique – élus, ministre et hauts cadres ressortissants du département, notables et intermédiaires traditionnels – entoure la question d’un cachet qui n’est pas le sien.
Selon ses organisateurs et vu l’architecture sociopolitique de ces organisateurs, on ne peut prétendre qu’il s’agissait d’une entreprise d’un groupe politique donné. Que certains aient essayé de le récupérer ou de l’accompagner, cela n’altère en rien le caractère «populaire» et «innocent» (sans calcul) de la marche.  
Il est vrai cependant que le foisonnement occasionné par la libéralisation de l’espace politique, avec notamment la possibilité pour chacun, pour chaque groupe de manifester sur la voie publique, ce foisonnement ouvre la voie à de grandes transformations y compris au changement des acteurs politiques et sociaux. Surtout quand ce sont les jeunes qui le provoquent. La peur du changement est à la base de la levée de boucliers dont la marche de Mederdra a fait l’objet.
Pourtant, ce sont des manifestations pareilles qui feront la Mauritanie nouvelle que nous espérons tous. La jeunesse doit déranger l’establishment. Celui qui dure depuis toujours, tout comme celui qui s’enracine insidieusement, sans ambitionner de changer les méthodes qui ont prévalu jusque-là.
Marchez ! marchez, jeunes de Mederdra ! marchez jeunes de tous les départements, de toutes les communes… cela est permis aujourd’hui. Cela est possible heureusement. Cela est même demandé par les plus hautes autorités de l’Etat (le Président Ould Abdel Aziz a lui-même demandé au peuple d’exprimer publiquement ses états d’âme).
Marchez ! Profitez de la liberté ! Aucun de vos aînés ne vous dira que «la liberté ne s’use que si l’on ne s’en sert pas»…