dimanche 24 juillet 2011

Qui dira à Wade de ne pas sacrifier le Sénégal ?


Le Yémen est à nos portes sud. En effet, depuis samedi, le Sénégal est animé de manifestations et de contre-manifestations, les unes soutenant, les autres contestant le droit du Président Wade à briguer un troisième mandat en 2012. Chaque camp ayant chercher à rassembler les millions, comme on dit ailleurs «les manifestations millionnaires».
Côté opposition, on estime à cinquante mille personnes le nombre de manifestants rassemblés sur la place de l’Obélisque en plein Dakar. "Non à un troisième mandat de Wade", "Wade go, Wade out" (Wade va-t-en, Wade dégage), sont, entre autres, les slogans affichés ou criés par les manifestants solidement encadrés par la police. Selon la dépêche de l’AFP, les grands leaders de l'opposition, dont celui du parti socialiste (PS), Ousmane Tanor Dieng, de la société civile, mais aussi d'anciens proches du président comme son ex-Premier ministre Idrissa Seck, ont tour à tour pris la parole, saluant une mobilisation "exceptionnelle", "formidable". Tanor Dieng a estimé que "la messe est dite" et qu'il ne reste plus au chef de l'Etat "que sa propre famille, son propre camp". Il a demandé le départ d'Ousmane Ngom, ministre de l'Intérieur, obstacle à une élection "transparente". "Cette mobilisation montre la détermination du peuple sénégalais à mettre fin au régime Wade. La cause est entendue, Abdoulaye Wade ne peut pas être candidat, Abdoulaye Wade ne sera pas candidat", a pour sa part affirmé Abdoulaye Bathily, de la Ligue démocratique (LD).
Organisée par le Mouvement des forces vives dit du 23 juin (M23), la manifestation arrive un mois après les violences qui ont éclaté à Dakar à la suite de la décision prise par le Président Wade de tripatouiller la Constitution pour s’ouvrir la voie à un troisième mandat. La violence de la réaction populaire avait obligé Wade à retirer son projet de réforme de la loi fondamentale. Elle a pour but "d'attirer l'attention sur les risques et les dangers du troisième mandat" qui a créé des troubles dans plusieurs pays africains, dont le Niger, a déclaré un des dirigeants du M23, Alioune Tine. "Nous avons besoin d'institutions fortes, pas d'hommes forts", a-t-il ajouté.
En face, le camp du Président Wade a rassemblé entre 1,8 et 2 millions, selon son ministre de la communication. De partout le PDS (parti de Wade) a amené des militants pour faire la démonstration. Aux cris de «Wade président en 2012», les manifestants ont occupé toute l’artère du boulevard de la République à Dakar.
Et comme la politique n’attire plus vraiment, il a fallu mobiliser, dans les deux camps, des troupes de mbalax, de rap et autres sabar. Ce qui donnait aux manifestations un air de fête qui l’emportait nettement sur le côté politique. Sans pour autant cacher les dérives que comportaient de tels face-à-face. 
Le Sénégal est au bord de l’éclatement parce que le Président Wade refuse de comprendre qu’en cherchant obstinément à s’accrocher au pouvoir, il met le modèle sénégalais en danger. Il a oublié que la prise de conscience de l’élite sénégalaise est tel qu’elle ne peut accepter les schémas d’une dévolution monarchique du pouvoir ou ceux d’une prolongation par tripatouillage de la Constitution.
Quand c’était la Mauritanie qui avait une crise institutionnelle, le Président Wade nous disait pour justifier son ingérence, que «la Mauritanie est dans le Sénégal et le Sénégal est dans la Mauritanie, et aucun des pays n’a le droit d’ignorer les problèmes de l’autres». Il invoquait le devoir moral du «voisin de bonne volonté» qui l’obligeait à s’impliquer.
Le Mali, la Gambie, la Guinée, la Côte d’Ivoire, la Guinée Bissau et la Mauritanie doivent se remémorer ces belles paroles de Wade, pour prévenir toute dérive. Parce que toute secousse au Sénégal sera ressentie partout dans la région, l'effet d'un tsunami dans l'espace sahélo-saharien.