samedi 17 mai 2014

Nouvelle Mederdra

Je suis sur la route de Mederdra où je suis invité par un ami, notable politique dans le département. Sidi Mohamed Ould Sidi (dit Mohamed el Khamess) organise une cérémonie de soutien au candidat Mohamed Ould Abdel Aziz. Cette précampagne qui s’exprime à travers les «initiatives», survivance d’un âge que nous ne voulons pas passer.
L’occasion pour moi de sortir de Nouakchott et de recommencer à respirer les airs intérieurs. Plus que 17 kilomètres à goudronner des cinquante qui séparent Tiguind de Mederdra. Les poteaux électriques devant servir le réseau qui s’étend de la ville vers les localités Ouest jusqu’à Boer Tores sont en phase de fin d’installation. Dans moins d’un mois, l’électricité arrivera certainement dans toutes ces localités. A ce moment-là aussi toute la route sera très probablement goudronnée. Mais déjà l’on voit les changements sur les populations suite à l’existence de telles infrastructures. Avec cette frénésie dans les constructions aux abords de la route et donc la mise en valeur des terres. L’on attend d’autres incidences plus importantes pour les populations, notamment les facilités de transport, l’existence de nouvelles activités, l’ouverture de nouvelles perspectives pour les marchés éventuels… cela ne s’arrête pas là.
Pour les habitants l’effet psychologique est très important.
Voilà une «vieille» ville qui n’a pas connu de grands changements depuis les années soixante. Une ville qui a subi en plein les effets dévastateurs des sécheresses qui ont frappé la région des années durant. Puis la pression politique, la ville ayant toujours été le foyer de la contestation et du refus de l’ordre établi, elle a fourni l’opposition en cadres et en idéologues, ce qu’elle a dû payer sous les régimes des cinquante premières années de l’indépendance.
Dans quelques mois, disparaitront certainement, les vieilles maisons en briques de ciment fortement mélangé au sable ocre des dunes environnantes, disparaitront aussi les vieilles portes en bois qui sont là depuis le début des années soixante. Parce que les habitants voudront donner de la valeur à leurs habitations, parce que la nouvelle route permettra d’acheminer plus aisément les matériaux nécessaires, les nouvelles conditions attireront des professionnels du bâtiment…
A Medredra, la mairie et les populations doivent travailler quand même à préserver ce qui reste de la ville historique : le lieu où le Cadi Hamed Ould Bebbaha (inégalable Erudit, somptueuse personnalité débordant de générosité et d’humanisme) rendait la Justice en toute conscience ; l’ancien gîte d’étape ; l’emplacement des anciennes prisons qui ont vu quand même passer Shaykh Hamahoullah, M’hammad Ould Ahmed Youra et quelques-uns des illustres résistants de l’époque coloniale et postcoloniale ; les maisons administrative (dyaar el bidh, école Folenfant, marché central, la tribune érigée en 1965, le château d’eau (l’ancien), la maison du préfet, les deux puits qui alimentaient la ville avant les années soixante…
Au lendemain du coup d’Etat de juillet 78, un nouveau préfet a été nommé à Mederdra. Sa première décision a été de vider la salle des archives dans la rue. Laissant disparaitre ainsi une mine d’informations sur une époque qui fait quand même partie de l’Histoire de ce pays. Pour s’expliquer plus tard, ce préfet devenu gouverneur pour ses hauts faits d’arme puis président de la Cour Suprême, disait qu’il fallait détruire les traces du colonisateur…
Il faut préserver quelque chose de cette histoire, ne serait-ce que quelques monuments.