«Dieu est la lumière des cieux et de la terre ! La lumière
est comparable à une niche où se trouve une lampe. La lampe est dans un
verre ; le verre est semblable à une étoile brillante. Cette lampe est
allumée à un arbre béni : l’olivier qui ne provient ni de l’Orient ni de
l’Occident et dont l’huile est près d’éclairer sans que le feu ne la touche.
Lumière sur lumière ! Dieu propose aux hommes des paraboles. Dieu connaît
toute chose» (Sourate 24, verset 35. Traduction Denise Masson, 1967)
Premier contraste : la nature de l’environnement. Entre les plateaux du Tagant qui semblent mourir ici, et les imposants pics de
l’Assaba qui affleurent là comme pour résister à l’assaut des dunes du désert
qui s’annonce déjà. Entre les couleurs, ocre et rose pour le sable, noire et
brune pour la pierre. Le contraste ajoute à la splendeur des lieux.
Cette terre, son sable et ses pierres nous apprennent mille et une
sagesses. Il faut simplement savoir les regarder, les contempler et trouver du
plaisir à les contempler. A ce moment peut-être, la chance vous donnera l’occasion
de vous perdre entre le mont Guendeyga et les contreforts du plateau du Tagant,
dans les sables qui ondulent quand ils le peuvent, comme une mer dont la
surface est animée par l’éternel mouvement des vagues.
Cette terre apprend la rectitude. Elle oblige à vivre debout et à
adopter la droiture comme seul principe d’action. Cette terre a su – a pu –
avoir des habitants…
Des ascètes venus en moines s’établir dans un espace réputé
hostile. Ils ont bâti un espace de vie et pu communier avec cette nature don de
la Toute-Puissance divine. Ils ont su inverser la règle et adopter la devise :
«N’avoir rien et posséder tout» (pour reprendre la maxime versifiée de l’Imam
Ali Ibn Ebi Taleb, le dernier des Khalifes Rachidoune).
Entre les exigences matérielles de ce bas-monde et les nécessités
spirituelles, ils ont trouvé l’équilibre en sublimant l’expression des besoins
de la vie. Ce qui leur a donné la force de ne s’autoriser que ce que Dieu, dans
toute Sa splendeur leur offre, c’est-à-dire une nature à dompter par la force
du travail.
Ailleurs, partout dans cet espace couvert par l’aire
civilisationnelle méditerranéenne, le travail est perçu comme un supplice. D’ailleurs
on fait facilement remonter l’étymologie du mot à un instrument de torture
(tripalium) du Moyen-Age. On ira plus loin pour l’associer à une forme de torture
de l’âme pour éprouver la foi. Ici, le travail est devenu valeur,
libération pour atteindre l’Excellence, sublimer les privations, cueillir les
fruits de la méditation ascétique, et finalement atteindre l’extase qui enivre
celui qui sait…
Par la force de caractère de ces moines de la Ghoudhfiya, un
barrage a été construit dans les années 30 du siècle dernier, des champs ont
verdi, des cultures ont été cueillies, renforçant ainsi la colonne vertébrale d’une
communauté qui a su rester tout ce temps debout. Les jardins ne nourrissent pas
seulement ici, ils apprennent à être digne. Ils apprennent à s’obliger, à ne
pas s’autoriser la faiblesse, à être exigent vis-à-vis de soi avant de l’être
vis-à-vis des autres.
Le grand contraste, l’ultime contraste est à trouver dans ce
rapport entre l’exigence de la quête de la plénitude de la spiritualité soufie
et la valorisation d’une vie de labeur rendue nécessaire pour se libérer des
contingences d’un monde de plus en plus déréglé par le matérialisme et l’avidité
de l’homme. Transcender ces contingences
et ces contrastes, c’est vivre en harmonie avec la nature et en paix
avec son âme.
Décidément, cette terre de Boumdeid dégage la sérénité. Une sérénité
incommensurable, infinie dans son expression, généreuse dans sa proposition à l’étranger
du temps d’un passage furtif, ancrée dans son Histoire et dans celle de son
espace, résistante aux aléas qui frappent et dénaturent les êtres…
On a voulu en faire un bagne à des moments noirs
de l’histoire politique du pays, mais Boumdeid est restée une terre de liberté,
une terre de libération, d’abnégation et de générosité.
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