«Le combat politique, de mon point de vue, ce n'est pas de faire en sorte que Mohamed Ould Abdel Aziz tombe dans le tumulte des révolutions arabes mais de faire en sorte que les prochaines élections, prévues dans deux ans -armons nous de patience- soient organisées dans des conditions [transparentes]… Qu'ils le laissent terminer son mandat et à partir de là ils commencent à s'organiser pour une réelle transition en Mauritanie.»
Si ces mots avaient été prononcés par une autre personne que Mohamed El Hacen Ould Lebatt, porte-parole de Conscience & Résistance, mouvement politique non reconnu officiellement, peut-être auraient-ils valu à leur auteur une Fatwa de mise à mort de la part de nos politiques passés maîtres dans la pratique du terrorisme intellectuel.
On ne peut prétendre défendre la démocratie, exiger l’alternance pacifique au pouvoir et revendiquer l’assise populaire, et en même temps souhaiter publiquement le renversement d’un pouvoir régulièrement élu. C’est quand même au terme d’une élection organisée par un gouvernement d’union nationale où l’opposition avait les 50% des portefeuilles dont notamment l’intérieur, l’information, les finances et la défense, en plus de la présidence et des deux tiers de la CENI, c’est au terme de cette élection que Ould Abdel Aziz avait été élu à plus de 52%.
L’opposition politique aurait pu demander sa démission, mais elle n’avait aucunement le droit ni d’appeler à un soulèvement populaire pour le chasser, ni de souhaiter – même intérieurement à plus forte raison publiquement – un coup d’Etat pour le faire partir. Je crois qu’en formulant de telles options politiques, les opérateurs de la classe politique ont fait la démonstration de leurs limites, mais aussi du peu de cohérence dont ils font preuve dans leurs démarches de tous les jours.
«Une démocratie sans démocrates», ce fut le titre d’un ouvrage écrit sur le Maghreb des années 80 ou 90. C’est très vrai pour notre pays.
Autre vérité assénée par Ould Lebatt à l’endroit de la «vieille garde», le compagnonnage de certains leaders à des périodes différentes ou concomitantes avec Ould Abdel Aziz. En réalité, Ould Abdel Aziz – et c’est l’un de ses atouts et l’une de ses caractéristiques – n’a jamais négocié avant le dernier dialogue. Il n’a jamais appelé l’un de ces leaders pour discuter avec lui les termes d’un accord politique au bout duquel il y aura un partage de pouvoir, une implication plus large ou des réformes profondes.
Avec Ahmed Ould Daddah, le rapport a découlé du rejet de Sidi Ould Cheikh Abdallahi (qui le rendait bien à son ami d’autre fois). De ce rejet est née toute la démarche du RFD dont les élus avaient préparé le terrain à ce qu’ils appelleront plus tard «le mouvement rectificatif». Avant de le soutenir. Il suffit de regarder les images de l’époque pour voir qui soutenait le coup d’Etat durant les premiers mois, finalement les plus difficiles pour la junte.
Avec le FNDD (front national pour la défense de la démocratie, constitué de plusieurs partis soutenant Ould Cheikh Abdallahi dont ADIL), c’est bien ce dernier qui a poussé à la signature des accords de Dakar et qui a finalement refusé l’idée d’un candidat unique derrière Ould Daddah (ou un autre). Il faut dire que l’erreur de l’Opposition n’a pas été seulement de signer un accord en faisant d’autres calculs comme quoi l’élection ne pouvait se tenir à cause des délais légaux, mais aussi d’avoir refusé d’unir ses efforts autour d’un seul candidat. Partie perdante, elle a voulu jouer les prolongations en contestant cette élection.
Quand ADIL ou Tawaçoul ont approché le pouvoir, ce sont eux qui en ont pris la décision. Sans discussions préalables. Sans compromis. Ould Ahmed Waghf comme Jemil Ould Mansour étaient demandeurs et non Ould Abdel Aziz.
Il est faux de dire que Ould Abdel Aziz «a roulé dans la farine» ces vieux opposants, parce qu’il n’a jamais promis de traiter avec eux ou de les impliquer. Il a toujours déclaré qu’il n’ya pas lieu de mettre en place un gouvernement d’union ou une quelconque formule du genre, mais que la démocratie a besoin d’une opposition forte qui peut être le contrepoids d’une Majorité qui gouverne en attendant les échéances futures.
Mais il est juste de dire que nos politiques font leurs calculs, leurs raisonnements et entreprennent leurs démarches comme si ce qu’ils voyaient devait être évident pour tous. Comme si aussi, ceux qui sont en face étaient assez bêtes, assez faibles, assez «aux abois», pour leur étaler le tapis rouge. Il est temps pour eux de savoir que tout se mérite. Même le pouvoir.
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