A F’Dérik ils avaient eu à faire face à une procédure judiciaire
parce qu’ils avaient «exagéré» dans l’exercice de leur «art»… art
c’est trop dire… en fait une fonction qu’ils ont contractée sans
prédispositions préalables… ils sont l’un des héritages de l’époque du PRDS,
même si à l’époque ils pratiquaient plutôt dans la discrétion. Mais l’idée est
née ici.
A l’arrivée du Président de la République à Zouérate, les crieurs
ont accueilli la délégation par des slogans distillés à travers des porte-voix.
Chacun y trouve son compte, en mal ou en bien. Le cérémonial commence par une
attaque cinglante contre le Directeur de Cabinet du Président comme pour faire
valoir son cousin, conseiller à la Présidence. «Le seul général qui mérite
le grade est ce hartani qui est devant vous. Les autres généraux ressemblent à
des jeunes filles qui mettent la poudre…» Puis des : «Ces ministres
ne servent à rien. Ils relèvent du néant. Que vous les ameniez avec vous ou que
vous les laissiez, c’est pareil. Alors il vous les bombarder pour les réduire
en poussière». «Le Wali ne sait rien donner à part la fumée de
cigarettes». «Ce député n’est pas digne de confiance»… Et chaque
fois que l’un s’attaque en dénigrant l’un des présents, un autre met en valeur
une seconde personne. Dans ces bouches, la louange est pire que le dénigrement.
Toute parole est d’ailleurs décrédibilisée. On se demande alors qui couvre ces
pratiques ?
Ces crieurs insultent les hauts fonctionnaires, les hauts gradés de
l’Armée, les élus du peuple au vu et au su de tout le monde. Ils ont des
porte-voix pour bien se faire entendre de tous. Le Président de la République
les entend. Leurs voix finissent par couvrir tous les discours officiels. Ils dérangent
tout le monde. Et personne n’ose les arrêter. Sont-ils intouchables ?
Au cours de la visite présidentielle au Tiris Zemmour, deux d’entre
eux ont été interpellés par la gendarmerie à la suite, a-t-on dit d’une plainte
du Wali. On croyait que cela contribuerait à limiter leurs activités. Que nenni !
Ils sont plusieurs à envahir le tarmac de l’aéroport de Kiffa. Ils sont
présents à toutes les étapes de la visite et couvrent tout par leur cacophonie.
Toujours le procédé. On comprend qu’il s’agit là d’une manière d’arnaquer les
pauvres responsables qui ont peur de tout. Surtout d’être pris à partie
publiquement. Cela participe à leurs yeux d’une indignité révélée
publiquement. Ils payent pour ne pas en être victimes. Mais la parole de
ceux-là ne peut en rien orner ce qui est déjà laid. Elle n’affecte en
rien la laideur si elle est là, ni la beauté si elle est là. Elle n’annihile
pas la compétence, le sens de responsabilité, la Moralité, l’efficacité… si ces
valeurs existent. Elle ne met pas non plus à nu, pas plus que nécessaire en tout
cas, l’indignité si elle n’est pas avérée. Aucune foi, aucun sérieux n’est
accordé à cette parole finalement achetée.
Mais, encore une fois, pourquoi laisse-t-on
faire ces gens ? Un lapsus qui en dit long sur l’effet de la présence de
telles manifestations : quand l’un d’eux fait semblant de se tromper en
donnant l’ordre à la foule : «çafgu illi’riiss», applaudissez au marié
(li’riiss) au lieu de irra’iiss (Président). On finit par confondre un
cérémonial solennel avec une fête mondaine, avec tout ce que cela comporte de
vulgarités. Ce n’est pas près de s’arrêter.
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