jeudi 28 mai 2015

Un jour (de) chez moi

Je suis à Mederdra aujourd’hui pour assister à une cérémonie organisée par une partie de ma famille. Je retrouve quelques senteurs que mon odorat pollué avait perdues. Je retrouve aussi quelques vieilles amitiés, de vieilles connaissances, des femmes et des hommes qui m’avaient vu grandir avant de me perdre de vue puis de me retrouver aujourd’hui, vieux comme je suis.
J’ai l’impression que toutes et tous ceux qui m’ont vu naitre parmi ces gens-là, me traitent comme s’il s’agissait de l’enfant de toujours. Une manière peut-être de (se) refuser de grandir : si le vieux qui est là est l’enfant d’antan, cela veut dire ce que cela veut dire.
Parmi eux ceux qui n’ont pas changé ou presque, gardant les mêmes traits de visage, les mêmes rides que je leur connaissais à l’époque de la tendre enfance, les mêmes réflexions, les mêmes attitudes…
Meryem est la première à me parler des «préparatifs pour accueillir le Président qui arrive dans les jours qui viennent». Elle me demande si elle peut le rencontrer pour lui dire ceci : «Avant, nous avions un préfet qui partageait déjà très mal ce qui arrivait ici comme aides, aujourd’hui nous en avons trois en plus de leur adjoint. Du coup on ne reçoit plus rien de ce qui nous est envoyé…» Une manière de désapprouver la nouvelle nomenclature de l’administration qui crée des postes d’adjoints au préfet, de directeur de cabinet…
Mais là où Meryem semble le plus irritée, c’est quand elle parle de «ces réunions organisations sur initiative des élus et fils du département pour mobiliser les populations». Pour se demander : «Pourquoi ces cadres ne viennent pas se réunir ici ? Nous sommes les populations à mobiliser et la ville se trouve à 150 kilomètres de Nouakchott, pourquoi rester là-bas ?»
En fait, les «cadres» craignent probablement de devoir redistribuer ce qu’ils ont comme fortune. Ils craignent encore de se donner en spectacle en arrivant chez des populations qu’ils ne connaissent que lorsqu’une échéance politique approche. Comment reprendre de la forme devant des gens qu’on a été incapable de satisfaire ? des gens qui ont entendu toute sorte de promesses jamais tenues, d’explications toujours fausses ? Pour Meryem les raisons de la tenue de telles manifestations ailleurs, «c’est bien parce que le menteur a intérêt à éloigner les témoins et nous sommes des témoins gênants». Et d’enchainer sur «le temps des grands»…
«Nous sommes orphelins d’un temps que tu as connu très jeune, celui des hommes dignes et des belles femmes, celui de la générosité et du faste, celui de la vérité et de la baraka…» Ici je me rendis compte qu’elle et moi nous n’avions pas les mêmes raisons de regretter (de pleurer dans son cas) ce temps-là.
Le monde de Meryem était fait d’injustices et d’inégalités. Il couvait cependant en son sein une charge d’aspiration au changement, à plus d’égalité, à la citoyenneté. Il permettait à des jeunes, nourris aux valeurs de l’Etat moderne, de se rebeller et de dénoncer les carcans de l’ordre ancien. Si je peux regretter ce temps qui avait pour moi une saveur particulière, celle des espérances, il ne devait pas en être de même pour mon interlocutrice qui vivait les conditions difficiles de la servitude. Mais le syndrome du Paradis perdu est toujours là.

mardi 26 mai 2015

Le drame des Peulhs au Mali

De plus en plus de réfugiés arrivent du Mali pour s’installer dans le camp de Mberra non loin de Bassiknou dans le Sud-est mauritanien. Exclusivement des Peulhs, celle fois-ci. Selon les informations diffusées par les organes de presse français, ces nouveaux réfugiés fuient l’Armée malienne qui chercherait à faire payer aux nomades et transhumants de la zone les récentes attaques sanglantes menées ici et là par des groupes de jeunes issus de l’ethnie peule.
RFI nous apprend que «des dizaines de femmes et d'enfants sont arrivés en camion ces derniers jours au camp de Mbera, en Mauritanie. Originaires de Dioura ou Nampala, au sud de Tombouctou, ces Peuls disent avoir fui des violences contre leurs campements, comme le raconte le coordinateur des réfugiés qui les a accueillis à Mbera».
C’est la première fois qu’on enregistre un tel afflux. Cité par RFI, un responsable du HCR (Nouakchott) nous apprend que «les Peulhs représentaient moins de 1% de la population. La majorité de la population du camp de Mbera, ce sont surtout des Arabes, à 50,8% et des Touaregs, qui représentent 48%». Avant d’ajouter que «cet afflux intervient dans un contexte où on pensait que les choses se stabilisaient un peu au camp de Mbera et en fait on se rend bien compte aujourd’hui que la situation est toujours volatile, toujours précaire.» responsables du HCR et ceux des réfugiés craignent le pire avec la multiplication des actes de violence qui suscitent les représailles de l’Armée malienne.
«Ils disent qu’il y a plus de cent personnes arrêtées dans leur zone et qu’il y a l’armée malienne qui est en train de fouiller leur maison, les torturer, les frapper, rapporte le responsable des réfugiés au camp. Et qu’ils sont partis à cause de cela.» Et d’expliquer à RFI qu’«il y a eu une attaque entre Goundam et Tombouctou, il y a eu une attaque dans la ville de Bintagoungou, à Léré. Il y a des attaques partout».
Cette composante de la population malienne souffre aussi de la suspicion qu’elle suscite chez les autres ethnies. Les groupes armés défendant désormais chacun les intérêts de sa communauté, reflètent dans leurs comportements ce racisme ambiant. Du coup les Peulhs entendent créer des milices d’autodéfense pour réagir à la discrimination dont ils sont victimes. Malheureusement, les groupes jihadistes ont largement profité de cette situation pour recruter dans la jeunesse peule. Les vieux relents du Jihad sacré du 19ème siècle ont vite refait surface. Ce qui explique que cette communauté est prise entre mille feux. Les groupes armés – indépendantistes et miliciens pro gouvernement malien – leur reproche de ne pas travailler avec eux. Le pouvoir central réprime ce qu’il considère une nouvelle poche de rébellion. Tandis que les pourparlers de paix ignorent leur situation particulière.
En somme, si la situation dans le Nord malien continue de pourrir et si les différentes factions n’arrivent pas à mettre en œuvre le plan de paix et à embarquer toutes les populations, la guerre dans la zone pourrait prendre l’aspect d’une guerre civile. Il sera difficile à ce moment-là d’arrêter la violence.

samedi 23 mai 2015

TEDx Nouakchott

Le concept est inconnu du large public. Surtout en Mauritanie où c’est seulement la deuxième édition de cette manifestation. Il s’agit d’une sorte de meeting qui voit l’intervention de gens qui ont «quelque chose à dire» ou, pour utiliser les termes consacrés, «des idées qui valent la peine d’être diffusées» (Ideas worth spreading). L’objectif étant d’«oser repenser» le monde à travers l’exposition d’expériences personnelles, de points de vue, de visions, de philosophies…
Créé par la Fondation Sapling foundation, le concept présente des conférences sur des thèmes variés avec des personnalités parfois inattendues, parfois connues, mais toutes ayant une capacité à bien présenter et à convaincre. L’objectif étant d’amener l’auditeur à «oser repenser» sa vie.
Pour sa deuxième édition, les promoteurs de l’idée – Mohamed Ali Bediyouh qui l’avait déjà organisée à Casablanca, Mohamed Salem Ould Ahmed Saleh l’informaticien de génie, Yousra Chérif et tous ces jeunes qui cherchent à se libérer et à libérer leurs compatriotes des contingences et pesanteurs de l’immobilisme -, les promoteurs ont choisi de multiplier les intervenants et les thèmes.
La protection du consommateur et l’expérience d’une association locale avec ce constat inquiétant : plein de produits périmés, de produits exposés sur le marché dans de mauvaises conditions, aux côtés de poisons, sous le soleil ; pas assez de contrôle et peu de réactivité des citoyens.
Puis l’expérience d’une tentative réussie de faire d’un produit local, jusque-là méprisé en tout cas classé dans la sphère de «l’inutile» parles Mauritaniens d’aujourd’hui, d’en faire une denrée précieuse dont les multiples dérivés servent dans différents aspects de la vie. Il s’agit de Toogga, ce fruit sauvage qui est destiné à être l’Argan de nos latitudes.
Mohamed Baba Said, l’un des promoteurs du projet, explique (très bien) le processus qui a vu naitre le projet, ses retombées sur le pays, les structures déjà mises en place pour sa mise en œuvre… Nous savons désormais qu’il faut 20 kilogrammes de fruits pour avoir un litre d’huile et que la capacité de la petite structure déjà fonctionnelle à Nouakchott est de 200 litres par an. On apprend aussi qu’il n’y a pas de déchets dans le processus de transformation parce que tout, dans le fruit, est utilisable. «Toogga emnav’ayn», disent les Hassanophones pour dire la multitude des services que ce fruit rend à celui qui sait s’en servir.
L’Ambassadeur des Etats Unis d’Amérique, Larry André devait lui intervenir sur le thème «l’objectivité, idéal impossible». Très pédagogue – très philosophe aussi -, l’Ambassadeur Larry André a mis à profit sa grande expérience pour inculquer la notion de relativité surtout quand il s’agit de la recherche de l’objectivité. Concertation (consultation) autour d’une question (avec tous les protagonistes), la compréhension de tous ses paramètres, la confiance en l’intuition, la sincérité et l’honnêteté dans le jugement à faire… sont autant de valeurs qui assurent une meilleure appréciation de la problématique et d’en avoir un regard plus objectif, en tout cas plus équitable. Assez pour avoir le meilleur angle d’attaque, décider et agir dans les temps utiles (il ne faut jamais laisser le temps passer dans les hésitations et le refus d’y aller).
Le point d’orgue de la soirée est sans doute ce monument qu’est Jean Sahuc, un ingénieur qui a débarqué en Mauritanie en 1954 et qui ne l’a plus quittée. Un témoin et un acteur de la construction de la capitale Nouakchott, de projets de routes et même du chemin de fer reliant Zouérate à Nouadhibou. Il faut l’écouter pour se rendre compte d’où nous venons et qu’est-ce que nous avons fait de nous-mêmes et de notre pays. «Repenser la Mauritanie», refonder les vocations premières, réinventer les objectifs premiers… Oser le faire…
Le féminisme a son mot avec Nejwa Kettab qui partage une profonde réflexion sur «le féminisme face à la norme sociale». Du concept de «carrière matrimoniale» pour désigner cette vocation à multiplier les mariages chez nos femmes, à l’illusion de l’émancipation consacrée par un rôle de premier plan accordé à la femme alors qu’il découle d’un mépris évident. Tout le cheminement mène à une vision machiste et parfois misogyne.
Pr Dia Al Housseinou, psychiatre «au pays des marabouts» parlera longuement (et efficacement) des interférences entre les thérapies traditionnelles et celles modernes, de cette tendance des Mauritaniens à toujours chercher à jouer sur deux tableaux : la Modernité et le Conservatisme. La schizophrénie commence ici (le constat n’est pas du Pr Dia).
Sidi Ould Sweyne’, jeune professeur à l’école des ingénieurs, grand connaisseur du Japon devait présenter un concept : IKI. C’est un concept né au Japon pour traduire la nécessité de trouver un symbole national à même d’imposer une identité à tout citoyen japonais. Cette recherche de l’identité a été l’élément moteur du décollage du Japon. Ould Sweyne’ propose un système éducatif sur la recherche d’un identifiant national (IKI), le développement de l’innovation et la motivation. En somme, la promotion de l’intelligence créative et innovante et la règle du mérite.

On finira la soirée par des propositions : «repenser l’écologie», et même «repenser la poésie»… Autant dire que l’objectif de «la bande à Bediyouh» - la sympathie qu’ils suscitent m’autorise à les appeler de la sorte – est largement atteint. Une manière de rappeler aux plus sceptiques d’entre nous qu’il existe une Mauritanie dynamique et entreprenante. A travers les jeunes de TEDx Nouakchott, ceux de Startup-Mauritanie, ceux de WikiStage-Nouakchott et bien d’autres, nous comprenons que la Mauritanie n’est pas seulement ce foisonnement d’oiseaux de mauvaise augure, d’intellectuels archaïques et conservateurs, de jeunes mal formés et sans éducation… que dans cette Mauritanie subsiste une frange de jeunes qui sont le vrai espoir de demain. Heureusement. 

vendredi 22 mai 2015

Remaniement partiel

Le départ de Sidi Ould Tah est la raison principale de ce remaniement qui n’a finalement touché que trois départements.
D’abord le département des affaires économiques et du développement occupé par Ould Tah depuis le 31 août 2008 et la formation du premier gouvernement des lendemains d’un certain 6 août. Un record de longévité qui sera difficilement battable sous la présidence de Mohamed Ould Abdel Aziz. C’est finalement Sid’Ahmed Ould Raïss, l’ancien gouverneur de la Banque centrale de Mauritanie (BCM) qui hérite du portefeuille.
On savait que l’homme était en instance de retour depuis que, répondant à une question concernant le lien de son limogeage avec l’affaire Maurisbank, le Président avait dit au journaliste qui posait la question : «… qui vous dis qu’il (Ould Raïss, ndlr) n’est pas destiné à d’autres fonctions ?». C’est fait.
Sid’Ahmed Ould Raïss est, dans l’entourage de Ould Abdel Aziz, le mieux indiqué pour succéder à Ould Tah qui va à la Banque arabe pour le développement économique de l’Afrique (BADEA). Ancien ministre des finances et Gouverneur de la BCM, Ould Raïss connait bien le dossier des affaires économiques. L’habitude de côtoyer, de discuter, de négocier avec les partenaires techniques et financiers du pays lui donne quelques atouts dont on a besoin en ces temps où les relations avec le FMI connaissent un relâchement non déclaré. La méthode de gouvernance du département pourrait ne pas subir de grands changements : le ministre restera le seul maitre à bord…
Deuxième «mouvement», celui opéré au ministère de la Justice qui accueille une nouvelle figure : Me Brahim Ould Daddah. Un nom qui revient dans la sphère de l’Exécutif, il y a tentation de titrer : «Un Ould Daddah au gouvernement, jamais vu depuis 1978». Jusque-là conseiller à la Présidence de la République, Me Brahim Ould Daddah a fait ses preuves dans plusieurs dossiers de négociations (Dakar, les Chinois dans la pêche…). Il va au gouvernement comme ministre d’un secteur qu’il connait bien. Son prédécesseur, Sidi Ould Zeine, grand économiste de renom, a pu faire avancer bien des dossiers, notamment celui des prisons et ceux liés à l’esclavage et au volet mesures à prendre au niveau de la Justice dans la feuille de route élaborée par le gouvernement en accord avec l’organisme chargé des Droits de l’Homme aux Nations-Unies. Mais la réforme fondamentale du secteur judiciaire attend encore. Elle demande certes un engagement politique déterminé, mais aussi une vision clairement définie du département. L’avocat saura-t-il faire sauter le verrou de l’immobilisme ?
Sidi Ould Zeine succède à Ismael Ould Sadeq au département de l’habitat et de l’urbanisme. On peut se demander ce que vient faire l’économiste dans cette galère où l’on ne parle que de gazra et de kebba. Pourtant, les capacités de l’homme à élaborer une vision, puis à la présenter et à la défendre, lui donnent la chance de pouvoir être celui par lequel les objectifs initiaux, notamment l’éradication de la gazra, seront réalisés. Avec aussi cette possibilité d’amener les populations à s’approprier la stratégie mise en œuvre. Du coup, l’opération qui est perçue jusqu’à présent comme une opération technique vaine, peut être réalisable. Surtout que son aspect politique et social sera mis en évidence par un ministre qui peut rester à l’écoute des populations et qui a le courage d’aller au-delà des blocages qui empêchent jusqu’à présent l’éradication de la gazra.

En somme, le remaniement n’est pas celui annoncé par les salons de Nouakchott. Il n’est pas celui attendu par l’opinion publique. Il n’est pas non plus le remaniement que dicte la conjoncture. Mais le Président Ould Abdel Aziz a toujours préféré opérer par remaniement partiel jusqu’à aboutir à un renouvellement de ses gouvernements.

mardi 19 mai 2015

Diabira Maaroufa, ange ou démon ?

Si l’on s’en tient à la réalité du parcours de Me Diabira Maaroufa, le nouveau Président du FNDU, on dira qu’il fait partie de cette classe politique qui a fait ses chemins aux temps où «le politiquement correcte» imposait aux opérateurs mauritaniens un minimum de cosmopolitisme et d’ouverture sur le vis-à-vis.
Me Maaroufa n’a jamais déserté la scène depuis les années 60, même s’il est parfois entré dans une clandestinité qui donnait l’impression d’une hibernation prenant parfois beaucoup de temps. Son nom est lié aux mouvements revendicatifs des années 60 et 70, sans faire partie des figures emblématiques du mouvement des Kadihine ou de ceux des nationalistes noirs. Il est resté un inspirateur à distance. Jouant un rôle déterminant dans les organisations estudiantines noires. Sans pour autant verser dans l’excès nationalitaire.
Il sera ministre de la justice puis de l’industrie de Mohamed Khouna Ould Haidalla. Sa force de caractère l’oblige à quitter le gouvernement. Il revient à sa profession et devient Bâtonnier de l’Ordre national des avocats de Mauritanie. Il défend les prisonniers d’opinions dans quelques procès à retentissements politiques.
Les années Ould Taya en font une personnalité centrale dans la lutte pour les droits. Il signe quelques-unes des pétitions demandant la démocratisation de la vie et l’apurement des dossiers humanitaires. Il devient président du Groupe de recherches et d’études pour la démocratie et le développement social, GREDDS, section Mauritanie. L’homme politique glisse lentement vers l’action humanitaire. Ce qui l’oblige à plus de consensualisme, donc plus d’ouverture, plus de prédispositions au dialogue… C’est donc un homme de dialogue qui est choisi pour diriger le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU). Même si diriger un tel conglomérat ne veut pas dire en tenir les rênes… Surtout que…
Nonobstant ce portrait, certes sommaire, mais collant plus ou moins à la réalité de l’homme Diabira Maaroufa, l’opinion publique mauritanienne en a une autre image. Beaucoup moins prestigieuse que la simple réalité. De tout temps, l’homme a fait l’objet d’attaques.
De la part de ses confrères qui ont toujours insisté pour dire qu’il n’a défendu que dans les dossiers où «il se sentait concerné» : «Aux procès de 1986 et 87 où les cadres noirs étaient mis en cause, au procès de 2003 où le Président Ould Haidalla dont il a été ministre avait été mis en cause». Pour eux, «l’avocat devenu Bâtonnier par défaut pour quelques mois (après la nomination du Bâtonnier Ahmed Killy Ould Cheikh Sidiya, trois tours n’ont pu départager Mes Yahya Ould Abdel Qahar et feu Diagane Mamadou, ndlr) a toujours évité la confrontation directe avec les autorités».
De la part de ses compagnons de lutte qui ne lui ont jamais pardonné ses velléités de leadership et sa force de caractère. Cela se traduit en terme de classification par «Diabira Maaroufa est un animiste qui ne croit en rien, profondément sectaire en plus».
De la part de ses adversaires politiques de l’époque, nationalistes arabes, militants du Mouvement national démocratique (MND), Kadihines et autres, pour lesquels «il n’a jamais été autre chose qu’un raciste nationaliste étroit».
En concert ou non avec les autorités, les détracteurs de Me Diabira Maaroufa ont réussi à coller des clichés «diaboliques» à la personne. Si bien que l’image qu’il a reste très imprécise et très controversée.

Le premier challenge du nouveau Président du FNDU est aujourd’hui de se refaire une image plus proche de sa réalité. Ce sera difficile quand on voit qu’il est au milieu de ceux qui ont dépensé toutes leurs énergies pour diaboliser l’homme et son combat. Entre confrères, compagnons, adversaires politiques d’antan, administrateurs, responsables de renseignements, idéologues au service… à la proie d’hier de prendre le dessus aujourd’hui… en sachant que les réflexes et les relents sont restés les mêmes.

lundi 18 mai 2015

Pour une paix durable

Solennelle, la signature l’accord de paix entre le gouvernement malien et les rebelles du Nord. La présence de la supervision de la communauté internationale empêchera-t-elle cet accord de finir comme les précédents ?
Tous les cycles de rébellion dans le Nord malien ont fini par des cessez-le-feu puis des accords politiques qu’on croyait à même de stabiliser le Mali et la région du Sahel qui ne peut que souffrir de l’instabilité de ce pays charnière.
Avec toujours le même souci de répondre à quelques-unes des exigences des groupes rebelles dans le but de satisfaire les exigences qu’on reconnait légitimes en général. Experts et diplomates sont à chaque fois appelés à la rescousse pour éteindre le feu en essayant de répondre à une partie des problématiques. Aujourd’hui, l’accord paraphé à Alger par l’ensemble des acteurs mais signé à Bamako par seulement une partie d’entre eux (sans les rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad), reconnait deux choses essentielles : l’intangibilité des frontières du Mali et la nécessité de reconnaitre des droits aux populations des régions du Septentrional malien.
La reconnaissance solennelle de ces deux principes permet tout si toutes les parties se rendent à l’évidence. Du côté de la rébellion il est temps de savoir qu’aucun pays au monde et surtout pas dans l’environnement du Mali n’acceptera de revenir sur le principe de l’intangibilité des frontières. Reconnaitre aux Touaregs ou aux Arabes (Maures), ou encore aux Peulhs du Nord du Mali une once de souveraineté, c’est mettre en péril les fragiles équilibres qui existent dans les pays voisins et du coup risquer de bouleverser les cartes et les frontières. Qui peut le permettre ?   
Du côté du pouvoir central malien, le temps d’engager un processus profond de réconciliation nationale, ce temps est arrivé. Pour ce faire il va falloir arrêter avec les approches politiciennes adoptées jusque-là. La recherche constante à instrumentaliser les groupes du Nord, soit pour calmer une situation, soit pour la provoquer, soit pour diriger les groupes les uns contre les autres.
L’expérience catastrophique de la gestion de ce dossier sous l’ère Amadou Toumani Touré doit servir aux dirigeants actuels. Voilà un Président – un pouvoir – qui a laissé faire dans une partie de son territoire. Allant jusqu’à jouer le jeu des trafiquants et des terroristes. Leur servant de protecteur, parfois de receleur, de conseiller, de soutien et toujours d’intermédiaire. C’est bien cette politique catastrophique qui a fait du Mali un sanctuaire des groupes terroristes de la zoné sahélo-saharienne (mais maghrébine). Ce n’est pas par hasard si tous les combattants d’Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) ont fini par faire du Nord malien un Jihdistan accueillant ceux de Boko Haram et autres groupes jihadistes de Libye. C’est bien le choix d’un gouvernement qui a fait de cette région une zone de non-droit. Première exigence pour le Mali : recouvrer l’entière souveraineté sur l’ensemble de ces régions.
Parce qu’elles sont encore infestées par les groupes jihadistes, il est juste que le Mali bénéficie d’un soutien actif et réel des pays engagés dans la guerre contre le terrorisme. Mais très tôt, l’Armée malienne doit pouvoir par elle-même imposer son autorité partout sur le territoire malien. Une manière pour elle de faire oublier les revers de la dernière décennie.
Deuxième défi pour le gouvernement d’Ibrahim Boubacar Keita : rétablir la confiance entre le gouvernement central et les populations locales. Il s’agit d’aller au-delà des représentants de circonstance pour parler à ces populations, pour interpeller en elle la soif naturelle pour le bien-être et la sécurité et leur démontrer sur le terrain que l’Etat malien est désormais engagé à leurs côtés pour leur assurer justement paix et bien-être.
Troisième défi : mettre en confiance et en synergie les peuples et Etats voisins du Mali. Aucun des pays du champ ne peut être tranquille en sachant que le danger est encore là. Les menaces d’instabilité sont venues du Mali, que ce soit en Algérie, en Mauritanie, au Niger, au Sénégal, en Guinée ou… ou… Le Mali a constitué – constitue encore – une source d’inquiétudes pour ses voisins. Le besoin de le voir saisir l’opportunité de cette sympathie internationale largement exprimée lors de la cérémonie de signature des accords, ce besoin est très fort. C’est à la diplomatie malienne d’éviter les incompréhensions avec les voisins et les querelles inutiles.

Pour sa part la communauté internationale, toute la communauté internationale, doit cesser d’encourager les rébellions. Si les gens du Nord ne comprennent pas le message, il va falloir le leur faire comprendre par la fermeté vis-à-vis de leurs velléités répétées de travailler pour la partition du Mali. Aucun prétexte ne peut justifier cette partition.

dimanche 17 mai 2015

Quelle nouvelle politique du riz ?

Lors de sa visite à Kiffa, le Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz a eu droit à une exposition qui se voulait un lancement de la campagne pour la promotion du riz mauritanien. D’ailleurs, une série de sketchs et de spots publicitaires diffusés sur les antennes des télévisions et des radios nationales, avait accompagné cette campagne. Le gouvernement avait alors décidé de subventionner le riz mauritanien en le vendant dans les boutiques SONIMEX à 130 UM le kilogramme. Tout ça ressemblait à une belle opération «consommons mauritanien» que le gouvernement engageait.
La semaine dernière, le gouvernement a décidé de rehausser le prix du kilogramme de riz mauritanien pour le vendre à 205 UM au lieu de 130. Le riz mauritanien est-il devenu si convainquant ? n’a-t-il plus besoin de promotion ? L’on remarque qu’en même temps que le prix augmentait, les campagnes de promotion sont arrêtées. Alors ?
Il faut dire que la production de riz en Mauritanien a suscité – continue de susciter – de grands étonnements. Si dans le temps, la politique de production a été l’occasion de grandes malversations entrainant l’échec des politiques agricoles en Mauritanie, elle est restée, malgré les déclarations solennelles, l’une des poches de la gabegie.
En effet, c’est bien autour de la commercialisation du riz que les grosses affaires s’opèrent. Cela commence par le décorticage qui occasionne des contrats mirobolants au profit des propriétaires des usines et au détriment de l’acheteur principal qui est la SONIMEX. Cela continue avec les boutiques Emel où de nombreux trous financiers ont été détectés ces dernières années. Aujourd’hui, la SONIMEX aurait une sérieuse ardoise contractée auprès des usiniers. Et, plus grave, des quantités énormes de riz avarié achetés à prix fort.
Certains usiniers continuent de ne pas épurer leur passif en riz, des quantités pour lesquelles ils avaient été payés à l’avance par la SONIMEX qui n’a rien fait jusqu’à présent pour recouvrir ses biens.

La riziculture, imposée par la Banque Mondiale comme pôle du développement agricole dans la Vallée du Fleuve, a absorbé 90% des financements destinés au secteur. Depuis quelques années, le ministère de l’agriculture essaye de sortir d’une logique infernale en diversifiant la production. L’expérience réussie de la culture du blé, mais aussi le développement du maraichage dans des zones habituellement oubliées des politiques publiques, annoncent un revirement qui sera certainement bénéfique pour l’agriculture en Mauritanie.