lundi 16 septembre 2013

Qui trompe qui ?

Ce fut le titre de l’un des éditoriaux de La Tribune commentant l’une des visites du Président Ould Taya dans la Wilaya du Trarza. On voyait cadres et chefs traditionnels, intermédiaires sociaux et acteurs politiques locaux, fuqaha et shuyukh, figures emblématiques du communisme, du nationalisme et de l’islamisme, tributaires perdant ce statut le temps d’une visite, maîtres ayant toujours les mêmes réflexes… tout ce que la Wilaya comptait, on pourrait dire tout ce que le pays comptait quand on sait que le tout Nouakchott a fait le déplacement… bref tout le monde était là, affichant une ferveur hystérique, attendant le «toucher présidentiel», espérant une quelconque rédemption pour le temps passé à se poser des questions sur la nécessité ou non de soutenir les actions du Président et de les défendre.
Le leurre était si évident qu’on devait fatalement se poser la question : qui trompe qui ? D’une part cadres et populations qui s’émeuvent de tous les mots et des gestes du Président, qui l’écoutent religieuse et qui attendent de lui une onction qui pourrait leur garantir le bonheur ici-bas et le Paradis dans l’Au-delà.
D’autre part le Président qui donne l’impression de prendre plaisir et qui «octroie» sa bénédiction dans les formes attendues. Est-ce qu’il croit réellement à toute cette ferveur ? Ou est-ce qu’il joue le jeu ? Il se dit peut-être que ces «moutons» ne méritent que ce qui leur arrive : être obligés de faire semblant d’embrasser la main qu’on n’a pu couper. Ces gens méritent bien qu’on leur marche dessus.
Cela me rappelle une histoire que je ne lasserai jamais de répéter.
Un mangeur de tortue se promenant un jour particulièrement néfaste, tomba sur une belle tortue. Heureux de cette chance, il s’empressa de la mettre sur sa tête en la retournant. Quand une tortue se retourne, elle pisse fatalement. C’est donc sur la tête du mangeur de tortue que la tortue pisse.
Quand le mangeur de tortue a découvert sa proie, il a dit : «ah ! quelle chance ! une tortue que je vais manger». La tortue quant à elle s’est écriée quand elle fut installée sur la tête de l’homme : «ah ! quelle chance ! je vais encore pisser sur la tête d’un homme». Et chacun de faire la fête selon son désir…
Allez une autre ! Quand l’Emir tel ramenait le butin de ses expéditions contre ses ennemis, il ne savait pas quoi en faire. L’un de ses cousins qui avait jusque-là le respect qui se doit aux guerriers de son rang, lui proposa un jour : «Ecoute, Emir, je vais te proposer un marché : tu vas me confier le butin de la communauté pour le fructifier et en user comme j’entends, en contrepartie je me propose à devenir le piédestal sur lequel tu vas prendre ton bain hebdomadaire…» Quel plaisir que de se laver sur le dos d’un cousin : jamais Emir n’a eu ce privilège qui sera le signe du pouvoir absolu. Et depuis, la descendance a gardé «l’honneur» de recevoir les saletés de l’Emir en contrepartie des biens conquis ici et là par la force.
Les deux situations rappellent les pactes passés par nos intellectuels, notre élite en général avec les pouvoirs en place. Tantôt, ils sont le dépotoir pour le Sultan du moment, tantôt son urinoir…  

dimanche 15 septembre 2013

Vieille habitude

Il y a des habitudes qui sont ancrées et qui sont vieilles comme le temps. Par exemple cette tendance chez les nôtres de changer de camp et d’appréciations «quand il le faut», elle est vieille.
Il ya longtemps, très longtemps, l’un des Emirats de cet espace qui deviendra la Mauritanie, connut un vide dans l’exercice du pouvoir : la prétention d’une famille forte mais n’ayant pas la légitimité nécessaire, bloqua la succession. Chaque jour, les Shuyukhs (Sages) de la Jemaa traditionnelle se réunissaient pour trouver un consensus et légitimer cette prétention qui ne pouvait être contrée pour le moment. Mais chaque fois que la réunion commençait, le même monsieur se levait pour dire qu’il n’était «pas question de donner le pouvoir à (untel), parce qu’il n’est pas le plus indiqué : ni son statut dans la famille, ni son sens du courage, encore moins sa geste ou sa prestance… rien ne le prédispose à diriger notre communauté…»
Chaque fois que ce qui est dit est dit, une gêne clouait les présents. Puis il se trouvait toujours l’un d’eux qui proposait de lever la séance pour le lendemain.
Au quatrième jour des conciliabules – qui n’en étaient pas d’ailleurs -, la même scène arriva. Mais rentré chez lui, le candidat à la chefferie choisit l’une des plus belles juments de son écurie, les plus beaux et les plus complets de ses harnachements, un fusil et une bandoulière pleine de munitions et accompagna le tout de deux boubous, l’un blanc et l’autre bleu. Quand la «grande nuit» tomba et que personne ne bougea plus, il amena le tout devant la tente du guerrier contestataire de sa chefferie. Il le réveilla et lui dit : «c’est pour toi». Aucun mot de plus.
Le lendemain, notre homme porta les boubous offerts, enfourcha la jument et prit le fusil sur l’épaule. La Jemaa se retrouva pour discuter de la problématique de la chefferie : à qui devait-elle revenir ? Comme d’habitude, c’est le même qui prit la parole le premier : «Qui peut prétendre à nous guider en ces moments difficiles ? C’est seulement celui qui se trouve être le plus courageux d’entre nous, le plus téméraire, le plus juste, le plus noble, le plus digne, le plus prodigue, le plus craint… il n’y en n’a pas deux. Seul (untel) peut nous guider en ces temps incertains où l’on a besoin de vrais hommes…»
Quelqu’un parmi les présents réfléchissant sans doute en haut : «mais ce ne sont pas tes paroles d’hier !». et notre guerrier de répliquer : «ce ne sont pas non plus mes boubous d’hier, ni ma jument d’hier, ni mon fusil…»

Morale : le tlah-liih n’est pas d’aujourd’hui…

samedi 14 septembre 2013

Nous émanciper et nous unir

Nous avons tous tendance à magnifier le passé pour en faire l’objet de nos lamentations, de nos regrets. Les Hassanes de chez nous disent que ce qui empêchent les Marabouts de dominer le Monde, «c’est le fait de ressasser continuellement le passé». En fait, à force de ruminer le passé, il finit par perdre toute valeur «nutritive». Il devient juste un morceau de tissu qui a perdu toutes ses couleurs et sa consistance à force d’être mâché et remâché.
Dans l’une de ses célèbres correspondances aux illustres personnages du passé, Habib Ould Mahfoud disait que «le seul mérite du passé est qu’il est passé». Soit.
Le passé sert à éclairer le présent, à mieux l’asseoir en l’expliquant. Encore faut-il assumer son passé. Ce qui n’est pas le cas des Mauritaniens qui refusent de regarder en face ce passé fait AUSSI de razzias, de justifications de l’arbitraire, d’inégalités, d’injustices perpétrées par les uns et les autres, d’indignités…, et pas seulement de grandeurs édulcorées, de courage, d’abnégation, de piété, de ferveur religieuse… Le passé appartient aux classes dominantes qui ont souvent exercé leurs pouvoirs sans se soucier des conditions des plus faibles, sans même respecter les règles édictées par l’Islam, religion au nom de laquelle s’exerçait une part de cette domination : pour beaucoup, l’état de subordination allait de soi parce qu’il s’agissait d’un ordre céleste qu’il ne fallait pas déranger.
Les valeurs nées de cet ordre-là ne sont pas forcément les meilleures. Les plus nobles d’entre elles n’ont jamais été respectées par la société. D’où notre tendance à toujours enfreindre les lois et règlements. Dans notre entendement, les lois, qu’elles découlent du Livre Saint, de l’exercice des hommes et de leur Morale, ces lois ne sont pas faites pour être respectées. Maximes et sagesses restent de l’ordre de la légende.
Quand survient l’Etat moderne, ce fut une chance pour repartir sur de nouvelles bases. Celles qui consacrent la citoyenneté et l’Etat de droit. Qui dit «citoyenneté» dit égalité entre tous les habitants du pays. Qui dit «Etat de droit» dit justice dans l’exercice quotidien du pouvoir, sécurité du citoyen, préservation de sa liberté, régulation des rapports entre ses citoyens, égalité de traitement devant les Institutions, élimination de tous les privilèges liés à la naissance et/ou ceux indus, égalité devant la redistribution des ressources communes…
Nous n’avons peut-être pas voulu de cet Etat qui a fait partie du legs colonial. Mais avons-nous jamais voulu de la colonisation ? des migrations de pays en pays ? de tribalisation ? avons-nous jamais voulu être ce que nous avons fini par être ?

En fait, nous ne sommes que le produit d’une conjugaison se faisant dans tous les temps et à tous les modes. Celle qui a fait de nous un mélange d’africanité (noire et berbère), d’arabité et probablement d’européanité. Que l’on soit Arabe (Bidhâne), Peuls, Soninké ou Wolof, on est ce produit-là. Et rien d’autre que l’Etat de droit moderne ne peut nous unir. Un Etat qui a pour ambition de nous réunir en une somme d’individus égaux et respectueux les uns des autres. Un Etat capable – et voulant – nous émanciper de l’ordre inique qui a régi notre vie et nos rapports jusqu’à présent. Le Pacte fondamental est celui-là. Rien d’autre.

vendredi 13 septembre 2013

Dans la ligne de mire

La nouvelle directrice de TVM n’aura pas eu droit à la période de grâce habituelle. A peine quelques semaines après sa nomination, voilà qu’elle fait l’objet d’une cabbale violente. D’une part ceux de TVM qui se sentent lésés depuis que la nouvelle directrice a essayé d’épurer le personnel en remettant les «détachés» à leurs administrations d’origine et/ou en mettant fin aux traitements accordés sans raison à des individus qui ne rendent aucun service à la boîte.
D’autre part, ceux qui sont de toutes les façons contre tout ce qui peut améliorer une situation donnée. Ceux-là ne sont pas forcément «intéressés» directement pour les prébendes distribuées jusque-là par TVM. Ils sont parfois de bonne foi et croient à tout ce qu’on leur dit. Parfois, ce sont des opposants au régime qui, à leur yeux, ne fait jamais que les mauvais choix.
Depuis qu’elle est là, Khira Mint Cheykhani – c’est son nom -, a essayé d’innover. Créant de nouveaux programmes comme ce «messaa al khayr» qui fait couler tant de salive et d’encre et qui n’est en fait que le produit de la rencontre d’un talent et d’une administration qui est désormais à la recherche des talents. L’idée, la conception de l’émission qui vise à «détendre» l’atmosphère trop officielle de la télévision nationale, relèvent du génie d’un jeune touche-à-tout du nom de Ahmed Ould Bah. Quand je dis «touche-à-tout», c’est bien pour pallier à mon incapacité à trouver le qualificatif nécessaire pour dire ce que Ould Bah sait faire. En fait, il sait faire – et très bien faire – tout ce qui relève du métier de l’information : de la rédaction de la dépêche, à la mise en place de l’appareillage permettant l’émission en direct, en passant par la présentation, la réalisation, le dépannage, l’enregistrement… tout, absolument tout est du ressort de ce jeune qui a dirigé la radio privée Saharamédia.fm qui est aujourd’hui l’un des leaders dans le domaine de la radiophonie.
Quand la nouvelle directrice le sollicite, Ahmed Ould Bah n’hésite pas et lui offre ses services sans demander de contrepartie. D’ailleurs il refusera d’être rémunéré. Comme quoi, il existe dans ce pays des jeunes (et des moins jeunes) qui sont prêts à tout donner dès l’instant où ils savent que cela peut contribuer à améliorer une situation donnée. Comme il en existe qui refusent de comprendre que la demande de changement passe nécessairement par un assainissement qui a un prix. Un prix qu’il faut se résigner à payer un jour.
J’ai entendu de grands intellectuels, des journalistes sérieux soutenir qu’il s’agit d’une émission, fruit d’un contrat portant sur des millions, contrat octroyé à l’oncle de la nouvelle directrice. Faux ! mais qu’est-ce qu’on peut contre la mauvaise foi ?  

Dans notre pays, la demande de bonne gouvernance n’est pas réelle. Il suffit de voir les réactions chaque que quelque chose de «bon» et de nouveau est réussi.

jeudi 12 septembre 2013

Ramtane Lamamra, la diplomatie à visage humain

Je l’ai connu, comme nombre de Mauritaniens, à l’occasion de la crise politique qui a secoué le pays en 2008, prenant une dimension internationale au lendemain du coup d’Etat du 6 août qui a mis fin au régime de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Comme envoyé spécial de l’Union africaine à titre de président du CPS (Conseil de paix et de sécurité), il venait fréquemment essayer de rapprocher les points de vue des différents pôles politiques mauritaniens. Dans un premier temps, il fut boudé par les autorités qui l’accusaient d’épouser la position officielle algérienne au début «peu compréhensive».
Au bout de quelques voyages, il gagna la confiance de tous. Diplomate aguerri, Ramtane Lamamra a cette faculté de vous mettre à l’aise tout restant intraitable sur les principes. Il savait convaincre et pouvait rester le temps nécessaire pour écouter son interlocuteur. Le genre de responsable que les journalistes apprécient pour sa disponibilité et son ouverture sur eux. Des nuits durant, nous avons discuté dans le hall de l’hôtel Méridien où se déroulaient les négociations entre les trois pôles mauritaniens (Pôle du pouvoir, celui du Front national de défense de la démocratie et celui du Rassemblement des forces démocratiques). On avait l’impression qu’il nous donnait la primeur des informations liées à l’évolution des pourparlers. Il comprenait parfaitement – il nous l’a dit – que le plus dur des négociateurs était Mohamed Ould Maouloud. Mais l’habitude des longues discussions des gauchistes lui permettaient de comprendre qu’il fallait l’user par le temps et la pression extérieure. Le reste viendra quand le négociateur sentira que les autres ont le temps de l’écouter et qu’ils ne se lasseront pas de lui objecter tel ou tel argument.
Je l’ai rencontré plusieurs fois – je l’ai même interviewé pour La Tribune – après la normalisation de la situation en Mauritanie. Toujours la même courtoisie, la même convivialité, la même prestance… Ramtane Lamamra incarne parfaitement cette image que nous avons de la redoutable diplomatie algérienne toute en lui donnant un visage humain.
Sa nomination, à ce moment précis, à la tête du département des affaires étrangères du pays le plus dynamique en matière de diplomatie dans notre aire, cette nomination n’est pas le fruit du hasard. Il marque certainement un tournant dans un monde où les turbulences créent un chao indescriptible dans le Monde Arabe et Musulman, où l’Algérie a intérêt à ancrer son versant Sud dans les profondeurs africaines et où les enjeux mondiaux demandent un savoir-faire «diplomatique» performant.
Ceci est un clin d’œil destiné à saluer la nomination d’un ami de la Mauritanie, un ami qui connait désormais la classe politique et qui a une affection certaine et un respect profond pour notre pays.

L’ancien secrétaire général du ministère des affaires étrangères, ancien Ambassadeur et surtout ancien président du CPS, trouvera certainement les moyens de recadrer la diplomatie algérienne, de la recentrer sur le Maghreb et l’espace sahélo-saharien. Avec humilité et sans condescendance. 

mercredi 11 septembre 2013

L’autre 11 septembre

Avant d’être le «11 septembre 2001», le jour où l’Amérique a tremblé, il était le «11 septembre 1973», le jour où le Chili s’est effondré et avec lui l’espoir de milliers, de millions, de centaines de millions d’individus croyant à l’égalité dans les rapports citoyens, à la justice dans l’exercice de la vie de tous les jours, à l’équité dans la redistribution des biens communs…
Dans le film «Il pleut sur Santiago» (Costa Gavras), on ne peut oublier ses appels venant de Valparaiso où une manœuvre navale américano-chilienne se déroulait depuis la veille. Plus tard on saura que l’appui logistique – peut-être en hommes et en renseignements – de la flotte américaine a été nécessaire aux unités rebelles qui ont pris d’assaut le palais de la Moneda, le palais présidentiel où Salvador Allende avait trouvé refuge et où il est mort les armes à la main.
On peut affirmer aujourd’hui que l’opération a été suivie en directe depuis le bureau de Henry Kissinger, le secrétaire d’Etat de l’époque du Président Richard Nixon.
Devant la déferlante des unités armées insoumises, ce sont d’abord le Président Allende et ses compagnons qui tiennent tête avant d’être rejoint par des milliers de jeunes volontaires. Il refuse l’offre d’exil ou d’être pris par ses ennemis. On a longtemps soutenu qu’il se serait suicidé après avoir compris qu’il n’y avait rien à tenter. Peut-être. Mais des témoignages de survivants confirment son assassinat par les agresseurs du Palais présidentiel. Son dernier message à la Nation est transmis par Radio Magallanes qui est la dernière à émettre.
«Ils vont sûrement faire taire Radio Magallanes et vous ne pourrez plus entendre le son de ma voix. Peu importe, vous continuerez à m’écouter, je serai toujours près de vous, vous aurez au moins le souvenir d’un homme digne qui fut loyal avec la patrie. Le peuple doit se défendre et non pas se sacrifier, il ne doit pas se laisser exterminer et humilier. Allez de l’avant, sachant que bientôt s’ouvriront de grandes avenues où passera l’homme libre pour construire une société meilleure. Vive le Chili ! Vive le peuple ! Vive les travailleurs ! Ce sont mes dernières paroles, j’ai la certitude que le sacrifice ne sera pas vain et qu’au moins ce sera une punition morale pour la lâcheté et la trahison.»
Des milliers de Chiliens meurent ce jour-là dans le stade de Santiago sous les balles d’une armada qui avait pour mission de faire taire à jamais les voix des révolutionnaires. Son épouse qui assista à son enterrement expéditif le lendemain de son assassinat, dira, en jetant des fleurs sur son cercueil : «Que l’on sache qu’ici repose le président constitutionnel du Chili.» La voix était assez forte, le geste assez courageux pour être à jamais retenus.
On saura plus tard que le renversement puis l’assassinat de Salvador Allende était le début d’un plan «Condor» (du nom de ce rapace des Andes) et dont le but était de renverser toutes les démocraties d’Amérique Latine. La CIA qui avait initié le plan mettait en œuvre la plus grande opération d’extermination des gauchistes de tous temps. La nuit s’installa pour longtemps. Guérillas, guerres civiles, assassinats politiques, génocides… Aujourd’hui encore, le Chili, l’Argentine, le Brésil, le Nicaragua, le Mexique, le Guatemala, le Pérou, le Venezuela… tous ces pays, tous ces peuples pansent encore les plaies béantes de l’époque. 

mardi 10 septembre 2013

Dialogue, vous avez dit «dialogue» ?

Il ne se passe pas un jour sans que nos médias nous donnent de fausses informations sur les attitudes politiques des uns et des autres. On nous dit ici que les Ambassadeurs européens et américain s’en mêlent. Alors que c’est faux. Et là que le Président de la République serait sur le point de rencontrer le Chef de file de l’Opposition. Alors que c’est faux. Là encore que la Coordination a mis sur pied une Commission chargée de dialoguer avec le pouvoir. Alors qu’il n’est pas encore question de dialoguer.
On nous dit encore que le Premier ministre Dr Moulaye Ould Mohamed Laghdaf a rencontré d’autres figures autres que Jemil Mansour de Tawaçoul et qu’il aurait été disposé à entrer en discussion avec la COD. Tout ça est faux.
En réalité, chaque camp a exprimé ses prédispositions à dialoguer avec l’autre camp, sans toutefois définir les modalités de ce dialogue, encore sa forme et son objet. Aucun des camps ne sachant précisément ce qu’il veut, ni ce que veut son vis-à-vis, on ne peut rien faire de concret. On sent chez chacun une sorte d’hésitation à aller de l’avant pour dépasser les attitudes de rejet qui ont caractérisé les relations politiques. Ce qui oblige à un sur-place que rompent des déclarations tantôt «participationnistes» tantôt «boycottistes» de quelques figures plus ou moins emblématiques de la COD. Ici on n’accepte pas de faire le mea culpa – «l’autocritique» comme diraient nos amis de gauche – qui permet de rompre avec le refus d’agir et de prendre l’initiative. Du coup, on continue à subir et à courir derrière les évènements. Plus grave, on répète les erreurs du passé et on évite de faire l’analyse froide de la situation.
Comme en juin 2009, quand les Accords de Dakar ont été paraphés en attendant leur signature à Nouakchott puis leur mise en œuvre, on espère «gagner du temps» en tergiversant, en hésitant à y aller, en discutant indéfiniment de l’attitude à avoir… Au même moment, comme en 2009, le jeu continue de l’autre côté par la préparation des élections dont l’échéance a été fixée et définitivement fixée. Comme en 2009, la COD perd le temps au lieu d’en gagner. On se rappelle quand ses leaders avaient cru à un possible report s’ils continuaient à «manœuvrer» et à ruser, alors que la date du 18 juillet se rapprochait inexorablement et que le principal challenger pour eux continuait lui à sillonner le pays, de village en campement. C’est ici qu’il faut chercher l’explication de la large avance prise par le candidat Mohamed Ould Abdel Aziz et qaui s’est traduite par un passage au premier tour avec près de 53%.
Aujourd’hui encore, les mêmes leaders s’obligent à rester sur Nouakchott – à Tevraq Zeina précisément – pour discuter d’un sujet consommé à l’avance : des élections dont la date a été fixée une première fois pour le 12 octobre avant d’être reportée au 24 novembre pour permettre qu’un maximum de partis soit embarqué.
Il est certain qu’au sein de la COD, il n’y aura pas d’accord sur le boycott ou sur la participation. Certains partis ne peuvent se permettre de boycotter parce que cet acte est synonyme pour eux de suicide politique. C’est le cas de Tawaçoul qui a toutes les chances de bien s’en sortir pour une première bataille au nom du parti. C’est en fait le seul parti de l’Opposition qui semble avoir bien préparé ces élections à travers campagnes, prêches, actions sociales… Les moyens de mener campagne ne lui manquant pas, Tawaçoul est le premier parti lésé par l’indécision de ses partenaires.
L’Union des forces du progrès (UFP) fait partie de ceux qui sont «idéologiquement» opposé à tout boycott. Le «compromis historique» de l’ère Moawiya avait pour justification principale la nécessité d’exploiter toute brèche et toute ouverture pour «cultiver son jardin». Ce parti élitiste a une base rurale qu’il ne peut abandonner et qu’il ne peut convaincre du boycott. Même son aile «tagantoise» (de Tagant) ne peut se résoudre à s’exclure au moment où elle croit ouvertes devant elle toutes les chances de conquérir Tijikja, El Qidiya, Moudjéria…
Reste le Rassemblement des forces démocratiques (RFD) qui semble le plus lourd à entrainer sur la voie de la participation et même du dialogue avec le pouvoir. Le boycott est une vieille habitude chez les leaders de ce parti. Même s’ils doivent avoir tiré la conclusion quant à l’inefficacité d’une telle attitude (au contraire), rien n’indique qu’ils sauront tirer les conclusions nécessaires des expériences du passé. Personne ne reconnait parmi eux que le boycott de 1992 a pris la forme d’un «péché originel» pour ce qui est du ratage démocratique historique de l’époque. Sans remettre en cause le pouvoir en place, l’attitude boycott l’a plutôt servi.

Au sein de la COD, c’est le consensus qui prime : le RFD, l’UFP ou Tawaçoul ne peuvent décider sans l’accord de l’UNAD, du RDU ou du PLEJ. C’est ainsi que ce corps s’interdit le mouvement et s’empêche d’être dynamique. Autant dire que l’attente sera longue. La décision de participer ou non ne sera prise qu’à la dernière heure. Comme toujours…