lundi 4 mars 2024

BCM : De nouvelles mesures pour assainir le système des transactions

Le Gouverneur de la Banque Centrale de Mauritanie vient de lancer deux nouveaux actes sur la voie des réformes entreprises depuis quelques temps en vue d’organiser, de réguler voire de surveiller en temps réel les transactions financières via les nouveaux moyens de paiement électronique dans notre pays.






Sujet à de nombreuses critiques pour l’absence supposée d’outils efficaces de contrôle de ces transactions, parfois pour la nouveauté que constitue ces nouveaux moyens de paiement au sein de l’écosystème financier, notre pays met les bouchées doubles pour renforcer le dispositif réglementaire et technique et rassurer ainsi nos partenaires. Qui plus est, l’un des premiers soucis des autorités a été – est encore – d’améliorer la gestion des flux financiers et de développer les outils aidant à leur traçabilité. Dans un contexte mondial marqué par l’explosion des chiffres concernant le blanchiment d’argent sale provenant d’activités illicites voire criminelles, le contrôle et la transparence sont une exigence pour tous les pays particulièrement les plus faiblement outillés pour faire face aux flots incessants d’activités dangereuses et transnationales. 

Deux instructions viennent d’être signées par le Gouverneur Mohamed Lemine Ould Dhehbi dans le but de réorganiser le système de transactions financières. Ces instructions (10/GR/2024 et 11/GR/2024) révisent et améliorent la réglementation relative aux transactions mobiles à travers les comptes de paiement appelés Wallet ou des comptes bancaires traditionnels.

Notre pays a connu une explosion d’acteurs financiers dédiés à l’offre de services rapides de paiements et de transferts de fonds. Comme souvent, ces acteurs ont rapidement dépassé les planchers fixés par la réglementation pour hisser le niveau de leurs transactions au niveau de celles des organismes financiers à part entière.

Si au début les limites étaient fixées à 6000 MRU pour les paiements et à 30000 MRU pour les retraits, ces comptes ont fini par faire faire transiter les centaines de millions dans des transactions dont l’objet n’est pas toujours suffisamment identifié et par des personnes dont le KYC (connaître son client) l’est parfois moins. C’est ainsi que les limites fixées par instruction 02/GR/2022 ont vite été désuètes. Ce dépassement des seuils  ouvre la voie à toutes les anomalies y compris la confusion entre les activités sur un compte conçu pour faciliter les paiements de factures et ne nécessitant aucune mesure particulière parce que ne présentant pas de risque sécuritaire, et un compte bancaire traditionnel qui exige une grande rigueur dans l’identification du propriétaire et le suivi de ses transactions.

Dans la perspective de l’adoption de ces comptes par de nouveaux opérateurs notamment dans les télécommunications, les paiements innovants ou les Fintechs nouvellement agréés, la nouvelle instruction 11/GR/2024 vient renforcer ce dispositif en élevant les limites transactionnelles et en simplifiant les procédures de vérification de l'identité du client (KYC), dans le but d'élargir l'accès aux services de paiement tout en assurant un niveau élevé de sécurité et de conformité réglementaire.

Contrairement aux comptes bancaires classiques, qui offrent une gamme complète de services incluant l'épargne et le crédit, les comptes de paiement se spécialisent dans l'orchestration des transactions de la vie quotidienne, offrant ainsi une solution souple et facilement accessible pour répondre aux besoins financiers immédiats des utilisateurs.

La gestion électronique des comptes bancaires traditionnels introduit le concept d’«opération bancaire digitale» qui désigne la transaction opérée à travers toute plateforme numérique ou le mobile et qui se base sur un compte bancaire ouvert exclusivement auprès d’une banque.

L’instruction 10/GR/2024 adapte la réglementation aux nouvelles donnes des transformations exponentielles de l’outil technique tout en préservant la mission qui est celle d’encadrer les opérateurs pour se conformer aux normes de sécurités, de conformité et d’efficacité requises pour protéger les intérêts des utilisateurs et raffermir la confiance dans le système financier national.

Ces deux instructions répondent à un double objectif. D'une part, elles renforcent les mesures de sécurité et de conformité réglementaire, en exigeant des informations détaillées sur les revenus des clients et en optimisant les applications bancaires mobiles pour prévenir les abus et garantir la sécurité des transactions. D’autre part elles visent à simplifier l'accès aux services financiers, en établissant des règles claires et des limites transactionnelles adaptées aux besoins des utilisateurs, tout en ouvrant la voie à l'intégration de nouveaux acteurs dans l'écosystème financier, tels que les sociétés de télécommunications, les fintechs et les établissements de paiement nouvellement agréés. Du reste, les limites ne sont en aucun cas en porte à faux avec l’objectif d’inclusion financière car les revenus modestes s’y prêtent naturellement à merveille. Ces limites n’encourageraient pas non plus l’utilisation du cash car cette dernière est réglementée et fait l’objet de restrictions rigoureuses.

D'autre part, ces réformes s'inscrivent dans un contexte plus large d'assainissement du secteur financier, reflétant la détermination des autorités à accompagner l'innovation tout en préservant la stabilité et l'intégrité du système financier mauritanien. En somme, ces textes réglementaires marquent une étape cruciale vers un système financier plus inclusif, transparent et sécurisé, capable de répondre aux attentes des utilisateurs modernes et de soutenir le développement économique du pays.

 

Ould Oumeir

 

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