jeudi 3 janvier 2013

Le Monde change…


Sur son site www.ichidou.net, Me Mohameden Ould Ichidou, avocat, opérateur politique et (grand) homme de culture, raconte, pêle-mêle, quelques souvenirs qu’il essaye merveilleusement bien de lier entre eux pour en faire une fresque où se superposent des tableaux de plusieurs Mauritanie-s.
Celle qui a fait son enfance et qui baignait dans l’insouciance et le bonheur d’être. Cette Mauritanie-là se distinguait par la facilité de l’accomplissement de soi. Puis la Mauritanie dite «moderne» qui demande une préparation, des efforts pour réussir l’accompagnement d’un Monde qui s’impose à soi. Cette Mauritanie-là est celle d’une transition inaccomplie… Enfin, la Mauritanie des accidents, celle qui a souffert de la crise écologique née de différentes sécheresses qui ont détruit le cheptel et limité l’activité agricole. Une Mauritanie qui a subi la destruction de son tissu économique traditionnel autour duquel se maintenait un système social cultivant des valeurs que l’on croyait immortelles… C’est cette Mauritanie-là dont nous vivons encore l’agonie… Les évolutions y sont rapides et brusques. Les processus inexistants parce que tout peut arriver n’importe quand et avoir n’importe quelle conséquence, parce que tout est fruit de l’accident. Et pour traduire cet état de fait, je m’en vais reprendre cette histoire qu’il raconte dans un style qu’il est le seul à pouvoir produire.
On est en 1987, l’avocat qu’il est défend son ami et compagnon Baypekha, armateur propriétaire d’un bateau qui avait été heurté par un chalutier espagnol que l’avocat essayait de faire payer les dommages. Une semaine que les négociations duraient. La partie espagnole annonce l’arrivée, dans la soirée, d’un avion spécial transportant le directeur général de la société à laquelle le chalutier appartient et les pièces endommagées par le chalutier.
Les négociations reprennent, cette fois-ci en présence du premier décideur de la société espagnole. Elles durent toute la nuit. L’avocat de Baypekha ne veut aps entendre parler d’une simple réparation de pièces, mais de dommages. La partie espagnole veut s’en tenir au remplacement des parties endommagées.
A un certains moment de la nuit, on s’arrête pour un café. Un moment de détente. Les deux négociateurs en chef, le directeur général de la société espagnole et l’avocat Me Ichidou, se retrouvent face-à-face. L’avocat se surprend en train de fixer le visage de son vis-à-vis, de plonger dans son regard comme lire en lui. «Tu n’es pas Akhyarhoum Ould Ahmed Ould Brahim dit Kaw ?» «Açlaana huwa yakhuya…(c’est bien moi, frère)». Les mots viennent d’eux-mêmes… Les deux hommes s’étreignent longuement. Ils ne sont pas vus depuis la fin des années 50, quand, jeunes, ils passaient de campement en campement, de tente en tente, dans cette Mauritanie de l’insouciance et de la plénitude.
37 ans après, ils se retrouvent, chacun emporté par une vague qui l’a mené là où il est. Les négociations sont clôturées le soir même par la satisfaction des deux parties. Les deux hommes se quittent pour ne jamais se revoir que peu de temps avant la mort de «Kaw» qui préfèrera rentrer ici pour terminer sa vie parmi les siens.

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