mardi 11 septembre 2012

Et les victimes maliennes ?


Ils sont finalement douze Mauritaniens dont trois ont traversé la frontière avec une carte d’identité malienne et ont les corps ne seront donc pas remis aux autorités mauritaniennes, sous prétexte de ces pièces. Neuf Mauritaniens sur les 16 tués par l’unité de Djabali, restent 7 qui sont maliens.
Les autorités mauritaniennes, même si elles évitent d’exercer trop de pression sur le gouvernement malien déjà en proie à des difficultés énormes, la réaction a plutôt été ferme. Dénonciation de l’acte qualifié d’assassinat barbare, demande d’une enquête indépendante à laquelle la partie mauritanienne devrait être associée, rapatriement des corps… et naturellement excuses officielles.
Le ministre malien des affaires étrangères a été dépêché à Nouakchott pour marquer la compassion officielle et présenter les condoléances aux familles et au peuple mauritanien en général. Le ministre de la défense serait prêt à impliquer la partie mauritanienne dans une enquête sérieuse et transparente. Les corps sont rapatriés et une grande cérémonie organisée pour leur inhumation. Moment de ferveur et d’union.
Mais personne ne fait état des 7 maliens assassinés dans les mêmes circonstances. Aucune ONG malienne n’a élevé la voix pour condamner ou demander justice. On a juste entendu Ançar Eddine et le MUJAO dire qu’ils considéraient cela comme un acte de guerre et qu’ils vont y répondre. La société civile malienne qui s’émouvait il y a peu pour une main coupée – ce qui est grave, il est vrai – à Gao, n’a pas émis la moindre protestation devant l’exécution de sang-froid de 7 maliens et du sort encore inconnu réservé à deux autres (le chauffeur de la voiture et son apprenti). Pas un mot, pourquoi ? Parce que tous sont du Nord ? Parce que les déboires de l’Armée malienne doivent systématiquement être passés sous silence ?
Ce que l’opinion publique doit savoir, c’est que ces prédicateurs – dou’aat, comme ils s’appellent eux-mêmes – ne constituent aucune menace et ne l’ont jamais constitué, ni au Mali où ils ont leur plus grand bureau en Afrique de l’Ouest (Bamako), ni en Mauritanie où ils sont présents depuis le début des années 90, ni au Sénégal où une chasse a été engagée contre eux récemment.
On peut les assimiler aux groupes islamistes militants, surtout quand on ne peut rien contre ces groupes militants. Ils sont effectivement pacifiques, sans velléité de violence aucune, prêchant la bonne conduite, refusant de répondre à la provocation, désarmés…
L’Armée malienne qui a tourné le dos aux combattants jihadistes et aux rebelles du Nord, peut se permettre la méprise et tirer sur ces preux moines. La réalité est têtue : le défi pour cette armée est d’aller déloger les indépendantistes et les terroristes qui ont occupé une partie de son territoire, pas de créer des problèmes de plus à un gouvernement qui tente de recoller les morceaux.
En fait, l’incident peut être compris comme une vaine tentative du groupe de Kati – l’ex-junte qui a tout perdu et qui sera obligé un jour ou l’autre à revenir au front – de déstabiliser le nouveau gouvernement qui a pour mission de rétablir la légitimité constitutionnelle et l’unité politique pour envisager la reconquête du Nord. La sortie du capitaine mutin puis putschiste Sanogo à l’ORTM au lendemain de la bavure s’explique par sa volonté de disculper sa troupe (ou ce qui en tient lieu).C’est une anticipation sur les accusations et une façon de couvrir les éventuelles lectures «complotistes». C’est l’aveu et l’expression du sentiment de culpabilité profond de la junte qui tire toujours les ficelles.
Mais où est la classe politique malienne ? où est la société civile malienne qui a su peser par le passé dans le déroulement des faits et dans l’exercice du pouvoir, en devenant un réel contrepouvoir ?  où est l’intelligentsia malienne ?
P.S : la liste des neuf preux dou’aat mauritaniens : Nana Ahmed, Sid’Ahmed Cheikh Yahya, Mohamd Essaghir Mohamed Val Cheikh, Maouloud Sid’Ahmed, Ahmed Baba Eli, Iatwal Eyamou zeidane Bati, Ivikou Abdallahi Mohamed Val, Mohamed Ahmed M’haymid, Ntalla Djibril.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire