mardi 31 juillet 2012

D’où venaient les faux chiffres ?


Il est utile de revenir, de temps en temps, sur le passé récent du pays pour comprendre d’où nous sont venues certaines dérives en matière de gouvernance. C’est une discussion autour d’un ftour qui m’a rappelé qu’il serait intéressant de parler de la «naissance» des faux chiffres. C’était à l’occasion de la première grande arnaque de l’Histoire du pays, arnaque qui a combiné «intelligence» des responsables financiers et «doigté» des hommes d’affaires.
Nous sommes en 1992, les élections présidentielles ont été organisées en janvier et le président sortant a été élu à 67% (environ) des voix. Les législatives de mars, boycottée par une opposition encore sous le choc de ses résultats à la présidentielle, profitent largement au PRDS (parti au pouvoir) et à ses alliés. Mais malgré le monolithisme évident, on s’attend à de grands changements, notamment sur le plan de la gestion économique du pays.
Au cours des derniers mois, la Mauritanie avait entamé des discussions avec le FMI en vue de l’élaboration d’un plan d’ajustement structurel (PAS) capable de relancer l’économie du pays en lançant la privatisation de tous les secteurs.
Le Gouverneur de la BCM de l’époque, feu Ahmed Ould Zeine connu pour sa rigueur et sa compétence, avait réussi à éviter au pays de passer sous les fourches caudines des institutions internationales. Notamment sur la question de la dévaluation de la monnaie. Il avait réussi, après des semaines de dures négociations, à faire accepter au FMI que la dévaluation ne pouvait se faire au-delà de 15% qu’il fallait rééchelonner sur les trois ans du programme. Le point d’achoppement était d’ailleurs à ce niveau : le FMI voulait cette dévaluation immédiatement alors que la partie mauritanienne la voulait sur les trois ans.
En juin 1992 Ould Zeine est démis. Son remplaçant ne reprend pas les négociations là où elles se sont arrêtées, mais préfère les entamer de nouveau. Nous arrivons à l’acceptation par la Mauritanie d’une dévaluation de 47%. Elle est décidée pour octobre de la même année.
Les hommes d’affaires ne sont pas contents parce qu’ils ont des échéances qu’ils doivent désormais payer plus chères en ouguiyas. De réunion en réunion, la BCM propose finalement aux opérateurs de leur ouvrir un compte où ils verseront durant un mois toutes leurs liquidités (ouguiyas). A la fin de la collecte, la BCM s’engage à transférer ces fonds à l’ancien taux. Ce qui fut fait. Deux effets vont suivre :
-          La BCM sera obligé de présenter un état des comptes non conforme à la réalité pour être dans les normes du FMI. Commence alors la mécanique des faux chiffres qui va mener très loin l’Etat mauritanien en le décrédibilisant devant les institutions internationales.
-          Les hommes d’affaires avaient bien sûr profité pour faire le plein de transfert, ce qui leur permettait de faire des gains énormes et sans contrepartie (en efforts). Ils «goûtent» aux facilités et aux passe-droits et se rendent compte que l’Etat est une vache à lait qu’il va falloir apprendre à traire inconsidérablement…
Commence pour la Mauritanie la descente aux enfers qui va voir les biens publics rétrocédés aux particuliers, l’activité économique baisser considérablement… et qui va permettre de faire passer le pays de la catégorie de «Pays en voie de développement» à «Pays le moins avancé» à «Pays pauvre» à «Pays pauvre très endetté»… à chaque stade ses peines et ses exigences en matière de restrictions et de reculs.

lundi 30 juillet 2012

La CENI, une opportunité


La nouvelle Commission électorale indépendante a été reçue par le Président de la République qui lui a assuré tout l’engagement du gouvernement à l’accompagner et à rester à sa disponibilité pour garantir l’organisation d’élections libres et transparentes. Cette CENI dont la composition n’a jamais été contestée publiquement par les partis d’opposition dite «radicale», possède toute la latitude pour réaliser un consensus politique avant d’aller vers les élections.
Ses premières décisions, notamment le choix de ses principaux collaborateurs. On sait par exemple que la CENI avait fermement rejeté la proposition de nommer Sidi Ould Bennahi au poste de secrétaire général. Pour lequel elle avait choisi Ahmed Ould Lefqih, SG de la première CENI, qui a refusé l’offre. La CENI a finalement choisi la personne de Abderrahmane Ould Hamza. C’est toujours elle-même qui a recruté une partie de son personnel sans aucune intervention des autorités.
Sur le plan politique, la CENI ne doit pas attendre sa mise en place définitive pour engager un processus de convergence. Elle doit, dès à présent, convoquer les partis pour voir avec eux comment peut s’organiser le processus électoral de manière convergente.
Ouvrir le dialogue avec les partis, d’abord ceux qui sont représentés au Parlement, ensuite les autres, ne laisser aucune formation sous quelque prétexte que ce soit en marge de cela. Voir en quoi les conditions d’organisation de ces élections peuvent être améliorées pour donner un mieux du point de vue de la régularité, de la transparence et de la participation. Comme ça, la CENI jouera la carte du large consensus.
Les partis qui auront accepté de répondre à son invitation, donneront leur avis, élaboreront probablement des documents pour consigner les améliorations attendues. Ceux qui déclineront seront responsables de leur mise à l’écart et de leur refus de jouer le jeu démocratique.
Le jeu démocratique, c’est certainement la liberté d’expression, de manifestation, d’association… Mais c’est aussi et surtout les élections. La possibilité ouverte aux choix pluriels. La possibilité pour le citoyen de voter dans les meilleures conditions. Pour lui de choisir librement.
Affiner les listes électorales, s’assurer de la neutralité des présidents et membres des bureaux, de celle de l’administration, avoir des représentants pour chaque parti, des copies de P-V pour chaque représentant dans les bureaux… Accompagner la préparation et surveiller le déroulement. Tels doivent être les préoccupations des partis. C’est dès à présent qu’il faut l’exprimer devant la CENI.

dimanche 29 juillet 2012

L’avion et les otages


Se souvient-on encore d’un avion de surveillance offert par l’Espagne à la Mauritanie en contrepartie de la modique somme de 100 euros ? Qui a encore en tête les déclarations des diplomates espagnols qui disaient que ce don «traduit la solidité des liens et des relations de coopération entre l’Espagne et la Mauritanie» ? Et les prétentions de la presse algérienne qui accusait les Mauritaniens de prendre ainsi «le bonus» dans la conclusion des négociations autour de la libération des otages en 2010, notamment la libération de Omar Essahraoui ? Et des dénégations de notre ministre de la défense de l’époque ?
Tout ça c’est du passé. Un passé qui refait surface avec la libération de Memine Ould Oufkir, membre du groupe qui aurait participé à l’enlèvement des otages à Rabouny en Algérie et jusque-là détenu par les Mauritaniens. En effet, cette libération a fait l’objet d’un marchandage très insolite.
Si ailleurs, des pays et des apparatchiks profitent de leurs rôles dans les négociations pour ponctionner des commissions, ce ne semble pas le cas en Mauritanie. Quand, au terme des négociations, les autorités espagnoles ont demandé aux Mauritaniens de les «aider» à récupérer les otages en acceptant de libérer Ould Oufkir, les nôtres n’ont rien trouvé de mieux que de poser une condition : que l’Espagne reprenne l’avion qui avait été offert en 2011.
C’est que l’avion s’est avéré être une vieille carcasse sans grand intérêt. Au lendemain d’ailleurs de sa livraison, un membre du gouvernement espagnol avait répondu à l’interpellation des Parlementaires en disant en substance : «il s’agit d’un vieil avion qui ne peut plus être utilisé en Espagne…» Comme pour s’excuser d’avoir fait le geste.
Une semaine après ces déclarations, l’avion tombait en panne sans avoir fait 30 heures de vol en Mauritanie. Il est depuis lors sur le tarmac de l’aéroport de Néma, dans l’est du pays.
A plusieurs reprises les Mauritaniens ont demandé aux Espagnols de venir le récupérer. Les Espagnols ont plusieurs fois promis de le reprendre pour le réparer, mais ont toujours fini par se dérober.
Cette fois-ci, plus de dérobade possible : reprendre l’avion et l’amener en Espagne, la Mauritanie procèdera alors à la libération du prisonnier. Condition sine qua non de la réussite de la transaction concernant les otages qui comprend aussi le versement de 15 millions d’euros.
Les dessous de telles transactions sont toujours plus «intéressantes» que ce que l’on voit au grand jour.
Pour la Mauritanie, l’affaire se conclut plutôt bien. L'avion est repris par ses vrais propriétaires. Elle rend à l’Espagne la monnaie d’une «fausse générosité» tout en lui rendant service. Elle libère un trafiquant notoire, intermédiaire pour AQMI, non Mauritanien et se refuse jusqu’à présent de libérer les vrais activistes de l’organisation. Elle confirme ainsi la justesse de sa démarche : dans ce cas comme dans celui de Omar Essahraoui qui avait servi dans la transaction autour des humanitaires espagnols, ce sont les Mauritaniens qui sont allés «pêcher» les gros poissons pour ensuite les utiliser comme moyens de pression sur les terroristes.

samedi 28 juillet 2012

Fabius ne viendra pas à Nouakchott


Contrairement à ce qui a été annoncé, le ministre français des affaires étrangères, Laurent Fabius ne fera pas l’étape de Nouakchott. Il se contentera de Niamey, Ouagadougou, Dakar et Ndjamena.
«Pour raison de calendrier», dit-on du côté français. Prévu initialement dimanche à Nouakchott, il aurait été «bousculé» par un timing dicté par la situation en Syrie. Il demande alors à venir à Nouakchott dans la nuit de samedi à dimanche : arriver en début de soirée, être reçu immédiatement par le Président de la République, accomplir quelques gestes protocolaires avant de s’envoler pour le Tchad.
La partie mauritanienne aurait poliment décliné la proposition qui fait fi des obligations du mois du Ramadan. Le ftour, les prières (l’obligatoire et Tarawih), les occupations religieuses… Et c’est ainsi que le ministre français n’est pas venu à Nouakchott.
Peut-on en déduire que la France accorde peu ou pas de place à la Mauritanie dans son plan pour le Mali ? Ou s’agit-il simplement d’une contrainte de temps qui oblige à repousser l’étape à plus tard ?
Dans un cas comme dans l’autre, la France se sera trompée. En effet, si l’on prend en considération les déclarations faites par Laurent Fabius au Sénégal où il est venu prêcher la participation à l’effort de guerre, celles des chefs d’Etats africains de la CEDEAO, on entrevoit les premiers actes d’hostilité dans les jours qui viennent. Cela se passera suivant deux étapes.
La première prétend stabiliser le Mali du sud. Notamment en réorganisant les forces à Bamako et en sécurisant les autorités de la transition. Pour ce faire quelques trois à quatre mille hommes de la force d’attente seraient déployés. Comment alors éviter de ne pas percevoir cette présence comme une force d’occupation ? comment éviter qu’elle ne soit le prétexte pour les milices du Nord d’étendre leur champ d’action vers le Sud jusque-là épargné par la terreur salafiste ? comment éviter aussi – et c’est le plus urgent – l’exacerbation des aspects ethniques du conflit ?
D’autant plus qu’une présence qui dure dans le Sud sans action vers le Nord, équivaudrait à une acceptation du fait accompli, c’est-à-dire de la partition.
La France continue de mettre en avant l’intervention d’une force africaine tout en s’engageant à offrir une aide logistique qui va des renseignements aux équipements, et probablement à des interventions aériennes fortement espérées par les Sénégalais. Mais toutes les parties – France et CEDEAO – exigent l’aval du Conseil de Sécurité des Nations-Unies. On a vu toutes les réticences manifestées par cette Institutions lors des discussions sur le cas malien il y a quelques semaines. Il a fallu que la France mette tout son poids pour que la démarche de la CEDEAO et de l’UA soit avalisée par le Conseil qui a mis des conditions à toute intervention. Notamment des précisions claires sur les objectifs et sur la mission, mais aussi la durée et les outils… assez pour compliquer l’entreprise.
Peut-on croire que la France croit désormais pouvoir régler militairement la question sans l’Algérie et la Mauritanie ? Oui, si la promptitude affichée est réelle, promptitude à faire la guerre, cela s’entend. Ignorer l’étape de Nouakchott, c’est un peu ouvrir la voie à toutes les conjectures. Dont celle-là. 

vendredi 27 juillet 2012

Accord historique, ou presque


Après quelques sept rounds de négociations officielles et quatre rounds plutôt «techniques», Mauritaniens et Européens sont arrivés à un accord fixant de nouvelles règles en matière de pêche. Le précédent accord arrivait à échéance le 31 juillet, c’est-à-dire dans quelques jours. Le nouvel accord couvre la période des deux années à venir à compter du 1er août prochain.
«Nous sommes parvenus à un accord pour deux ans après un marathon de 15 mois de négociations qui ont été par moment intenses», a déclaré Cheikh Ould Baya, conseiller du ministre des pêches et chef de la délégation mauritanienne. Selon lui, les négociations ont buté sur deux aspects de la problématique : le niveau de la redevance et le souci de préserver la ressource halieutique. L’accord est «historique» sur la forme et sur le fonds.
C’est la première fois que les négociateurs mauritaniens ont négocié d’égal à égal avec les Européens. Aucune pression politique n’a été ressentie. La présidence mauritanienne s’est abstenue d’interférer malgré quelques tentatives européennes de l’impliquer.
Les résultats sont aussi sans précédent.
La compensation qui s’élevait pour le précédent accord à 76,5 millions d’euros est de 113 millions euros aujourd’hui. Dont 67 millions sous forme de compensation financière, le reste étant constitué essentiellement de redevances de pêche. Dans le nouvel accord justement, ce ne sont plus les caractéristiques du bateau qui fixent le niveau de ces redevances, mais la quantité pêchée. On revient donc à une situation plus juste et plus équitable.
L’ancien accord taxait au même niveau des bateaux ayant différentes capacités de captures et faisait perdre à la Mauritanie l’occasion d’appliquer la réalité des redevances. C’est désormais à la tonne pêchée que la redevance sera prélevée. De 10 millions d’euros, les redevances vont passer à près de 40 millions. C’est pourquoi l’important, ce n’est pas le nombre de bateaux qui vont pêcher mais la quantité qui sera pêchée et qui se situe aux environs de 307.000 tonnes entre crevettes, merlus et pélagiques, en plus de la trentaine de thoniers autorisés.
Désormais toute la pêche de fonds sera débarquée à Nouadhibou. Ce qui permettra un meilleur contrôle et surtout des emplois. Le pélagique sera lui entièrement transbordé dans le port de Nouadhibou.
Le niveau de mauritanisation de la main d’œuvre passe de 25% à 60%. Tandis que la pêche des céphalopodes est reconnue monopole mauritanien. De quoi satisfaire les producteurs artisanaux mauritaniens dont les produits étaient jusque-là concurrencés par ceux des bateaux européens subventionnés et déjà à la pointe du modernisme en matière d’équipements. Ce qui permettra de booster la pêche artisanale dans notre pays.
La surveillance satellitaire ne passe plus par les pays tiers mais elle est directement effectuée à partir de la Mauritanie. Les zones de pêches ont été réduites pour préserver les espèces. C’est ainsi qu’au sud de Timeris, le pélagique passe de 13 à 20 miles et les crustacés de 6 à 8 miles. Au nord du cap Timeris, les distances permises sont plus importantes.
Enfin 2% du pélagique pêché seront reversés au profit des poissonneries populaires existant dans une dizaine de Wilayas (environ quarante points de vente d’un poisson de qualité à moindre prix). Cette opération semble charmer les partenaires européens parce que les Espagnols financent déjà un projet du genre pour cinq millions d’euros.
«C’est un accord équitable qui s’inscrit dans la durée», a déclaré de son côté le négociateur européen, Stefaan Depypere ajoutant qu’il respecte les «bases scientifiques de la préservation des ressources».

jeudi 26 juillet 2012

Omar représenté


C’est la longue histoire de la possibilité de représenter ou non certains personnages clés de l’Histoire du Monde Musulman. Pendant longtemps les exégètes ont refusé que soient représentés au cinéma des hommes comme les Khalifes Rachidoune («les quatre premiers successeurs bien guidés» du Prophète, PSL). C’est seulement cette année qu’un groupe d’Erudits musulmans de renommée internationale ont autorisé que la figure emblématique de Omar, le deuxième Khalife après le Prophète (PSL) soit incarné par un acteur. C’est le grand feuilleton de la saison qui retrace la vie et l’œuvre du Khalife Omar. Tous les compagnons du Prophète y sont représentés.
Une première quand on sait la polémique que cela a suscitée depuis toujours. La sacralité des personnages faisait arguer le caractère illicite de leur représentation. J’avoue avoir toujours «craint» de voir ces personnages-là représentés. Je me rends compte aujourd’hui que toutes les appréhensions que j’avais n’avaient pas de raison.
Omar garde, malgré – et peut-être grâce à – cette représentation, une aura qui est enfin incarnée et bien incarnée. Les Compagnons sont désormais des hommes à qui l’on prête des visages et des attitudes dans la vie.
On en oublie leur côté légendaire et on retrouve la réalité d’une société qui cultivait la quête de soi par laquelle les meilleurs, les Compagnons, sont devenus ce qu’ils sont devenus. Omar avait le tempérament et la conduite morale du Musulman avant de l’être. Ce qui a fait dire au Prophète Mohammad (PSL) : «Qu’Allah renforce l’Islam par l’un des Omar», en pensant plus à celui qu’il a fini par surnommer «Al Farouq». Pour avoir été le premier à rendre publique sa conversion et le premier à avoir appelé ses frères à venir à la Kaaba professer au grand jour.
Le feuilleton est aussi le lieu de suivre le cheminement des esclaves et des déshérités de la Mecque de l’époque. A travers les amours impossibles de Wahshi et Rayhana, à travers la ferveur de Bilal, l’on présente l’Islam comme source d’émancipation, comme nouvel ordre imposant l’égalité entre les hommes. Une véritable révolution qui est bien décrite.
Mais le feuilleton reste une tentative de retracer la vie et l’œuvre d’un homme : Omar Ibn Al Khattab.
Né probablement en 584, Omar reçoit une éducation particulièrement forte. D’une part, il est le guerrier intrépide, lutteur pour avoir appris les arts martiaux. Il est, d’autre part, l’homme de lettres aimant la poésie et reconnu grand tribun. Et comme les gens de sa tribu, il pratique le commerce et voyage dès son jeune âge.
Omar se convertit à l’Islam à la suite d’un incident qui l’amène à violenter sa sœur, Fatima convertie à la religion prêchée par Mohammad (PSL). Sa profession de foi sonnera comme un tournant dans la prédication. Elle fait sortir la faible communauté des Croyants de la clandestinité vers l’espace public. Lui donnant en même temps le courage de s’afficher et de défier les tribus hostiles.
Khalife, Omar sera le véritable artisan des conquêtes hors d’Arabie. Après avoir vaincu Perses et Romains, il stabilise l’Etat en créant des fondements sûrs, institutionnalise les rapports et surtout instaure la Justice et l’équité. Ce qui fera dire à quelqu’un qui l’a vu dormir sous un arbre, sans garde et sans protocole : «tu as été juste, tu as dormi pour cela tu es rassuré».

mercredi 25 juillet 2012

Fabius annoncé


Laurent Fabius, le ministre français des affaires étrangères sera dans quelques jours à Nouakchott. Une étape dans une tournée qui le conduira dans certains pays de l’Afrique de l’Ouest. Laquelle tournée aura pour objet la situation au Mali.
L’étape de Nouakchott est particulière dans la mesure où la Mauritanie est le seul pays de la zone sahélienne à avoir engagé une guerre réelle contre Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI), l’acteur principal de la déstabilisation du Nord malien.
Subissant les attaques de la nébuleuse terroriste, la Mauritanie a décidé, à partir de 2009, de réorganiser ses forces armées pour faire face à la menace. Des unités spécialisées dans la lutte contre les groupes armés venant du Nord malien, ont été créées. Légères, bien équipées et bien préparées, ces unités sont appelées «GSI», groupe spécial d’intervention. Bénéficiant d’une autonomie complète, elles ont acquis une grande expérience sur le terrain qu’elles parcourent depuis bientôt trois ans (le premier GSI a été opérationnel en 2010). Une nouvelle unité de ce corps d’élite est en train d’être montée avec, cette fois-ci, le concours des Américains qui ont longtemps hésité à appuyer les Mauritaniens dans leur effort.
En effet, les Américains, les Occidentaux en général, avaient plus confiance à l’Armée malienne et à ses capacités à faire face pour «nettoyer» son territoire. L’essentiel de l’aide allait aux Maliens.
Les événements de cette année devaient amener les partenaires à changer d’approche. Il est clair aujourd’hui que l’option mauritanienne était la meilleure. Qu’en tout cas, si la communauté internationale, y compris les pays du champ (Mali, Niger et Algérie) avaient suivi, la menace aurait été éradiquée sans grand prix à payer et à temps. Cela se serait fait avant toutes ces complications qui ont pour premier résultat une organisation qui a un territoire et qui a multiplié par cent ses capacités de nuisance.
Tout comme les Américains, les Français avaient aussi hésité même s’ils avaient été la première cible de l’activité terroriste. Il leur a fallu du temps, beaucoup de temps, pour comprendre que le Mali perdait inexorablement le Nord par la faute du laxisme et de la corruption de l’Appareil d’Etat.
Seuls les Mauritaniens peuvent aujourd’hui garder un semblant de calme malgré les menaces. En effet, les combattants de AQMI savent pertinemment que toute attaque contre la Mauritanie signifiera nécessairement une contre-attaque. Ils ont subi la furie mauritanienne qui leur a coûté très cher. Ils savent qu’ils ne peuvent être nulle part à l’abri face aux Mauritaniens qui ont une excellente intelligence du terrain et de ses habitants. Si les Occidentaux, particulièrement les Français et les Américains peuvent opérer la surveillance satellitaire de l’activité criminelle dans la zone, le renseignement humain reste plus précis et plus utile. Il profite largement aux Mauritaniens qui perçoivent les populations locales (Arabes, Touaregs, Peulhs…) comme l’un de leurs prolongements sociologiques.
Le ministre français arrive dans un pays qui est certes «ami à la France», mais que rien n’oblige à s’aligner sur les lectures hexagonales de la situation dans notre aire sahélo-saharienne. Les deux pays sont certainement d’accord pour s’opposer à toute partition du Mali. Comme ils doivent être d’accord sur la nécessité d’éradiquer l’activité criminelle de cet espace. Mais sur la manière et les moyens à utiliser, il y a beaucoup à discuter.
«On va verra»… comme disait un ancien auxiliaire de l’administration mauritanienne.  

mardi 24 juillet 2012

Derrière les rançons

Au Mali, on se prépare à une guerre dont on ne connait visiblement pas encore les tenants et aboutissants. On veut libérer le Nord. Mais avant cela on veut «sécuriser» la transition pour stabiliser un pouvoir qui n’a aucune once de légitimité.
Monté au lendemain de l’Accord-cadre entre la CEDEAO et la junte, ce gouvernement d’où furent exclus les ressortissants des régions en rébellion, a été confié à un astrophysicien de renommée internationale mais sans grande expérience politique. Modibo Diarra avait été copté par le Président du Burkina Faso qui a aussi confié la diplomatie de ce gouvernement de crise à un malien qui a travaillé longtemps chez lui comme conseiller.
Ce gouvernement quelque peu inféodé à l’un des protagonistes de la crise – le Burkina – était incapable de rassembler l’opinion malienne ou de servir la cause internationale. Très vite, son mentor a commencé à plaider pour la mise en place d’un nouveau gouvernement d’union nationale qui servirait à légitimer toute action à venir.
Le chef de l’Etat issu du processus constitutionnel imposé par la CEDEAO a fini sur un lit d’hôpital à Paris. La junte qui était venu au pouvoir pour dénoncer le refus des autorités d’équiper l’Armée régulière pour faire face aux agressions des groupes armés, cette junte a vite oublié le Nord et la guerre qu’elle devait y mener.
La communauté internationale hésite depuis le début. Le Mali n’est pas la Libye et les richesses à convoiter, même si elles existent, demandent plus «d’investissements» pour pouvoir être exploitées demain. On va se suffire donc de condamnations et de déclarations d’intension.
Pendant ce temps, les puissances européennes payent en millions d’euros la libération de leurs citoyens pris en otage par les groupes jihadistes. 15 millions d’euros que l’Espagne et l’Italie auraient versés pour libérer trois de leurs citoyens retenus en otage par le MUJAO depuis quelques mois.
Dans un espace comme celui où se meuvent ces groupes, 15 millions d’euros c’est une manne. Combien de routes, de dispensaires, d’écoles, de puits, de forages, d’ambulances… les 15 millions auraient-ils permis d’avoir dans cette zone qui manque de tout ?
Les occidentaux, pour ceux d’entre eux qui acceptent de verser les rançons, payent en moyenne 4 millions d’euros par otage. Cet argent sert d’abord aux Jihadistes dans leur équipement en armes nouvelles, dans leur insertion sociale à travers des actions humanitaires visant les populations. Il sert ensuite les intermédiaires officiels et semi-officiels. Tous ceux dont les noms sont cités quand il s’agit de libération d’otages perçoivent un versement. Du Président au Conseiller, au notable local, au prisonnier qui a servi de contact… c’est une véritable chaine qui finit par prendre l’aspect d’une «famille» (au sens maffieux).
Dans le temps, l’entourage du président malien ATT était arrosé. Lui-même est accusé par certaines sources d’en avoir profité, pas seulement en instrumentalisant les groupes les uns contre les autres, mais en recevant des retombées directes.
Dans son dernier rapport sur la question malienne, l’organisation International Crisis Group explique que «la réponse des autorités maliennes aux activités terroristes d’AQMI résulte d’une logique similaire à celle adoptée face aux rébellions et aux activités criminelles au Nord. Elle privilégie le contrôle à distance à faible coût. Celui-ci peut être vu soit comme un choix par défaut compte tenu des moyens limités dont dispose l’Etat face à des groupes terroristes militairement puissants, soit comme une collusion profitable aux parties impliquées». C’est effectivement cette dernière attitude qui explique le délitement de l’Etat malien et son incapacité à réagir tout ce temps. Tout tourne autour du paiement des rançons.
«Le paiement généreux de rançons a engendré une prospère industrie enrichissant tout à la fois les groupes terroristes et les intermédiaires chargés de négocier les libérations» selon le rapport qui poursuit : «Cette industrie a pris une tournure mafieuse évidente. Elle implique des acteurs locaux aussi bien qu’internationaux».
Elle a fini par convaincre de la mauvaise foi du gouvernement ATT : «La croyance occidentale en la sincérité des autorités maliennes a cependant été graduellement battue en brèche, devant la mollesse des interventions anti-AQMI de l’armée malienne. Cette défiance a culminé à l’occasion de l’opération de la forêt de Wagadou, près de la frontière mauritanienne, à partir de juin 2011. Des fuites à Bamako avaient éventé l’intention des forces mauritaniennes et maliennes de procéder à l’assaut de ce refuge d’AQMI, poussant les troupes mauritaniennes, défiantes à l’égard de leurs homologues maliennes, à lancer seules l’offensive le 24 juin. L’armée malienne n’a été associée qu’aux opérations subséquentes».

lundi 23 juillet 2012

Toujours «d’en-haut»


J’ai lu ce matin une dépêche qui disait que l’arrestation d’un syndicaliste à Akjoujt a fait suite à une «directive venue de très haut». Ce seraient les propos tenus par une autorité locale pour expliquer la procédure. Et de poursuivre que le syndicaliste en question avait tenu des propos acerbes devant le ministre de l’intérieur lors de sa visite qui a fait suite au décès de l’un des manifestants de la mine de cuivre.
Ce qui importe ici n’est pas de savoir d’où est venu l’ordre d’arrêter le syndicaliste, parce que l’arrestation elle-même est un acte qui ne peut être justifié que par la loi. Mais cette explication de l’autorité locale qui préfère parler de «directive venue de très haut» plutôt que d’assumer. C’est une réplique que vous entendrez dans la bouche d’un préfet, d’un Wali, d’un commandant de sous-groupement, mais aussi dans celle d’un ministre, d’un secrétaire général, d’un chef de service, d’un directeur… de tout agent de l’Etat, de tout responsable qui aura failli.
«Directive venue de très haut». Imparable. Cette attitude est dangereuse dans la mesure où elle dédouane ceux qui sont sensés servir les usagers et exécuter les programmes. Elle est dangereuse aussi parce qu’elle appartient à une ère que nous espérions révolue. C’est quand le responsable administratif et/ou politique n’a aucune justification à donner, qu’il décide de tout mettre sur le dos de «là-haut». Une sorte d’exutoire qui n’affranchit pas cependant.
On voit que le responsable en question n’attend aucun ordre pour donner un marché à un ami ou à un parent, ni pour nommer un proche ou le promouvoir… On le voit à l’œuvre quand il veut en profiter, il n’est pas question d’attendre «là-haut»…
C’est vrai qu’avant on disait simplement «là-haut» et que maintenant on dit visiblement : «directive venue de très haut». C’est pour bien spécifier que c’est un ordre de la Présidence ? Est-ce que le conseiller en communication ne pourrait pas user d’un droit de réponse pour dire ce qu’il en est ?

dimanche 22 juillet 2012

Un sondage quand même


C’est l’un de ces centres dit d’études stratégiques, visiblement proche de la Mouvance islamiste, qui publie les résultats d’un sondage organisé sur un échantillon de 780 personnes dont 18,6% seraient prêts à voter Tawaçoul, 17,7% le parti au pouvoir, 6,6% le RFD et le reste allant aux partis d’opposition.
Curiosité : 39,2% des sondés ne sauraient pas pour qui voter. Ce qui indique un certain degré de maturité qui a toujours été refusé aux Mauritaniens par leurs élites qui les méprisent en jugeant qu’ils sont des moutons.
Première leçon de ce sondage qui vaut ce qu’il vaut : la forte aspiration à la participation aux élections législatives et municipales, ils sont 71,1% à l’exprimer parmi les sondés. Deuxième leçon : 31,1% réfutent «avec force» (sic) l’exigence du départ du Président Ould Abdel Aziz contre 22,8% qui la soutiendraient «entièrement» (re-sic). Parmi ceux-là 48,7% espéreraient que ce soit à la suite de manifestations pacifiques, 11,2% par une révolution populaire et 6,5% par voie de coup d’Etat.
50,9% se disent prêts à participer à des manifestations dans la rue. 66,9% participeraient à des manifestations si elles sont pacifiques, 56,5% ne sont pas contents de la situation économique et sociale. Autant dire que nous sommes donc en plein dans un milieu d’opposants, de mécontents vis-à-vis du régime. On pourrait, par extension abusive, dire qu’il s’agit là d’une base de l’opposition radicale.
Cette base nous apprend qu’elle est en majorité contre la logique du rejet par l’exigence du départ (irhal, dégage). Elle est contre tout ce qui peut avoir un aspect de lutte violente. Et surtout qu’elle est, en grande majorité pour la participation aux élections législatives et municipales attendues dans les mois à venir.
Ce sondage mérite-t-il d’être pris en compte par nos opérateurs politiques ? Ces voix doivent-elles être entendues par ces mêmes opérateurs ? Peut-être…
(source des données: alakhbar.info)

samedi 21 juillet 2012

A défaut d’une révolution verte


On était très sceptique quand, en 2009, les pouvoirs publics avaient décidé d’alléger le poids de l’endettement des agriculteurs le passant de 12 milliards environ à 5,7 milliards rééchelonnés avec période de grâce. On était sceptique quand les pouvoirs publics décidaient d’octroyer des parcelles aux diplômés chômeurs pour leur permettre de s’insérer dans la vie active. Quand on renvoyait la SONADER et l’UNCACEM dans les capitales régionales dont elles sont sensées favoriser le développement. Quand aussi on créait la SNAT entièrement dédiée aux aménagements… On était sceptique parce que les résultats n’arrivaient pas immédiatement. Ou parce qu’ils n’étaient pas satisfaisants à 100%. C’est comme ça : nous sommes toujours prêts à faire le procès pour 20% d’échec, alors qu’on se tait sur l’échec à 100%.
Pourtant les surfaces emblavées ont dépassé 25.700 ha pour les deux saisons des campagnes 2010-2011 et pourraient atteindre 35.000 ha pour les campagnes 2011-2012. La moyenne des années 90-2000 se situe à 17.320 ha toutes saisons confondues. A titre d’exemple la contresaison actuelle a permis l’emblavement de 9.679 ha contre une moyenne qui a été jusque-là de 3000 ha.
Du coup, la production a augmenté. Pour le paddy, le pays a couvert environ 58% de ses besoins durant la campagne 2012. Et si au niveau du pluvial, la production a diminué cette année, c’est bien à cause du déficit pluviométrique important. Déficit qui explique aussi la baisse des surfaces dédiées à la culture du blé, surfaces qui sont passées de 2054 ha en 2010 à 1800 ha en 2011. Il est cependant à noter que 28 variétés de blé ont été cultivées pour en identifier les plus rentables et les plus adéquates pour notre environnement et qu’un savoir-faire a été développé en la matière. En attendant, certaines variétés ont atteint des taux de rendement variant entre 4 et 5 tonnes/ha. L’expérience de la pomme de terre est elle aussi en bonne voie.
En 2010-2011, le pays a couvert 30% de ses besoins en céréales. Avec la bonne pluviométrie espérée cette saison et les efforts consentis, on espère mieux et plus. Pour ce faire, les réhabilitations de périmètres et l’aménagement de nouvelles terres vont permettre de remettre les populations au travail. A l’horizon 2015, si le rythme se maintient, on arrivera à disponibiliser 25.000 ha aux franges les plus démunies des populations. Si l’on y ajoute le programme de réhabilitation et construction de barrages et de diguettes, on se rend compte que nous pourrons avoir une révolution verte à notre mesure. 50 barrages et 50 diguettes refaits ou nouvellement construits dans le cadre du programme réalisé. Le projet Aftout Echergui en phase de mise en œuvre pour les deux années à venir… c’est comme ça que la maîtrise de l’eau devient un souci majeur dans la stratégie globale de développement rural.
Cette stratégie devrait définir les objectifs sur les 10 prochaines années pour donner une meilleure visibilité de là où l’on veut aller, de ce que le pays veut réaliser.

vendredi 20 juillet 2012

La polémique du croissant


Chaque année, la Mauritanie est en face de la même problématique, celle de l’attente du croissant lunaire annonçant le début du mois béni du Ramadan. Cela fait partie, à mon sens, des «apports» du régime militaire des années 80. Les polémiques ont commencé dans ces environs-là. C’était si fort qu’une partie des Mauritaniens avait décidé de ne plus se fier aux annonces officielles. Certains optant pour l’alignement sur les pays riverains (Sénégal, Mali et Maroc), d’autres sur les excroissances de leurs groupes confrériques, enfin ceux qui jeunent selon le calendrier saoudien. Comme tout vient de là-bas pourquoi pas la vue du mois du Ramadan ?
Malgré tous les efforts consentis pour réhabiliter la commission nationale de surveillance des croissants lunaires, ce ne sont pas tous les Mauritaniens qui se sont réconciliés avec cette institution. Même pour ce mois, il en existe qui ont préféré commencer l’observation du jeûne avec les pays du Golf, c’est-à-dire un jour avant la date officiellement annoncée par l’autorité religieuse en charge de le faire en Mauritanie. ce vendredi est le premier jour du Ramadan pour certains d’entre nous. C’est pourquoi, il ne faut pas s’étonner de les voir chercher le croissant lunaire du Fitr un jour avant nous. Ni d’entendre qu’on l’a vu avant et qu’il va falloir payer un jour de retard. Ce qui ajoutera à la confusion.
C’est regrettable de voir qu’au moment où les instruments de mesure sont d’une grande efficacité, que ceux d’observation sont d’une très grande précision, on en soit encore à nous fier à l’observation à l’œil nu.
La polémique ainsi occasionnée est dangereuse dans la mesure où elle ajoute au désarroi général. On l’assimile à une désinvolture vis-à-vis de l’un des piliers de notre Sainte religion. Une sorte de mécréance officielle qui excite encore plus les plus illuminés d’entre nos exégètes qui sont les premiers à faire barrage à l’utilisation des outils techniques et des méthodes scientifiques pour s’éviter les controverses.
Personne ne dénoncera ceux qui ont jeuné vendredi. Parce qu’ils auront respecté le choix du Qatar et de l’Arabie Saoudite. Les deux mamelles d’aujourd’hui…

jeudi 19 juillet 2012

Le changement promis


Rien ne doit être dit au hasard par les acteurs politiques. Hier, au cours de la manifestation organisée par la COD, l’exigence du départ du pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz a été réitérée. Alors qu’on attendait une réponse à l’initiative du président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir. Lequel avait suggéré la mise en place d’un gouvernement d’union nationale pour dépasser la situation actuelle et permettre un rapprochement entre les protagonistes politiques.
Cette initiative présentait – présente encore – une opportunité pour ceux des acteurs qui auront compris que l’exercice de la politique demande une technicité et une intelligence qui obligent à plus de réalisme et de cohésion dans le comportement politique. La politique se résume encore à l’usage de l’art du possible.
Par ailleurs, il faut bien se résoudre à faire de la politique. «Dégage» et «Reste», ne peuvent faire un contenu d’un débat. Cette démarche a montré ses limites. Il faut donc chercher une formule intelligente et convergente…
En attendant, ce qui reste de la manifestation de mercredi, ce sont bien les propos de Saleh Ould Hanenna et de Ely Ould Mohamed Val. Les deux hommes partagent un passé militaire. L’un d’eux, Ould Hanenna, a été l’électron libre d’un groupe lié par une appartenance idéologique (nationalisme arabe), lequel groupe a réussi à faire trembler le système Taya le 8 juin 2003, sans pouvoir le faire tomber, il en a montré les limites.
Le second a été promu chef d’une junte qui a voulu remettre le pays sur les rails. Décriée par ses successeurs civils, la transition de 2005-2007 a ouvert d’énormes perspectives pour le pays et pour la démocratie. Malgré les réticences affichées plus ou moins clairement, avec notamment l’appel au vote blanc, la provocation de l’implosion du PRDR par les candidatures indépendantes, le parrainage par les militaires d’une candidature à la présidentielle… malgré tout ce qu’on peut en dire, cette transition aurait pu être le point de départ de toutes les refondations dont l’Etat mauritanien avait besoin. Malheureusement ce ne fut pas le cas. Et c’est là qu’il faut trouver la principale cause des secousses qui allaient suivre.
Pour revenir aux discours de nos anciens militaires et surtout de Ould Mohamed Val, nous retenons qu’ils a promis le changement au plus vite et d’une manière ou d’une autre. Rappelant même que Ould Abdel Aziz n’a pas le monopole de la force. Ce qui laisse entendre beaucoup de choses… dont la possibilité d’user de la force pour le faire partir. Ou avons-nous mal compris les propos de l’ancien DGSN ? 

mercredi 18 juillet 2012

La Syrie à genoux


Quatre hauts dignitaires du régime victimes d’un attentat suicide au cœur de Damas, c’est le signe de la fin du régime Bechar Al Assad. Mais la fin du régime signifie nécessairement la fin du pays.
Ce pays qui était le dernier à tenir tête devant les forces hégémoniques occidentales, avec pour fer de lance Israël, ne représente plus de menace. On peut ajouter que c’est le cas de l’Egypte, de la Lybie… Mais c’est en réalité plus grave quand il s’agit de la Syrie. La Syrie sur qui s’adosse le Hezbollah, qui est un relais pour l’Iran, soutien indéfectible de Hamas…
C’est fini tout ça. Quand on fait le bilan des «révolutions arabes», le résultat est là : une mise à genoux de tous les régimes réfractaires à «l’ordre mondial», soutenus par moments pas les grandes puissances, abandonnés à l’occasion des «révoltes populaires» et au profit de pouvoirs qui ont gardé l’essentiel des régimes honnis…
On ne peut pas regretter le régime syrien – ni le libyen, encore moins l’égyptien -, mais le Monde Arabe mettra du temps à se relever des effets destructeurs de ce qu’il est convenu d’appeler «le printemps arabe». Et, nous regrettons déjà l’écroulement d’Etats entiers. La Syrie, la Libye, le Yémen, dans une moindre mesure l’Egypte et la Tunisie… ne font pas le modèle. Ces pays se présentent plutôt comme contremodèles. Quand on voit ce qui y arrive, on ne peut que craindre le pire pour les pays qui suivraient cette voie-là.
Aujourd’hui, on peut constater que l’Occident a apprivoisé la contestation islamique pour en faire un allié. D’où le recul de la «résistance» qui a été le moteur des évolutions arabes ces dernières décennies. C’était toujours par rapport à Israël, aux Etats-Unis et aux puissances européennes que se définissaient les mouvements d’émancipation dans l’aire arabe. Voilà qu’aujourd’hui la promotion de la prise de pouvoir par ces mouvements est le souci premier des puissances hégémoniques. Que restera-t-il du bloc «du refus et de la résistance» après ce cycle de révoltes ?
Avec la mise à genoux de la Syrie, il n’en reste pas grand-chose.

mardi 17 juillet 2012

Le retour de Ould Maouloud


Permettez-moi, chers lecteurs de partager avec vous l’éditorial de l’édition de la semaine passée de La Tribune :
«L’évènement politique majeur de cette semaine est sans doute le retour au pays de Mohamed Ould Maouloud, président de l’Union des forces du progrès (UFP), composante essentielle de la Coordination de l’opposition démocratique (COD). Pourquoi le retour de cet homme peut être un tournant dans le processus politique ?
La personnalité et le parcours de Ould Maouloud font de lui l’un des principaux «politiciens», au sens du compromis, de la manœuvre, de l’intelligence, de l’opportunité, de l’engagement…, bref de tout ce qui fait un homme politique et qui l’empêche de tourner dans le vide, de faire du surplace et/ou de tourner en rond.
C’est pourquoi son absence pendant les longs mois qu’il est resté à se soigner à l’étranger, ont certainement dû peser dans les positionnements politiques. Notamment de l’opposition dont il est un élément essentiel. Mais comment l’absence d’un homme peut-elle autant peser ?
Ould Maouloud est entré très jeune à la politique. Il a été opposant du temps de Moktar Ould Daddah, puis du régime militaire. Son statut de président du Mouvement national démocratique (MND) l’a mis au-devant de l’activisme, dans ses deux phases : la clandestine et la visible à travers les partis.
Le MND, avec le MDI (mouvement des démocrates indépendants) animés par les jeunes qui créeront plus tard Conscience et Résistance, comptent parmi les (très) rares organisations politiques qui ont dénoncé, en leur temps, les évènements de 89 et ceux de 90 et 91. Mohamed Ould Maouloud avait marqué le coup. Il fera partie des personnalités ayant «bougé» pour provoquer la démocratisation de la vie publique. A travers les pétitions, puis l’action.
Quand le pouvoir de Ould Taya se décide, son mouvement fait partie du regroupement qui crée le Front démocratique pour l’unité et le changement (FDUC) qui donnera plus tard l’Union des forces démocratiques (UFD), principal parti d’opposition ayant pu canaliser l’ensemble des forces opposées au régime de l’époque. Les guerres intestines, les ambitions des uns et des autres, mais surtout les différentes appréciations de la situation géopolitique par les leaders auront raison du parti, devenu entretemps l’UFD/ERE NOUVELLE après l’union avec les partisans d’Ahmed Ould Daddah, candidat aux présidentielles de 1992.
Avec ses amis, il crée l’Union des forces du progrès (UFP) qui prône immédiatement le dialogue avec le pouvoir de Ould Taya.
Mais il va falloir attendre avril 2005 pour qu’une sorte de forum s’ouvre sous la houlette du Rassemblement pour la démocratie et l’unité (RDU) de Ahmed Ould Sidi Baba, cousin de Ould Taya. Ce forum se veut un lieu de convergence entre les partis dits «de la Majorité» et ceux de l’opposition, à mille lieues les uns des autres.
Le «compromis historique» est une attitude mentale chez ceux de l’UFP qui croient très fort aux vertus du dialogue. Ce sont eux qui poussent vers l’ouverture du gouvernement Waghef II en 2008, puis vers les Accords de Dakar. C’est d’ailleurs Mohamed Ould Maouloud qui a dirigé la délégation du pôle du Front national pour la défense de la démocratie (FNDD), farouchement opposé au coup d’Etat d’août 2008. Il est mis en minorité par ses partenaires et, comme eux, le parti glisse vers le radicalisme qui devait aboutir à l’exigence du départ de Ould Abdel Aziz du pouvoir, après le refus de reconnaitre purement et simplement les résultats de l’élection.
Quand Ould Maouloud a été malade, on était au tout début du processus du dialogue qui devait aboutir à l’engagement de quelques partis de la COD et du refus par les autres de cette démarche. Tous les mois où les manifestants de la COD ont crié «Aziz, dégage !», Ould Maouloud était très malade à l’extérieur. Privant son parti et ses partenaires de la COD de son expérience et de ses capacités en politique. En quoi peut-il aider à décrisper la situation ?
L’échec et l’incohérence de la démarche visant à faire partir un président élu au terme d’une élection consensuelle, sont de plus en plus évidents. Tout comme l’incapacité de l’opposition radicale à imposer son point de vue.
La barre a été placée si haut qu’on voit difficilement l’ouverture d’une quelconque convergence entre les protagonistes de la vie politique en Mauritanie. L’idée de mise en place d’un gouvernement d’union est pleine de risques pour le pays et personne, à part ses promoteurs, ne semble la trouver bonne. D’ailleurs comment peut-on passer d’une attitude de rejet absolu et résolu, vers une franche collaboration ?
Nous en sommes là et c’est à Ould Maouloud de trouver la parade qui convient pour ramener ses amis à la table de négociations au moment où le pays est menacé par le péril qui nous vient du Nord malien».

lundi 16 juillet 2012

Rideau sur la fête des dattes


Tijigja commence à reprendre son rythme normal. Les «visiteurs» quittent par groupes la ville dont ils ont dérangé la quiétude pendant quelques jours. Ils étaient deux à trois mille, entre originaires de la ville et gens venus d’ailleurs, à avoir fait le déplacement en vue d’assister au festival des dattes dans sa troisième édition.
Je vous avais raconté le côté «désorganisé» de la cérémonie d’ouverture. Une désorganisation somme toute «normale» dans une société où tout un chacun se veut le centre de tout, le noyau de tout, le point focal… Normal aussi pour garder cet aspect festif du… festival.
Des conférences pour présenter la région, les grandes figures de cette région, leur parcours, leurs productions, leurs apports… Des expositions permanentes de produits oasiens, de manuscrits, de produits artisanaux…
Malgré l’opportunité d’ouverture et de rencontres ouverte par la manifestation, on peut retenir quand même qu’elle ne fait pas l’unanimité. C’est ainsi que les habitants des communes environnantes de Tijigja trouvent, on va dire «anormal» le fait de ne pas les intégrer dans le programme du festival. Pour cet habitant de Nyimlaane, une oasis situé à une trentaine de kilomètres de Tijigja, haut lieu de résistance, grande inspiration des poètes de l’espace tagantois, «il aurait été plus juste de consacrer un jour à une palmeraie comme celle de Nyimlaane, ou celle de Rachid ou de Lehweitaat… Faire profiter toutes les belles oasis de la région, ou les plus accessibles d’entre elles, de cette grande opération de communication. Cela aurait permis de voir une production plus variée, plus importante, des activités économiques autres que celles que l’on a dans la grande ville où l’activité oasienne a fini par être un luxe. Alors que chez nous, elle est restée une activité de subsistance, une possibilité de vie, et nous l’avons gardée tout en la développant de manière à préserver les traditions…»
Le rendez-vous est aussi un lieu politique où convergent toutes les versions de Adil, le parti créé par le Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi et dont l’essentiel des troupes a fini à l’Union pour la République (UPR) créé pour soutenir «le pôle du candidat Mohamed Ould Abdel Aziz», pour parler le langage de l’époque (mai-juin 2009). Le parti Adil souffrira du positionnement de sa direction qui préféra, en 2010, aller rejoindre la Majorité présidentielle. Refusant cet alignement qui a fait suite à des négociations dont le Maire de Tijigja était l’un des artisans, quelques figures de ce parti gèleront leurs activités avant de quitter le parti pour rejoindre la Coordination de l’opposition démocratique (COD).
Deuxième force présente à Tijigja, c’est naturellement l’Union des forces du progrès (UFP) avec ses députés et son ancrage «social». Avec la présence de son premier vice-président, Mohamed Yahya Ould Horma, la personnalité de son fédéral et la présence de quelques-uns de ses élus (d’ailleurs), l’UPR était très visible. Pas nécessairement dans les discours, mais dans les premiers rangs…
Tout ce monde politique se côtoie, échange, discute… pendant quelques jours. Est-ce suffisant pour établir un dialogue ? Rien n’est moins sûr, même si, en Mauritanie, l’essentiel se passe en informel.
Le moment est aussi celui de l’opportunisme et de l’arnaque. Des crieurs publics qui chantent (ou «dé-chantent») les cadres qui jouent les notables généreux en contrepartie de quelques cadeaux (en espèce) offerts plus ou moins publiquement. Cette fonction ne reconnait pas les barrières : du chérif, prétendu descendant du Prophète (PSL) au forgeron, en passant par le hartani, le guerrier ou le simple marabout, vous y trouvez toutes les origines sociales. C’est un legs du PRDS et de son époque qui permet d’avoir un revenu sans gros efforts.
Mais cette (nouvelle) profession doit se faire avec les «journalistes» venus en dizaines, tantôt en groupes de quatre, tantôt en solo. Comme les précédents, ils font le porte-à-porte avec des appareils photo, des blocs-notes où ils font semblant de prendre note, des cartables où ils mettent le produit de la quête en attendant l’occasion de se partager la moisson…
Restera malgré toutes les insuffisances – corrigibles pour les prochaines éditions -, le souvenir d’une ville chargée d’Histoire et d’une population où la bonté et la générosité sont la nature première.
…Oui la beauté du Tagant n’est pas comparable à la beauté d’un espace autre, et les proches qui y sont ne sont trouvables nulle part ailleurs. A-t-on bien traduit les paroles de Wul El Gaçri ?

dimanche 15 juillet 2012

Les accidents encore


Je partage avec vous, lecteurs du blog, l’éditorial de la semaine dernière :
«Un vieux gros camion tombe en panne sur la route Nouakchott-Akjoujt. Au beau milieu de la chaussée. Personne ne pense à signaler sa présence. Pourtant il est à moins de cinq kilomètres d’un poste de gendarmerie. Personne non plus ne pense à le dégager. Trois semaines qu’il est là. Finalement ce qui devait arriver – et qui est déjà arrivé sur toutes les routes de Mauritanie – arriva : une voiture percuta de pleine fouet le monstre qui semblait avoir ouvert sa gueule ici pour avaler des vies.
Cinq jeunes dont le plus âgé avait trente-cinq ans. Ils ne savaient pas que la négligence du propriétaire du camion, de la gendarmerie, des passants… leur avait tendu un piège mortel. Il suffisait de rouler la nuit sans savoir qu’au beau milieu de cette route il y avait là un bloc d’acier. Tous décapités. L’horreur.
Quelques heures avant, moins de 24 heures, c’est une famille qui est victime de la négligence d’un camionneur. Sur la même route. Ce ne sont malheureusement pas les premières victimes du mauvais état des camions, de la mauvaise conduite des camionneurs, de la négligence des autorités qui laissent rouler, s’arrêter où ils peuvent – parfois où ils veulent – les camionneurs… Elles ne seront pas non plus les dernières victimes tant que…
La mafia des camionneurs défie les lois et ne respecte aucune norme. Tant que les postes de police, de gendarmerie, de douanes, des eaux et forêts qui pullulent sur les routes de Mauritanie, tant que ces postes remplissent plus et mieux leur rôle de péages que celui de contrôle. Tant que les fédérations sont plus puissantes que l’autorité. Tant que l’autorité est au service des fédérations de transports… tant que la situation est la même, on ne peut pas espérer moins de morts sur les routes mauritaniennes.
L’année dernière, pratiquement à la même période, tout le monde s’émouvait. Les responsables du ministère des transports, la police, la gendarmerie et même le tout nouveau Groupement routier, tous prenaient la parole à la télévision nationale et promettaient de faire baisser le nombre des morts et des blessés sur les routes. Pour ce faire, tous s’engageaient à «prendre les mesures nécessaires». Des mesures qui commencent par la mise aux normes des usagers de la route. Rien depuis n’a été effectivement fait.
Pas de visite technique, le contrôle est toujours laxiste, aléatoire et sans conséquence autre que celle qui ne va pas dans les caisses de l’Etat, pas de sensibilisation sur les routes… juste des postes de prélèvement de quelques tributs tantôt levés au nom de la nouvelle autorité de régulation des transports, véritables BNT restauré, tantôt au profit des commissariats et des brigades.
Il est vrai que la fois passée, l’émoi «officiel» a été provoqué par une intervention du Président de la République sur le sujet en plein conseil des ministres. Doit-on attendre une nouvelle prise de parole sur le sujet par le Président pour voir à nouveau les autorités concernées bouger ?
Bien sûr. Ici rien n’est fait si le Président lui-même ne le provoque pas. Il est facile, comme font les responsables actuels (ministres et autres), d’invoquer la «centralisation excessive de la décision», parce qu’elle couvre parfois l’incompétence, parfois l’inconscience, souvent l’irresponsabilité.
La mort de ces jeunes, tout comme celle d’autres plus jeunes et moins jeunes, la mort de toute personne sur les routes mauritaniennes est imputable aux autorités concernées par le contrôle routier, l’entretien routier, la sécurité routière… à tous les intervenants dans la gestion du secteur des transports.
Le camionneur ayant laissé son monstre sur la route tout ce temps et sans signalisation doit être poursuivi pour homicide involontaire, le poste de gendarmerie doit poursuivi pour incompétence, la fédération pour complicité de meurtre…
Cela peut paraitre excessif, mais jusqu’à quand allons-nous continuer à subir les effets conjugués de l’incompétence et de l’irresponsabilité ?» 

samedi 14 juillet 2012

La fête des dattes


Dans sa troisième édition, le festival des dattes de Tijigja n’est pas mieux organisé que pour les deux éditions du passé. Certes beaucoup plus de monde. Surtout les étrangers.
D’abord la guerre des places. Chacun essayant d’être dans les premières rangées, d’y installer son hôte et de le prendre comme prétexte pour rester à ses côtés. Tout le monde, y compris les organisateurs, cherche des chaises pour ensuite les installer. Quelqu’un vient même offrir cinq mille ouguiyas pour avoir un siège. A la foire des dattes tout est à mettre sur le marché apparemment.
Notables, cadres, anciens ou actuels haut dignitaires de l’Appareil d’Etat, tous se démènent pour être au-devant de la scène. Il s’en suit ce que la maire de la ville, Mohamed Ould Biha a appelé «une petite pagaille» et pour lequel il s’est excusé au moment de prendre la parole.
Cette «petite pagaille» prend toutes les formes. Sociologique : les filas de grandes tentes qui ne veulent pas se retrouver à l’arrière de la scène ; politique : les chefs et cadres de partis qui veulent donner l’impression que c’est pour eux et par eux que la cérémonie est ; économique : les opérateurs, parrainant ou non la fête, qui doivent être les plus en vue…
Je parle avec le député de Bababé, Bâ Aliou Ibra du souci de chaque Mauritanien de faire la démonstration publique qu’il n’existe que lui. Cela se traduit à mon sens par le mépris qu’il tient à afficher à l’ordre et la préséance. Il va te marcher sur les pieds sans s’excuser, t’enfumer, te bloquer le passage, peut-être prendre ta place si tu ne fais pas attention… toujours avec une attitude désinvolte qui doit être ressentie par toi comme une marque de puissance de celui qui met en marche toute une mécanique pour te prouver qu’il est le plus fort, le plus beau, le plus influent…
C’est ici un cousin du Président qui tient à se mettre bien en relief comme pour dire : «Je vous l’ai dit, c’est grâce à moi que cette fête a lieu et ma présence est un message fort pour dire la légitimité d’un tel rassemblement». Le trafic d’influence dans tous états.
C’est ici un chef de parti sans existence réelle sur l’échiquier national, et pour qui se présente l’opportunité de «laisser comprendre» qu’il est dans son fief. C’est là un cadre, un opérateur qui veut imposer l’idée qu’il est l’intermédiaire incontournable pour «mobiliser», «rallier», «embrigader»… la région et ses populations.
Au cours de la soirée, j’ai été abordé par un homme respectable qui tenait à me faire le reproche de ne jamais parler assez de la scène politique et de ses occupants, surtout pour en dénoncer les incapacités. «La scène est occupée par les plus incapables, les moins formées, les moins légitimes… c’est à vous journalistes de jouer un rôle de régulateur pour empêcher cela…»    
Je retenais de tout ce qu’il disait le caractère «frivole» du politique et l’absence d’exigence de compétence particulière pour l’ascension sur la scène politique. Je n’étais pas d’accord sur le rôle qu’il donnait aux journalistes qui sont en fait une partie du problème plus qu’ils ne peuvent jouer dans la solution. Et de prendre comme exemple, les dizaines de «journalistes» qui, au nom d’un noble métier, arnaquent les notables à des occasions pareilles. Il pouvait me dire que ce n’est que justice si des gens se sentent assez coupables pour être obligés d’obtempérer aux chantages les plus vulgaires.

vendredi 13 juillet 2012

Partir pour le Tagant

Encore une fois je me retrouve sur la route du Tagant. Avec des amis, cette fois. Et comme chaque fois, je commence à guetter les lointaines silhouettes des plateaux qui apparaissent et disparaissent au gré des aléas de la pollution ambiante. Je m’imagine Wul El Gaçri, revenant à son Tagant originel, celui de ses origines et qui le voit alors qu’il lui restait encore du chemin à faire pour venir jusqu’à cette terre «dont la beauté ne ressemble à nulle autre». Je me perds en essayant de m’imaginer les conditions de vie de l’époque, les difficultés de se déplacer debout en bout d’un territoire qui a su pourtant préserver les liens malgré tous les éloignements (géographiques, linguistiques, sociologiques…).
Comment faisaient nos ancêtres ? Eux qui n’avaient pas les routes bitumées, les voitures, l’eau en bouteille, les thermos, le GPS, le téléphone, le tissu en quantité…, comment faisaient-ils pour vivre ? Ils ne vivaient pas seulement, mais ils étaient en plus heureux de vivre. Peut-on dire ça de nous aujourd’hui, alors que nous trimons, nous nous plaignons de tout et de tous, alors qu’il nous faut l’aisance pour voyager, alors que nous avons tout pour nous faciliter la vie…
Est-ce que, si les Européens n’étaient pas arrivés jusque-nous, nous serions allés jusqu’à eux ? Est-ce que la voiture, l’ordinateur, le GPS, la pénicilline, la radio, la télévision, le climatiseur, le téléphone… est-ce que tout ce qui fait «aisance» aujourd’hui et qui fait qu’on est différent de nos ancêtres, est-ce que tout cela était sur la route qu’on prenait ? Mais aussi, est-ce que nous aurions eu besoin d’avoir tout ça, et si oui comment aurions-nous pu l’inventer ?
Ils sont stupides ceux qui ne croient pas à un destin humain universel. Par des réflexions pareilles, l’on se rend compte que tout le questionnement autour de la civilisation de l’Universel avait du sens. Quand en terminale, nos enseignants nous obligeaient d’aborder la question des heures et des heures pour en dessiner les contours dans les petites têtes qui étaient les nôtres, ce n’était pas un luxe, c’était une nécessité…
Savez-vous que l’enseignement de philosophie dans nos établissements scolaires a été déprécié, qu’il a même disparu pour un moment ? Comment créer chez nos adolescents ce besoin de se poser des questions pour ne pas en rester à l’attitude d’ingurgiter tout ce qu’on vous présente ? Comment construire un esprit critique ? Comment encourager la réflexion et l’autonomie de la pensée ?
C’est certainement l’enseignement de philosophie dans les lycées qui avait permis aux générations qui sont les miennes et à celles qui en ont bénéficié en général, d’être moins attentistes quand il s’agit de la compréhension du monde, moins indulgent quand il s’agit de recevoir les explications qu’on offre pour expliquer et justifier les misères du monde…
Comment réhabiliter la philosophie dans le système scolaire mauritanien ? Une question que je pose au moment où démarrent les consultations locales sur les Etats généraux de l’éducation.

jeudi 12 juillet 2012

Décrispez le Mauritanien


Abderrahmane Ould Ahmed Salem, plus connu sous le sobriquet «Ahmed Toutou» du nom de celui qui dessinait les plus belles figurines sur le sable, président de la Maison des Cinéastes, m’a dit qu’il lance un programme, une production télévisée qui va permettre d’ouvrir une fenêtre sur le rire.
Il s’agit de sélectionner des artistes du rire et de les présenter au public pour les juger. Je sais que Abderrahmane a du génie, lui qui a été à l’origine du concept de «shi louh v shi» (théâtre) et de bien d’autres initiatives heureuses, notamment la SENAF (semaine nationale du cinéma) qui célèbre la production mauritanienne en l’inscrivant dans une manifestation ouverte à l’international.
Je sais aussi que nous souffrons de constipation. J’ai toujours écrit que le recul de la joie a été à l’origine de la plupart de nos malheurs qui ont marqué la régression générale. Les Nouakchottois parmi mes lecteurs peuvent témoigner du caractère festif des années 70 et même 80 de la ville. D’ailleurs ce n’était pas la spécificité de la seule capitale. Rosso, Kaédi, Nouadhibou, Atar, Aïoun, Kiffa… ont connu des heures splendides de partage et de communion.
Nous avons eu trois décennies de tristesse absolue, d’attente sceptique, d’espoir terni… L’origine de cet état d’esprit de constipé qui caractérise le Mauritanien moyen. Plus le temps de rigoler, de décompresser… Rien qu’un air de faux sérieux…
Si, avec son émission, Abderrahmane Ould Ahmed Salem peut nous rendre le sourire, ce ne sera que pour le bien du pays. En tout cas ce sera le vrai antidote de la crise dont on parle et dont la première manifestation est cette faculté de provoquer et/ou de garder le sourire.
Les Canadiens disent que «le sens de l’humour a été donné aux hommes pour les consoler de ce qu’ils sont». Ils disent aussi que «tu ris… tu rigoles… ou tu dégringoles… !»
Cela résume tout.