Les manifestants qui demandaient la tête de l’auteur
des attaques contre le Prophète Mohammad (PSL), s’en prennent désormais à l’avocat
Mohameden Ould Ichidou qui défend l’auteur en question. Comme si le droit à la
défense et à un procès équitable n’était pas inscrit dans toutes les législations,
y compris celle de notre sainte religion. La déraison ne s’est finalement pas
arrêtée à l’attaque de la seule personne de l’avocat, ses fils aussi subissent
l’ire de la foule qui veut bien donner l’impression qu’il s’agit là de
mouvements spontanés. Sans convaincre.
Les appels au boycott de produits vendus par les fils
Ichidou sont une dérive de plus qui doit trouver sa justification dans le
background de l’avocat qui ne laisse pas indifférent.
Homme de gauche, Me Ichidou est un militant de première
heure. D’abord farouche nationaliste, défenseur de toutes les causes arabes, il
devient le chef de file de la mouvance du mouvement national qui donnera le MND
et les Kadihines. Plusieurs fois prisonnier, il est aussi l’un des premiers militants
des Droits humains, lui qui a inspiré, parfois dirigé des campagnes de libération
d’esclaves dans les campements reculés, lui qui a animé les premiers journaux
du pays. Avant de militer dans les partis d’opposition comme l’UFD.
C’est probablement ce passé de militant de gauche (marxisante)
qui en fait une cible aujourd’hui dans l’affaire qui secoue l’opinion publique.
En effet, l’auteur est lui-même fils d’un ancien cadre de cette mouvance. Le site
accusé d’avoir été le premier à publier l’article est supposé (à tort ou à
raison) être proche de la mouvance. C’est donc en partie une vieille querelle entre
différentes mouvances politiques (nationalisme-islamisme-Kadihines…) qui revit
à travers l’excitation du sentiment anti-Ichidou.
Il faut y ajouter les querelles professionnelles qui
empêchent justement l’Ordre national des avocats de réagir aux attaques contre
un avocat à qui est reproché le fait de vouloir défendre un accusé devant les
tribunaux. D’autres avocats se sont constitués …partie civile. Du coup, renait le
vieux contentieux du temps où le régime de Ould Taya tentait d’apprivoiser l’Ordre
national des avocats. A ajouter à l’inspiration anti-Ichidou.
Il y a quelques semaines, un collectif d’Imams et d’érudits
dénonçait la prise de parole de l’un des chefs de Tawaçoul qui a osé critiquer
une certaine pratique du rôle du religieux. Mais au lieu de s’en prendre à l’auteur
des propos, le collectif a demandé la fermeture de la chaine Sahel et exigé une
limitation de la liberté d’expression. Aucun syndicat de la presse n’y avait vu
une menace. Comme aujourd’hui, l’ONA ne semble pas voir dans les attaques
contre Me Ichidou une menace pour l’exercice de la profession d’avocat. C’est
dire que devant cette campagne dangereuse, les organisations de la société
civile semblent baisser les bras. Et quand elles s’expriment comme l’ont fait
les organisations l’autre jour, c’est pour interférer dans un débat politique
qui n’est pas le nôtre. Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas de s’en prendre
avec violence à tel ou tel courant de pensée, mais d’exiger clairement un
procès équitable pour tout accusé, d’exiger le respect du principe de la
présomption d’innocence, de refuser la justice de la rue et l’instrumentalisation
de questions sociétales qui méritent, il est vrai, réflexion, mais réflexion
ouverte. Ce qu’on peut reprocher aux ONG, c’est de s’inscrire dans un registre politique
partisan. Alors que nous avons besoin de nous en éloigner pour revendiquer la
toute-puissance de la loi pour nous séparer en cas de conflit.
Il y a certes toutes les raisons d’être en colère, mais
seule la loi a pouvoir de calmer cette colère et de juger entre nous. Nous ne
pouvons et ne devons chercher à faire justice nous-mêmes, à décider par
nous-mêmes.