L’autre soir, TVM a invité le groupe des Ulémas représentant un
forum dédié «à la glorification du Prophète Mohammad». Deux discours ont
été entendus pendant cette discussion – qui n’était pas un débat parce qu’il
n’y avait pas de protagonistes.
Le premier est celui de Mohamed Lemine Ould Hacen, une autorité
religieuse, Imam de la prestigieuse «mosquée des Chorafa», un haut lieu
de la résistance à l’époque de la répression engagée contre la mouvance
islamiste à l’époque de Ould Taya. Le respecté Imam a soutenu (en substance)
l’application pure et simple de la Chari’a à l’encontre de l’auteur de
l’article constituant à ses yeux «une hérésie que seule la mise à mort doit
punir». Ajoutant que si la justice ne le condamnait pas à mort, il en
conclurait qu’il n’y aura «pas eu de justice».
Le deuxième discours est celui du jeune Cheikh Ould Saleh qui a
déclaré qu’en tant qu’association, ils suivront l’affaire devant les tribunaux,
feront appel s’il y a lieu et useront de toutes les voies pour amener à l’application
«stricte de la Chari’a». le discours, même s’il prend un ton moins
tranché, moins brutal revient finalement au même résultat : le jeune
auteur est déjà condamné avant même que le procès ne se tienne. Et c’est là où
la question se pose avec acuité : qui doit dire quoi ?
Est-ce au seul Juge de prononcer la loi ou est-ce que n’importe qui
se sentant en mesure de le faire peut déterminer le verdict ? Est-ce que
nos Ulémas vont comprendre un jour que le rôle du Juge est celui de dire la loi
en dehors de toute forme de pression, en son âme et conscience ? Ou
devons-nous accepter que tout «’aalem» est en lui-même un Juge et peut
rendre un verdict sans procès ?
Il n’est pas utile de rappeler à nos Ulémas qu’il existe un Code
pénal qui date de 1983 et qui dit dans sa
section IV intitulée «Attentats aux mœurs de l’Islam, Hérésie, apostasie,
athéisme, refus de prier, adultère», Article 306 : «Toute
personne qui aura commis un outrage public à la pudeur et aux mœurs islamiques
ou a violé les lieux sacrés ou aidé à les violer, si cette action ne figure pas
dans les crimes emportant la Ghissass ou la Diya, sera punie d'une peine
correctionnelle de trois mois à deux ans d'emprisonnement et d'une amende de
5.000 à 60.000 UM.
Tout musulman coupable du crime d'apostasie,
soit par parole, soit par action de façon apparente ou évidente, sera invité à
se repentir dans un délai de trois jours. S'il ne se repent pas dans ce délai,
il est condamné à mort en tant qu'apostat, et ses biens seront confisqués au
profit du Trésor. S'il se repent avant l'exécution de cette sentence, le
parquet saisira la Cour suprême, à l'effet de sa réhabilitation dans tous ses
droits, sans préjudice d'une peine correctionnelle prévue au 1er paragraphe du
présent article.
Toute personne coupable du crime d'apostasie
(Zendagha) sera, à moins qu'elle ne se repente au préalable, punie de la peine
de mort.
Sera punie d'une peine d'emprisonnement d'un mois à
deux ans, toute personne qui sera coupable du crime d'attentat à la pudeur.
Tout musulman majeur qui refuse de prier tout en
reconnaissant l'obligation de la prière sera invité à s'en acquitter jusqu'à la
limite du temps prescrit pour l'accomplissement de la prière obligatoire
concernée. S'il persiste dans son refus jusqu'à la fin de ce délai, il sera
puni de la peine de mort.
S'il ne reconnaît pas l'obligation de la prière, il
sera puni de la peine pour apostasie et ses biens confisqués au profit du
Trésor public. Il ne bénéficiera pas de l'office consacré par le rite musulman.»
Nous avons besoin d’entendre nos Ulémas sur ce
texte élaboré sous la supervision d’un comité de seize grandes autorités
religieuses du pays dont le plus illustre des Ulémas contemporains, Lemrabott
Mohamed Salem Ould Addoud qui présidait ce comité. Sur cela ils doivent se
prononcer pour qu’on sache ce qu’ils peuvent apporter de nouveau par rapport à
ses éminences dont plusieurs sont encore en vie.