Après l’annonce de la convocation par le gouvernement du
collège électoral devant élire les conseils municipaux et les membres de la
future Assemblée nationale, les réactions ont été immédiates.
Dans le camp de la COD, on a annoncé immédiatement vouloir
s’acheminer vers un boycott de l’échéance. Chaque parti a laissé ses intentions
«fuiter» pour constituer des annonces
de première page dans les sites proches ou non de son point de vue. Derrière la
violence verbale qui a accompagné les différentes annonces, se cache (mal) la
difficulté de pouvoir justifier, avec propositions alternatives concrètes à l’appui,
les raisons de ce boycott. Bien sûr qu’on a rappelé la nécessité d’écarter les
gouvernants actuels, «disqualifiés par
les exercices passés». Une manière de continuer à s’accrocher au leitmotiv stérile
du «rahil».
Puis on a remis sur la sellette l’initiative du Président
Messaoud Ould Boulkheir, d’une part pour exciter l’homme contre le refus de
répondre à ses attentes, d’autre part pour réactiver la vieille proposition d’un
gouvernement d’union nationale. La démarche a (relativement) payé.
Parce que le pôle de la Coalition pour une alternance
pacifique (CAP) a commencé par hésiter et à poser des conditions comme s’il n’était
pas co-auteur du processus qui devait fatalement ouvrir sur des élections plus
ou moins consensuelles. Prétextant que la décision de convoquer le collège
électoral a été faite sans la consultation du groupe de suivi des résultats du
dialogue. Alors que la loi ne prévoit pas l’implication d’une telle structure
dont le travail consistait à faire aboutir tous les textes de lois établis lors
du dialogue entre cette partie de l’Opposition et le Pouvoir. L’un des
résultats du dialogue étant la mise en place d’une CENI qui prend en charge et
complètement les élections. Le choix de cette CENI a d’ailleurs été fait en
commun accord entre les «dialogueurs».
Même dans le camp de la Majorité, des voix se sont élevées
pour dire qu’il ne restait pas assez de temps pour choisir les candidats au
niveau de toutes les circonscriptions électorales. «Les missions de l’UPR viennent de partir et les dépôts des listes
communales doit se faire à partir du 13 août…»
Toutes ces hésitations et ses commentaires créent une
atmosphère qui rappelle l’avant-6 juin, quand le candidat Ould Abdel Aziz s’obstinait
à fixer le 6 juin (6/6), alors qu’il engageait des négociations à Dakar. Avec cette
(grande) différence : il n’y a pas de négociations en cours pour trouver
un terrain d’entente. D’ailleurs, les protagonistes politiques mauritaniens ont
perdu le contact depuis début 2011 quand ils ont choisi de s’invectiver par
voie de presse au lieu de discuter tranquillement derrière les rideaux. Que peut-on
espérer aujourd’hui ?
Deux scénarii :
·
Les choses restent tel
quel, sans concession de l’un ou l’autre des protagonistes, sans facilitation. Les
élections se feront avec ceux qui les accepteront, à savoir ceux de la Majorité
et de la CAP qui ne se dédiront pas en cours de route. Avec aussi les nouveaux
partis, ceux des jeunes notamment. Le syndrome de 1992 est là : avec une
dominante très prononcée Pouvoir et une mise à l’écart de l’Opposition qui
devra lutter pour ne pas rester définitivement sur le carreau.
·
On arrive à une
formule où l’on verrait les élections reculées, probablement une ouverture plus
ou moins conséquente de la CENI au pôle de la COD, la nomination d’un ministre
de l’intérieur plus ou moins proche de cette Opposition radicale… ou même la
constitution d’un gouvernement d’ouverture… On voit bien que c’est le jeu que
tente de faire aboutir la CAP dont certaines des composantes ne veulent pas d’élections
à terme. Si l’on trouve une formule, le Pouvoir pourra s’éviter des élections
décrédibilisées par l’absence d’enjeux politiques et risquées pour le peu d’intérêt
qu’elles susciteront.
Tout est possible en Mauritanie et avec les acteurs que
nous avons. Parce que ce qui les sépare ne relève pas de l’analyse froide, ni
de l’appréciation raisonnée, encore moins de la démarche équitable. Ce qui les
sépare, c’est d’abord l’aversion qu’ils ont les uns pour les autres, l’impression
qu’a chacun de s’être laissé avoir par l’autre, la conviction chez chacun qu’il
n’y a pas assez de place pour tous…
Le jour où chacun acceptera que c’est à lui-même qu’il doit
s’en prendre pour ses échecs, le jour où chacun acceptera de reconnaitre ses
erreurs pour ne jamais les répéter, le jour où chacun assumera ses choix et
jouera franc-jeu, le jour où chacun saura exactement ce qu’il veut, le jour où
chacun s’occupera plus d’arriver à dessein que de travailler pour l’échec de
son voisin…, ce jour-là, nous établirons les passerelles pour un dialogue
serein, nous nous écouterons les uns les autres et nous saurons que pas grand-chose
ne sépare les protagonistes politiques de chez nous, qu’ils auraient pu se
retrouver dans la même formation ou du moins converger vers l’intérêt général
de la Nation.