Nous avons vu comment les Mauritaniens ont été amenés à
construire sur de faux fondements : le processus de transition de 2005 a
été largement entaché par l’interférence des militaires dans les élections de
2006 et celles de 2007, plus pour la présidentielle que pour les législatives
et municipales. Ce qui n’a pas empêché acteurs et partenaires de parler d’«exemplarité» en jugeant du déroulement
et de l’issue de l’élection.
A l’époque, une ancienne cadre du FMI, devenue diplomate et
impliquée dans le processus politique mauritanien, disait qu’elle avait «l’impression de voir se développer le même
argumentaire quand le pays a dû justifier les faux chiffres : on a l’impression
que les Mauritaniens veulent nous convaincre qu’ils ont trompé tout le monde en
faisant croire à la naissance d’un modèle, qu’il s’agit maintenant de reconnaitre
qu’ils ont menti et fait mentir les autres et donc de reprendre le processus».
La convergence entre la volonté de reprendre du service
pour les caciques de l’ancien régime, la soif de participer à l’exercice du
pouvoir et les velléités de s’approprier la manne au plus vite, entre ça et ça,
la classe politique est aveuglé et oublie de faire une analyse juste des
rapports de force. Elle s’engage dans des «manœuvres»,
le «développement d’une tactique», l’«occupation du terrain», le «déploiement d’effectifs», le «lancement d’opérations»… une
terminologie qui fait vite de l’espace politique un théâtre d’opérations
militaires. Très vite l’image d’une conjonction entre les «victimes des militaires en 1978» (ceux qui ont perdu le pouvoir le
10 juillet 1978) et les «victimes du 3
août 2005» (ceux qui l’ont perdu à cette date-là), cette image est
surexploitée par les politiques qui veulent déstabiliser le pouvoir de Ould
Cheikh Abdallahi qui a choisi de revivifier de vieilles amours.
La décision de démettre les principaux chefs de corps, en
pleine nuit et par simple communiqué (non un décret) est la goutte qui fait
déborder le vase. La maladresse du premier tireur entraine le pays sur la voix
de l’instabilité. Le coup d’Etat s’en suit naturellement.
Quand les partenaires exigent le retour à l’«ordre constitutionnel», on peut se
demander de quel ordre ils parlent ? Selon le camp du 6 août, la
violation de l’ordre constitutionnel a commencé par le refus du Président élu de
laisser courir le processus déclenché par la motion de censure contre le
premier gouvernement de Ould Ahmed Waghf. Puis le refus de la tenue d’une
session extraordinaire de l’Assemblée nationale. Et enfin par les manœuvres
qualifiées de «dilatoires» et visant
à débaucher les parlementaires frondeurs.
Les divergences
personnelles entre les leaders politiques – décidément incorrigibles – créent des
positionnements graves : le Chef de file de l’Institution de l’Opposition
Démocratique et son parti reconnaissent et justifient ce qu’ils croient être «un mouvement de rectification». Anticipant
le coup d’Etat, l’un des députés RFD annoncera sur Al Jazeera (le 4 août au
soir) que «le vrai changement arrive».
La lecture de la situation de l’époque impose au RFD de se positionner comme il
le fait. Mais le problème du parti, c’est que la logique suivie n’a pas été l’objet
d’un «marché politique» avec les
militaires mais une position «découlant
nécessairement de la situation», celle qui fait que tout changement de
gouvernement ne peut plus signifier pour le parti que la prise de pouvoir
directe. C’est bien après les fameux «Etats
généraux de la démocratie» où une candidature «probable» du Général Ould Abdel Aziz est évoquée, que le RFD
commence à prendre ses distances. Ça, c’est une autre histoire, revenons au 6
août…