Le
faste pour l’investiture du nouveau président Ibrahim Boubacar Keita. De nombreux
invités dont les Présidents français et tchadien qui ont le plus donné pour la
libération du Nord du Mali dans le cadre de l’opération Serval. Il y avait là
aussi le Roi Mohammad VI du Maroc qui venait renouer de vieilles relations
entre les deux pays juste au lendemain d’un geste royal vis-à-vis de l’Afrique :
la régularisation des clandestins africains se trouvant sur le sol marocain.
Des
absences quand même dont les plus remarquées sont celle du Président sénégalais
et celle du mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz qui a eu quand même droit aux
remerciements du nouveau Président malien. Pour le rôle joué dans la stabilité
et la réunification du Mali. Mais les phrases «cordiales» du Président IBK ne suffisent pas à renseigner sur les
réelles intentions de l’homme vis-à-vis des pays voisins notamment de la Mauritanie.
Sa première sortie, bien avant son investiture, il l’avait réservée au Tchad, à
la Côte d’Ivoire, au Burkina…, en somme quelques-uns des pays qui ont participé
effectivement à l’opération Serval dirigée par les Français et destinée à faire
recouvrir au Mali sa souveraineté sur son Nord. Alors que l’un des défis
majeurs qu’il doit relever en ce début de mandat, c’est bien la normalisation
des relations avec les pays voisins, notamment ceux dits «du champ» (Mauritanie, Algérie et Niger). Ce sont ces pays qui ont
le plus souffert de l’indulgence des autorités maliennes vis-à-vis des groupes
terroristes et des narcotrafiquants qui ont fini par faire main basse sur le Septentrional
malien. «Indulgence», parfois «complicité» quand on sait que toutes les
opérations entreprises contre ces groupes ont été ventilées à partir du
commandement malien vers les cibles visées. C’est ce qui explique l’échec de l’opération
lancée en commun sur la forêt de Wagadu en février 2011. C’est une page qu’il
faut tourner et définitivement.
D’abord
en renforçant le dispositif militaire malien : ce ne sont pas les forces
étrangères, d’ailleurs déjà mécontentes de leur situation, qui vont pacifier le
Mali, mais seulement les fils du pays. Si l’on prête à IBK quelque vénération
pour le fondateur de l’Empire du Mali, Soundjiata Keita, il faut qu’il se
comporte et au plus vite en conquérant. Ni les Français, en phase d’ailleurs de
retrait, ni les Tchadiens, encore moins les autres unités de la MINUSMA qui
manque déjà de moyens, ne sont capables d’assurer un stabilisation définitive
de cette partie du Mali. Les groupes armés sont terrés dans les environs de
Gao, de Menaka, de Tessalit, dans les massifs de montagneux des Ifoghas, dans
le désert de l’Azawad. S’ils ont perdu quelques-uns de leurs chefs
emblématiques – Abu Zeyd, Abdallah Echninguitty…-, les plus rusés et les plus
dangereux parmi leurs leaders sont encore vivants. Où sont Belmokhtar, Iyad Ag
Ghaly, Hammada Ould Mohamed Khairou, Abul Hammam… ? Où sont passés tous
ces chefs ?
On
peut penser un moment qu’ils ont rejoint les théâtres de Libye ou de Tunisie
pour les Maghrébins d’entre eux, mais l’élément soudanais (africain) est resté,
attendant le moment propice pour recommencer à harceler les forces de maintien
de la paix qui, entre temps, donneront, par leur comportement l’argument de se
faire traiter en «forces d’occupation».
Les attaques menées contre les regroupements des combattants MNLA ne sont que
les prémisses d’une guerre dont les objectifs sont mal définis. C’est contre
les Jihadistes et les narcotrafiquants que tous les efforts doivent être
retournés. L’ennemi principal est celui-là. D’autant plus que la tension née de
ces échauffourées complique le retour des populations déplacées pendant la
guerre.
Première
leçon : la guerre n’est pas finie et seuls les Maliens peuvent la mener
jusqu’à terme. Sinon nous aurons encore et encore l’insécurité et donc l’instabilité
dans toute la région. Les rafistolages, avec notamment les accords signés ici
et là, n’y feront rien à part retarder les échéances. Le Mali doit se prendre
en charge avant de faire appel à ses frères et amis.
Un
pays en crise se devait de rompre avec les méthodes du passé et les hommes du
passé. Quand on fait la radioscopie du gouvernement choisi, on est frappé par
la présence d’anciens responsables dans les formations ATT et Alpha Oumar
Konaré, l’ancien chef d’Etat qui s’est contenté de regarder les choses arriver.
L’un des grands problèmes du Mali, c’est la gestion des affaires sous ATT qui a
eu la prouesse de mouiller tout le monde en concoctant des gouvernements d’union
nationale, procédé qui a fini par tuer l’opposition qui ne pouvait plus se
proposer en alternative au pouvoir.
Autre
défi lié à la stabilisation, c’est la réforme de l’Armée. Avec quel matériau,
quels officiers et quelle logique ? Il va falloir rendre à l’Armée
malienne sa confiance, faire oublier les massacres perpétrés par quelques-unes
de ses unités (comme celle de Diabali qui a assassiné froidement treize
prédicateurs mauritaniens en septembre 2012), effacer les images de débâcle devant
quelques poignées de rebelles des esprits et l’empêcher de se comporter en
milice cherchant à assouvir une quelconque vengeance. Difficile mais faisable. Sans
une Armée forte du soutien des populations, il ne faut pas espérer stabiliser
le Nord.
Le
Président Ibrahim Boubacar Keita l’a dit : «Tout est négociable sauf l’intégrité du territoire». Pour affirmer
ensuite qu’«il n’y aura ni fédéralisme,
ni autonomie, et encore moins de débat sur une quelconque indépendance d’un
centimètre carré du pays». Et de promettre que «plus jamais ça».
Aux
populations maliennes qui ont tant souffert. Aux pays voisins qui ont eu à
subir les dommages collatéraux d’une situation d’insécurité au Mali. A tous,
IBK a promis : «Plus jamais ça».
Qui vivra verra…