mardi 4 septembre 2012

Sur la route du Hodh (1)


Ce n’était pas un voyage d’agrément, mais une mission que m’avait confiée Sy Mamadou président de notre regroupement, le RPM. Un séminaire organisé par la Commission nationale des Droits de l’Homme en association avec le RPM. A dire vrai, je n’avais pas idée de ce que ce devait être parce que personne ne m’avais réellement édifié. Je savais tout simplement que nous étions quatre du RPM à devoir faire le déplacement. Deux d’entre nous, Mohamed Mahmoud Ould Ebilmaaly (ANI) et moi-même devions faire les modérateurs, tandis que Haiba Ould Chaikh Sidati (alakhbar.info) et Isselmou Ould Moustapha (Tahalil) devaient faire des présentations. Ould Ebilmaaly ne viendra pas.
Je prends la voiture à 5 heures du matin en compagnie d’un conseiller de la Commission et de deux journalistes de TVM, heureusement qu’elle ne pouvait prendre plus de passagers. Le voyage, commencé avec beaucoup d’enthousiasme, sera fatigant.
Plus on s’approche de Boutilimitt, plus on sent l’hivernage. Mais il faut descendre sur l’Aftout, juste après Boutilimitt, pour voir s’étaler le beau tapis vert. De quoi «se laver les yeux» de toutes les poubelles de Nouakchott… Kendelek, cette grande mare qui est devenue l’attraction des riverains et des touristes en mal d’espace, est remplie d’eau. Elle déborde sur la route goudronnée. A droite un marché de bétail improvisé depuis quelques années. A gauche, la mare et ses touristes insouciants. On imagine, à notre passage, le plaisir que l’on peut avoir à paresser sous l’ombre des acacias au bord des eaux stagnantes en attendant un méchoui savamment préparé.
Notre halte, ce sera à Bir el Barka, une sorte d’aire de repos où le service est de qualité et où la convivialité des habitants relève du sens de l’hospitalité traditionnelle. Mon ami Abdallahi est là après une longue «sortie» (kharja) avec les Du’aat, ces prédicateurs venus des confins asiatiques pour «prêcher la bonne parole et rappeler la mission de l’homme sur terre qui est celle de la dévotion». C’est comme ça que Abdallahi explique quand on lui reproche de «perdre son temps» à prêcher en milieu maraboutique largement islamisé. «Quand je les (les Pakistanais, ndlr) ai vus venir au village, j’ai eu les larmes aux yeux. Tu sais ils viennent de loin pour nous nous rappeler notre misère et nos faiblesses. Quand ils sont partis, j’ai beaucoup hésité avant de me résoudre, malheureusement pour moi, à rester ici…»
Nous quittons Bir el Barka et décidons de ne s’arrêter qu’à Kiffa. Mais le temps en a voulu autrement. A la sortie d’Ashram, un vent se lève. La pluie n’est pas loin. Il faut passer Essiyassa avant les torrents d’eau que la montagne d’Akraraay déverse sur la plaine de cet Aftout. Nous y arrivons même si la pluie commence à tomber avant d’entrer dans la bourgade de Essiyassa.
On m’a raconté un jour, que ce nom d’Essiyassa qui veut dire littéralement «la politique», lui a été donnée par un militant qui avait décidé de tenir tête à l’autorité traditionnelle de l’Emir du Tagant. Cet homme s’était retiré dans ce coin perdu et avait commencé à couper des arbres pour d’une part déblayer un espace habitable, et d’autre part créer une sorte de barrage en amassant les arbres coupés sur le chemin de l’eau. Et quand on lui demandait ce qu’il faisait, il répondait inlassablement «hadhi Essiyassa» (ça, c’est la politique). Quelques années pour avoir effectivement un barrage et un village sur les lieux. Le village s’appellera donc Essiyassa, un peu en hommage à ce combat. Vrais ou fausse, cette histoire est un peu le mythe fondateur de ce village, aujourd’hui commune.
Une bonne pluie qui nous retarde mais qui nous fait passer le temps. Quand on passe Essiyassa, il faut faire vite pour passer El Ghayra, la passe de Diouk, celle de Kamour, toutes pourraient être barrées à cause de l’eau. C’est ainsi que nous arrivons à Kiffa sans s’en rendre vraiment compte. Tout est mouillé. On va dans un restaurant. Tout y est vieux, les matelas et le mobilier n’ont pas été changés depuis le premier investissement. Mais la sympathie des gens vous fait oublier le reste. Nous pouvons repartir une heure après.