J'ai attendu tard pour savoir si des listes vont finalement être maintenues au nom de l'UFP. Sur les 24 listes
initialement déposées au nom de l’Union des forces du progrès, seules cinq ont
finalement continué la course au nom d’autres partis (Tawaçoul, Al Vadila et… Çawab).
Toutes les autres ont soit retiré leurs candidatures d’elles-mêmes, soit la
CENI leur a refusé de se présenter au nom du parti dont la direction a décidé
le boycott. En d’autres temps, non loin de nous, le nom du parti aurait été
retenu pour lui coller un score qui ne convient pas. Au moins une avancée…
Avec la décision
de la CENI, il n’est plus question de parler d’une «participation de l’UFP», on n’a pas fini cependant de parler de
cette décision de boycott qui pourrait avoir de graves conséquences pour le
parti et pour tous ceux qui ont choisi une telle attitude.
En mars 1992, l’Union
des forces démocratiques (UFD, avant d’être «/Ere nouvelle») a boycotté les élections législatives après avoir
jugé que le pouvoir sorti des urnes en janvier de la même année, que ce pouvoir
était illégitime et qu’il avait volé la victoire du candidat Ahmed Ould Daddah.
La décision a été difficile à prendre parce que les composantes – à l’époque
cela épousait les contours des groupuscules politiques – n’étaient pas d’accord
sur l’opportunité encore moins sur la justesse d’une telle décision.
Ceux du mouvement
national démocratique (MND, ancêtre de l’UFP) et ceux du Comité de crise qui
allaient constituer plus tard Action pour le Changement avant de rallier l’Alliance
populaire progressiste (APP) voyaient dans le boycott un risque de
marginalisation pour leur parti et d’interruption du processus démocratique qui
sera fatale pour le pays. Des débats passionnés et intenses vont amener à la
décision de boycott sous prétexte que le pouvoir est à ses limites, que les Observateurs
occidentaux ne reconnaissent pas les élections et que les forces de l’opposition
sont au summum de leur popularité. On fera même des variations sur la santé du
Président Ould Taya et sur ses capacités à diriger.
Ould Taya dirigera
plus de treize ans après et quand viendra le changement, ce sera un changement
de l’intérieur où l’opposition de l’époque n’a joué aucun rôle. Parce qu’entretemps,
elle a été laminée. Le parti UFD, devenu UFD/EN a éclaté d’abord avec le départ
de ceux qui allaient constituer AC puis rallier APP. Ensuite avec le
déchirement qui va donner UFD/EN A de Ould Daddah et UFD/EN B qu’animent les
amis de Moustapha Bedredine. Le pouvoir servant les deux en interdisant le
parti en octobre 2000. Ce qui obligea les uns à créer le RFD (rassemblement des
forces démocratiques), les autres l’UFP.
Les désistements
continuèrent vidant les partis de leurs cadres. Si bien que quand l’UFP engage «le compromis historique» qui conduit à l’ouverture
de contacts avec le pouvoir de Ould Taya, la résistance est nulle et tous les
partis sont obligés d’y aller, même s’ils sont convaincus qu’il s’agit d’une
mise en scène de plus. Mais douze ans d’exclusion, de tergiversations entre un
radicalisme sans moyen et la compromission évidente, douze ans ont suffi pour aplatir
la classe politique. Qui sera sauvée, in extrémis, par le coup d’Etat du 3 août
2005 : cette classe politique était déjà prête à abdiquer.
L’absence de
programme alternatif explique largement le blanc-seing offert à la junte avec
laquelle l’ensemble du personnel politique s’engage sans précautions. Les hésitations
de l’UFP seront mises sur le compte du processus interrompu, celles de l’APP
sur l’humeur du président Messaoud Ould Boulkheir. Personne ne prêtant
attention aux avertissements des deux partis qui sont rapidement dépassés par
les évènements. Les yeux sont braqués sur la présidentielle et rien ne peut en
détourner l’attention.
Passons l’épisode
des «indépendants», celui du «vote blanc» comme ultime tentative de
revenir sur le processus de transition et celui des alliances du deuxième tour
qui révèle de forts ressentiments entre les leaders de l’opposition
traditionnelle. Ce deuxième tour qui met face à face deux jeunes ministres du
gouvernement de Moktar Ould Daddah, renversé le 10 juillet 1978. Deux jeunes
ministres qui sont entrés à la politique par effraction et qui, avant leur
sollicitation n’ont jamais été intéressés (publiquement) par ce qui se passait
dans le pays. Exit les ténors des mouvements politiques, ceux qui ont animé la
scène une trentaine d’années durant, sinon plus pour certains d’entre eux. Première
conclusion : échec et mat pour les groupuscules politiques qui ont été
incapables de «produire» une figure
charismatique, pouvant fédérer les Mauritaniens. La conclusion ne sera pas
tirée par les hommes politiques.
La crise et ce qui
s’en suit. L’éclatement des composantes de la toute jeune Institution de l’Opposition
démocratique : l’UFP qui fait passer une réforme de la loi sur cette
Institution et qui finit par gagner le théâtre des opérations où se déroulent
des combats passionnés entre les pans d’un pouvoir qui n’a pas fini de se
stabiliser. Le parti est rejoint par Tawaçoul.
L’engagement de
ces partis dans une bataille qui n’est pas la leur, perturbe les rapports et
renforce les craintes de l’aile militaire du pouvoir qui y voit une tentative
de revanche des «victimes du 10 juillet
1978 et de celles du 3 août 2005». Les uns et les autres semblant converger
vers la présidence pour «pourrir la pomme
de l’intérieur». Les évènements s’accélèrent aboutissant au coup d’Etat du
6 août, qualifié par certains de «rectification».
Puis l’Accord de Dakar et le gouvernement d’union nationale chargé d’organiser une
élection présidentielle qui voit l’Opposition incapable de s’unifier autour d’une
candidature unique encore moins d’assumer ce dont elle est responsable en
premier. Elle ne reconnait pas les résultats et cherche à cacher l’échec
derrière «l’encre chimique» puis en
jouant sur les mots «élection légale»
ou «élection légitime».
On revient au syndrome
de 1992, sauf qu’il est étalé sur le temps. Le mécanisme d’alors se met
définitivement en place avec la décision de boycott de ces derniers jours. Les mêmes
causes produisant les mêmes effets, il ne faut pas s’attendre à un «rebondissement» de l’Opposition radicale
à court ou à moyen termes.