lundi 21 janvier 2013

Ce qui devait être dit


Ils étaient finalement 32 agresseurs à avoir participé à l’attaque du site gazier de Tiguentourine. 29 d’entre eux ont été tués. Ils appartenaient à sept pays différents : Algérie, Egypte, Tunisie, Mali, Niger, Canada et Mauritanie.
Le Mauritanien du groupe est un jeune du nom de Abdallahi Ould Hmeida. Il a rejoint les groupes au Nord du Mali en 2008 alors qu’il avait 14 ans. Il en a donc 18 aujourd’hui.
Deux des Algériens, Abul Bara qui a un moment été présenté comme le chef du groupe opérant à In Amenas, et Lamine Bouchenab qui en est le véritable cerveau, appartiennent tous deux à un groupe algérien dénommé «les fils du Sahara islamique». Voilà ce que nous en écrivions en avril dernier (édition N° 590 du 8/4/12), après avoir insisté sur l’option du MUJAO de cibler l’Algérie : «Un autre mouvement partage le souci de cibler l’Algérie. Un peu plus marginal que le MUJAO, le «mouvement des fils du Sahara pour la justice islamique», composé essentiellement des ressortissants des zones sahariennes algériennes. Né en 2007, il a eu à son actif une attaque célèbre : l’opération de Djanet effectuée le 8 novembre 2007 et à la suite de laquelle les autorités algériennes ont ouvert des pourparlers avec le mouvement. Pour ce faire, elles auraient utilisé les services des notabilités locales pour avoir une accalmie. Le mouvement réapparait en septembre 2011 à travers un violent communiqué annonçant que le mouvement prend ses bases dans le nord malien avec pour objectif de s’attaquer au pouvoir algérien. Les combattants de ce mouvement seraient aujourd’hui sous la bannière du MUJAO pour certains, de Ançar Eddine pour d’autres». C’est un mouvement qui voulait jouer le rôle d’Ançar Eddine mais pour le Sud algérien…
Abderrahmane Ennigery du Niger est très connu des services mauritaniens pour avoir participé à plusieurs attaques contre notre pays et pour avoir encadré de nombreux combattants recrutés parmi la jeunesse mauritanienne.
L’opération de In Amenas a finalement coûté très cher à AQMI en la privant des services de quelques-unes de ses figures les plus emblématiques et de ses animateurs les plus déterminés et les plus sanguinaires. Au moment où la communauté internationale accepte enfin de consacrer un effort pour éradiquer le crime organisé dans cette région sahélo-saharienne.
Dans le même journal de l'époque, on concluait sur AQMI :
«Que veut AQMI ? Créer un Emirat islamique qui servira de base pour«combattre les impies», gouvernements jugés à la solde de l’ennemi de l’Islam (l’Occident), populations ne se pliant pas aux «préceptes originels de l’Islam», intellectuels, cadres, femmes dévoilées… et surtout lutter contre la démocratie considérée comme une apostasie, source des malheurs des peuples de la sous-région. C’est du moins l’objectif officiellement exprimée des chefs de l’organisation.
Dans la vie de tous les jours, on les voit se mêler aux trafics les plus illicites : drogue, armes, personnes, cigarettes et même alcool. Et s’ils ont réussi leur insertion sociale dans cet espace sahélo-saharien, c’est bien parce qu’ils ont pu «accompagner», couvrir et promouvoir les activités qui font vivre les populations et qui sont nécessairement des activités illégales.
Avec la prise des grandes villes du nord malien par ses alliés d’Ançar Eddine et ceux de MUJAO, AQMI aura à faire une mutation. De mouvement faisant des montagnes Tegharghar un Tora Borasaharien, AQMI est désormais adressée dans des villes comme Tombouctou, Gao ou Kidal. Peut-être pas ses éléments algériens, mais son élément africain, surtout malien et mauritanien. Est-ce à dire qu’il est plus facile désormais d’éradiquer le mouvement ? Rien n’est moins sûr maintenant qu’elle a de nouveaux armements, des bases fixes et un territoire à défendre.
Les spécialistes ont souvent parlé de la volonté d’Al Qaeda de provoquer l’arrivée sur ses territoires d’opération d’un élément militaire occidental. Cela lui permet à chaque fois de transcender le débat sur la légalité de combattre une armée d’occupation, et en même temps de justifier de nouveaux recrutements. C’est la théorie de «l’ennemi lointain» qu’il faut amener à proximité en combattant «l’ennemi proche» que sont les gouvernements locaux (Jean-Pierre Filiu).
Certains considèrent que les attaques du 11 Septembre ont été une catastrophe pour Al Qaeda et ses protecteurs Talibans, pour ce qu’elle a signifié de désastres, de morts ciblées, de démantèlements de réseaux, de perte d’initiative… D’autres estiment par contre qu’elle a permis à la nébuleuse de vivre une multitude de vies et sur tous les continents.
Qu’en sera-t-il de l’expérience que nous voyons se déployer au Mali ? Va-t-elle servir AQMI en en faisant un mouvement de libération nationale, ou, au contraire, va-t-elle la desservir en mettant à nu son caractère encombrant pour les populations ? En d’autres termes, dans les jours qui viennent, l’enjeu ne sera pas seulement «quelle intervention pour éradiquer le mouvement ?», mais celui de savoir qui des protagonistes présents, aujourd’hui alliés, va servir l’autre (ou le desservir)».