Tijigja commence à reprendre son rythme normal. Les «visiteurs» quittent
par groupes la ville dont ils ont dérangé la quiétude pendant quelques jours. Ils
étaient deux à trois mille, entre originaires de la ville et gens venus d’ailleurs,
à avoir fait le déplacement en vue d’assister au festival des dattes dans sa
troisième édition.
Je vous avais raconté le côté «désorganisé» de la cérémonie d’ouverture. Une
désorganisation somme toute «normale» dans une société où tout un chacun se
veut le centre de tout, le noyau de tout, le point focal… Normal aussi pour
garder cet aspect festif du… festival.
Des conférences pour présenter la région, les grandes figures de cette
région, leur parcours, leurs productions, leurs apports… Des expositions
permanentes de produits oasiens, de manuscrits, de produits artisanaux…
Malgré l’opportunité d’ouverture et de rencontres ouverte par la
manifestation, on peut retenir quand même qu’elle ne fait pas l’unanimité. C’est
ainsi que les habitants des communes environnantes de Tijigja trouvent, on va
dire «anormal» le fait de ne pas les intégrer dans le programme du festival. Pour
cet habitant de Nyimlaane, une oasis situé à une trentaine de kilomètres de
Tijigja, haut lieu de résistance, grande inspiration des poètes de l’espace
tagantois, «il aurait été plus juste de consacrer un jour à une palmeraie comme
celle de Nyimlaane, ou celle de Rachid ou de Lehweitaat… Faire profiter toutes
les belles oasis de la région, ou les plus accessibles d’entre elles, de cette
grande opération de communication. Cela aurait permis de voir une production
plus variée, plus importante, des activités économiques autres que celles que l’on
a dans la grande ville où l’activité oasienne a fini par être un luxe. Alors que
chez nous, elle est restée une activité de subsistance, une possibilité de vie,
et nous l’avons gardée tout en la développant de manière à préserver les
traditions…»
Le rendez-vous est aussi un lieu politique où convergent toutes les
versions de Adil, le parti créé par le Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi et
dont l’essentiel des troupes a fini à l’Union pour la République (UPR) créé
pour soutenir «le pôle du candidat Mohamed Ould Abdel Aziz», pour parler le
langage de l’époque (mai-juin 2009). Le parti Adil souffrira du positionnement
de sa direction qui préféra, en 2010, aller rejoindre la Majorité
présidentielle. Refusant cet alignement qui a fait suite à des négociations
dont le Maire de Tijigja était l’un des artisans, quelques figures de ce parti
gèleront leurs activités avant de quitter le parti pour rejoindre la
Coordination de l’opposition démocratique (COD).
Deuxième force présente à Tijigja, c’est naturellement l’Union des forces
du progrès (UFP) avec ses députés et son ancrage «social». Avec la présence de
son premier vice-président, Mohamed Yahya Ould Horma, la personnalité de son
fédéral et la présence de quelques-uns de ses élus (d’ailleurs), l’UPR était
très visible. Pas nécessairement dans les discours, mais dans les premiers
rangs…
Tout ce monde politique se côtoie, échange, discute… pendant quelques
jours. Est-ce suffisant pour établir un dialogue ? Rien n’est moins sûr,
même si, en Mauritanie, l’essentiel se passe en informel.
Le moment est aussi celui de l’opportunisme et de l’arnaque. Des crieurs
publics qui chantent (ou «dé-chantent») les cadres qui jouent les notables
généreux en contrepartie de quelques cadeaux (en espèce) offerts plus ou moins
publiquement. Cette fonction ne reconnait pas les barrières : du chérif,
prétendu descendant du Prophète (PSL) au forgeron, en passant par le hartani,
le guerrier ou le simple marabout, vous y trouvez toutes les origines sociales.
C’est un legs du PRDS et de son époque qui permet d’avoir un revenu sans gros
efforts.
Mais cette (nouvelle) profession doit se faire avec les «journalistes»
venus en dizaines, tantôt en groupes de quatre, tantôt en solo. Comme les
précédents, ils font le porte-à-porte avec des appareils photo, des blocs-notes
où ils font semblant de prendre note, des cartables où ils mettent le produit
de la quête en attendant l’occasion de se partager la moisson…
Restera malgré toutes les insuffisances – corrigibles pour les prochaines
éditions -, le souvenir d’une ville chargée d’Histoire et d’une population où
la bonté et la générosité sont la nature première.
…Oui la beauté du Tagant n’est
pas comparable à la beauté d’un espace autre, et les proches qui y sont ne sont
trouvables nulle part ailleurs. A-t-on bien traduit les paroles de Wul El Gaçri ?
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