Au
moment où l’Union africaine (UA) fête ses cinquante ans, il serait utile de
rappeler nos rapports avec le continent et d’essayer d’en fixer les contours
prochains.
Si
le Président Moktar Ould Daddah avait été l’un des pionniers du militantisme
panafricain, ses successeurs ont œuvré pour l’éloignement du «giron africain». C’est comme ça que
certains idéologues, d’inspiration nationaliste, ont vu le continent dans ses
rapports avec la Mauritanie. les courants nationalistes ont jugé que
l’intégration africaine était porteuse d’aliénation culturelle et de risques
dans le déséquilibre «ethnique».
Perçu
par les fondateurs comme «trait-d’union»
entre l’Afrique blanche au nord du Sahara et l’Afrique noire au sud, la
Mauritanie a, en quelques décennies (deux), tourné le dos à son versant sud.
Les fortes inspirations nationalistes (arabes) de Ma’awiya Ould Taya y sont
pour quelque chose. Le conflit avec le Sénégal sera une étape dans ce processus
qui devait aboutir à la sortie de la CEDEAO. Signe de ce dédain vis-à-vis de
l’Afrique : les absences répétées aux manifestations panafricaines du
Président Ould Taya qui avait fini par expliquer à ses proches que «notre place n’est pas au milieu de ces pays
moins développés que nous, mais parmi ceux du Nord qui sont similaires». La
folie des grandeurs mène loin.
La
tendance chez le Président Ould Abdel Aziz est toute autre : il ne rate
pas une occasion de se rendre dans les pays africains, aux sommets et
rassemblements panafricains. Il s’est vu investis deux fois de missions de paix
en Afrique (en Libye et en Côte d’Ivoire) pour avoir été le président du
Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l’UA. Il a reçu à Nouakchott une
vingtaine de chef d’Etats africains depuis qu’il a été élu en juillet 2009. Il
fait preuve publiquement de sa volonté de faire réintégrer la Mauritanie à son
milieu africain.
Dans
quelques mois, des élections législatives seront organisées. Un nouveau
Parlement en sortira. Il sera important pour le pays et pour les politiques de
faire du recentrage de la politique africaine de la Mauritanie un thème de
campagne. Avec comme questionnements : quel rôle pour la Mauritanie en
Afrique ? faut-il ou non revenir à la CEDEAO ? comment faire évoluer
l’intégration dans l’espace OMVS ?
Mais
déjà, il faut ouvrir un débat sur la participation de la Mauritanie à la force
de maintien de paix au Mali. Quel intérêt pour notre pays d’y participer ?
quelle mission pour lui ? en quoi cela peut-il permettre de réintégrer
cette aire naturelle ouest-africaine ?
Si
l’on se pose ces questions à temps, on pourra imposer aux futurs candidats à la
présidentielle de 2014 d’en faire un thème central de campagne.
Nous
avons quitté la CEDEAO en 2000. Nous savons à présent ce que cela a coûté à nos
communautés établies dans les pays de l’ensemble ouest-africain. On sait que
cela a contribué à isoler un peu plus la Mauritanie, à dénaturer ses vocations
premières dont celle d’être une terre de convergence et de rayonnement sur les
espaces dont elle se réclame. On est tous d’accord pour gausser les raisons qui
ont amené les autorités de l’époque à prendre une telle décision. On sait qu’on
n’est rien au sein de Maghreb Arabe si on n’apporte pas avec nous cette
possibilité (capacité) d’ouverture sur le Sud, qu’on est encore rien au sein de
l’Ouest-africain si on n’est pas cette interface avec le Nord.
La
Mauritanie est faite d’un mélange humain qui a donné une culture aux multiples
facettes et dont le devenir a été conditionné par une géographie qui lui donne
ce formidable atout d’être à la fois maghrébine et ouest-africaine. Seule une
politique volontariste d’ancrage dans l’ensemble ouest-africain peut nous
permettre de recouvrer notre vocation originelle de trai-d’union – cette
fois-ci on va traduire le concept non pas par «hemzet el waçl» qui n’a aucun effet sur la construction du mot,
mais en «ard elliqaa» (terre de
rencontre).