C’est
aujourd’hui que la Mauritanie a gagné la bataille engagée autour de l’Accord de
pêche avec l’Union européenne. Bataille engagée depuis juillet 2012, date de la
conclusion des accords entre les négociateurs des deux parties.
Grand
jour. Parce que c’est la première fois de l’histoire récente du pays qu’un
accord, quel qu’il soit, est l’objet de négociations sérieuses et déterminées
dont l’objectif est d’en faire profiter le pays. En effet, tous les accords
précédents ont été signés rapidement, sans confrontation et dans une atmosphère
quelque peu suspicieuse quant à l’engagement du négociateur mauritanien. On a
même parlé de «corruption», sinon de «je-m’en-foutisme» des négociateurs
mauritaniens. Pendant très longtemps, l’important est de rapporter un document
signé, pas ce qu’il y a là-dedans.
Au
terme de cet Accord – rappelons-le -, la compensation versée à la Mauritanie
sera de 110 millions d’euros dont 70 supportés par la Commission et 40 par les
armateurs. Les captures sont désormais débarquées dans les ports mauritaniens,
ce qui, au-delà du contrôle du produit, donnera un plus d’emplois et permettra
aux usines à terre de tourner en plein régime. 62% de personnels mauritaniens
obligatoirement embarqués et bien d’autres avantages dont le moindre est une
(re)limitation des zones de pêche visant à limiter les dégâts causés par la
flotte européenne. Mais le plus grand «acquis»
du nouvel accord est sans doute la fermeture du secteur des céphalopodes devant
les étrangers. Ce produit est désormais réservé aux seuls nationaux. Quand on
sait que la pêche artisanale emploie 30.000 personnes environ sur les 36.000
que compte le secteur, quand on prend en considération la menace qui pèse sur
cette ressource jusque-là surexploitée, on comprend alors la portée d’une telle
décision. Et c’est principalement ce volet de «nationalisation» de la ressource qui a provoqué l’ire des
Espagnols.
Dans
le bras de fer qu’ils engageront, les Espagnols réussiront à embarquer avec eux
les Portugais, les Hollandais, les Lituaniens… Pas pour longtemps. Les arguments
développés par le négociateur mauritanien et la mobilisation de certains des
acteurs (les artisanaux) vont permettre de «casser»
l’alliance contre l’Accord. La partie européenne reconnait désormais que «le
protocole servira mieux les besoins alimentaires des populations locales,
notamment parce que la flotte européenne devra redistribuer une partie de sa
pêche. Il prévoit également davantage d’offres d’emplois pour les marins
mauritaniens.»
Sur son blog,
le député européen Alain Cadec qui se trouve être le vice-président de
la commission de la pêche du Parlement européen, explique : «J’ai voté en faveur de ce protocole que je considère comme juste
et satisfaisant. La contrepartie financière payée à la Mauritanie a augmenté
afin de permettre le développement du secteur mauritanien de la pêche. Les
quotas de thon, crevettes et merlu noir sont satisfaisants pour la flotte
européenne. Enfin, les conditions techniques de l’accord négociées pour les
armateurs européens sur place sont elles aussi meilleures que celles du
protocole précédent (…) Le rejet de cet accord aurait
été un mauvais signal donné à la Mauritanie et aurait entraîné l’arrêt des
activités de pêche pendant au moins trois ans. Je me félicite du vote du
Parlement qui a largement adopté cet accord». Tandis que le
rapporteur Gabriel Mato Adrover, le député espagnol qui avait tout fait pour
bloquer l’Accord préfère porter son regard sur l’avenir : «Nous devons désormais nous préparer au
renouvellement de cet accord, qui devrait expirer fin 2014, afin de garantir
que le prochain protocole améliore les conditions actuelles et que les
négociateurs de la Commission européenne veillent à ce qu’il inclue le secteur
dans son ensemble». L’ambiance sera chaude quand s’ouvriront les
discussions en 2014…
En attendant comprenons que le processus a réussi
parce que, les négociateurs, s’appuyant sur une volonté politique déterminée,
ont cherché à défendre réellement les intérêts du pays. Les interférences «politiques» et «diplomatiques» n’ont pas fait plier les autorités mauritaniennes
qui ont confié le traitement de la question à des techniciens qui avaient la
compétence nécessaire et qui étaient à l’abri des tentations.
La conclusion de l’Accord nous enseigne que ce n’est
pas parce qu’un pays est faible qu’il ne doit pas défendre ses droits et croire
à la victoire. Comme elle nous enseigne qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des
accords avec nos partenaires s’ils ne profitent pas à tous. Leçon destinée à
nos négociateurs qui sont toujours prompts à signer tout pourvu qu’on puisse
faire une dépêche sur telle ou telle convention.