Le 13 octobre 2012, un samedi, deuxième jour d’un
weekend tranquille. Sur le plan politique, la série de manifestations lancées
par la Coordination de l’Opposition démocratique atteint son summum avec la
marche d’il y a quelques jours. Toujours le slogan «irhal» (dégage) qui prend un coup dé vieillesse déjà tout en
faisant craindre le pire pour le pays.
Sur le plan sécuritaire, la guerre au Mali prend l’allure
d’une guérilla que mènent les Jihadistes frappant quand ils veulent et où ils
veulent. Cherchant aussi à étendre la guerre ailleurs qu’au Mali.
Malgré ces foisonnements, la situation est calme en
Mauritanie et rien n’inquiète vraiment. Un peu après 20 heures, une nouvelle
fait le tour de Nouakchott : le Président de la République Mohamed Ould
Abdel Aziz a été victime d’un tir au nord de Nouakchott alors qu’il revenait d’une
sortie en plein désert en compagnie d’un proche.
On pense tout de suite à une tentative d’assassinat
qui serait menée par des éléments d’AQMI. C’est bien le régime de Ould Abdel
Aziz qui a porté les coups les plus durs à cette organisation terroriste, n’hésitant
pas à envoyer les troupes mauritaniennes dans le Nord du Mali. Une stratégie
payante parce qu’elle a fini par porter la peur dans le camp ennemi et à
éloigner celui-ci des frontières mauritaniennes. Elle a aussi été l’occasion d’une
remise à niveau de notre Armée nationale qui a désormais les moyens et la
volonté de défendre l’intégrité du pays. Pour le symbole, le Président Ould
Abdel Aziz, même s’il a refusé de participer à l’opération française Serval,
reste la cible idéale des groupes terroristes et des trafiquants de drogue et d’armes
dont il a dérangé définitivement les activités dans le grand Sahara.
Mais très vite l’on apprend la réalité de ce qui s’est
passé. Un jeune officier dirigeant une formation d’un groupe de sous-officiers
de l’Armée de l’Air, a tiré sur une voiture qui essayait de le dépasser à toute
vitesse. Un beau 4x4 – V8 – dont le chauffeur avait ignoré les gestes de l’officier
intimant l’ordre de s’arrêter.
Dans la voiture en question, le Président et son
compagnon ne pouvaient soupçonner qu’il s’agissait de militaires mauritaniens. Les
deux hommes qui étaient là étaient en civil, l’un était barbu et portait une
djellaba. La voiture qu’ils avaient était de type civil, immatriculée à l’étranger.
Tout pour les rendre suspects. Un coup de volant et la voiture fonce pour s’éloigner
au plus vite. Suffisant pour exciter le jeune officier qui tire visiblement en
visant les pneus. Mais la position à genoux devait le déséquilibrer. Assez pour
que la rafale touche la carrosserie de la voiture, au niveau de la portière
arrière et celle de devant. Le Président est touché au moins au niveau des
reins. Heureusement qu’aucun organe vital n’est touché.
Il a la présence d’esprit de foncer après avoir été
rejoint par des éléments de la sécurité qui l’accompagnaient de loin. A sa
sécurité il demandera de revenir vers les «agresseurs»
pour savoir de qui il s’agit. Conduisant sa voiture, il arrive à l’hôpital
militaire où il est immédiatement pris en charge par les meilleurs chirurgiens
du pays. Quand il va en France, les médecins attesteront du professionnalisme
dont les nôtres ont fait preuve.
Rumeurs folles qui ne se terminent pas avec l’évacuation
du Président en France et sa prise de parole avant son départ. Entre les
insuffisances de la communication officielle et la campagne mensongère qui
occupe la rue, la Mauritanie tangue à certains moments. On croit être au bord d‘une
déstabilisation imminente, soit par coup d’Etat, soit par soulèvement.
Pourtant, le cours de la vie est normal. Rien ne
semble manquer. Pendant plus d’un mois le Président de la République sera
absent, la vie publique continuera à suivre son cours. Aucun projet arrêté,
aucun retard dans les salaires, dans les rendez-vous… Et la rumeur qui devient
une arme. Jusqu’à son arrivée triomphale le 24 novembre, les rumeurs à son sujet
continueront à être entretenues. Puis vint la fameuse interview pendant
laquelle il explique son absence, il parle des faits. Pour se remémorer, je
vous propose le posting du 20 novembre 2012 :
«La rumeur sur la santé du Président avait repris de
plus belle. A la veille de la manifestation organisée par l’a Coordination de
l’opposition démocratique (COD) autour de «la vacance du pouvoir» (pas
moins !), la question était de savoir quand est-ce que le Président va
venir déclarer lui-même son incapacité. C’est ce que les hauts cadres
politiques, les intellectuels les plus avertis tenaient à discuter… quand la
nouvelle est tombée…
Sur les ondes de RFI,
on annonce le rendez-vous entre les deux présidents, le mauritanien Mohamed
Ould Abdel Aziz et le français François Hollande. Rendez-vous qui a lieu à 11
heures ce matin de mardi. A la sortie de l’audience où il paraissait, certes amaigri,
mais en bonne santé quand même, le Président Ould Abdel Aziz déclare qu’il
rentre «bientôt» à Nouakchott. Plus tard, c’est la présidence mauritanienne qui
annonce la date du 24 novembre comme date du retour du Président. Il sera donc
là pour commémorer l’indépendance nationale, quitte à revenir dans les semaines
qui viennent à Paris pour un dernier contrôle.
En Mauritanie, c’est
le soulagement malgré les dernières tentatives d’intoxication. Il faut attendre
la diffusion de l’interview accordée à France 24 par le Président et sa reprise
par la télévision nationale pour assister à l’explosion de joie.
L’heure est aux
bilans. Au niveau des camps politiques, il y a lieu, comme nous l’avons déjà
fait, de souligner la capacité du pouvoir à contenir le choc sans précédent à
plusieurs égards. C’est la première fois de l’Histoire du pays que les
Mauritaniens vivent une telle situation, nous n’y reviendrons pas. Cette
situation a ouvert la voie à toutes les manigances et pour la première fois,
nous avons failli assister à un coup d’Etat par la rumeur.
L’épisode du samedi 28
octobre est effectivement une tentative de déstabilisation savamment orchestrée
et qui a failli aboutir n’était-ce le sang-froid et la retenue de ceux qui
avaient en charge d’assurer l’ordre et la sécurité. Imaginons un moment qu’en
un lieu donné de Nouakchott, quelques badauds avaient pris au sérieux les
rumeurs de renversement du régime, d’affrontements entre factions du pouvoir,
d’absence de direction des opérations, pour piller une boutique, qu’ils aient
été dispersés violemment par la police ou la garde, que pour cela on ait
utilisé des grenades lacrymogènes, imaginons le bruit que cela ferait,
complétant le tableau de désordre qu’on a voulu installer… un chao était espéré
ce soir-là… heureusement pour tout le monde finalement que le pire n’est pas
arrivé.
Le système aura donc
tenu tout ce temps. Ni le chef d’Etat Major national, ni le Premier ministre,
ni le Cabinet présidentiel, ni les responsables de la sécurité n’ont cédé à la
panique. Il y a, pour Ould Abdel Aziz, quelque chose sur lequel il peut
construire un système qu’il a jusqu’à présent éviter d’asseoir.
Entre ceux qui ont
juré par Allah que «Ould Abdel Aziz était dans l’incapacité de diriger» et ceux
qui ont défendu les pires thèses sur la personne, on retiendra que des hommes
politiques, des intellectuels qui se croient de haut niveau, ont fait des
viscères d’un homme et du drame d’un pays, un sujet de conversation tout au
long de ces longues semaines. Comme s’il n’y avait plus d’humanité en eux…
On retiendra pour nous
autres, tous ces développements qui prétendent à la science autour des
intestins, du foie, des blessures à l’abdomen, des montages photos, des récits
bien cousus… comme si la seule expertise que nous avions à développer est celle
de la confection du faux. Rappelez-vous tout ce qui a été «prouvé» grâce à
l’éveil technique (et technologique) de nos journalistes, toutes ces photos
dont on avait démonté le faux. Rappelez-vous ces récits dont l’objectif était
de dénigrer l’institution en travaillant les circonstances de l’accident.
Rappelez-vous ces intellectuels, pseudos penseurs, quand ils se lançaient dans
des démonstrations à partir de faits virtuels…
Rappelez-vous et dites-vous que notre élite est à un niveau de réflexion,
à un niveau de «moralité», à un niveau d’engagement… désespérants.»