Quand
en 1989, le gouvernement de Ould Taya refusait de communiquer ou de laisser
communiquer sur les évènements avec le Sénégal, il condamnait le pays à
paraitre comme le méchant du contentieux. Tout le monde l’avait dit, lui-même
l’avait reconnu. On croyait qu’avec lui finissait cette époque où la rigidité
de la personne et son renfermement déteignait sur la conduite des autorités.
L’ouverture médiatique sans précédent enclenchée en 2005 devait convaincre les
premiers décideurs de l’utilité d’une communication utile et efficace. Rien ne
semble acquis.
On
doit certes se féliciter de la rapidité avec laquelle les autorités ont donné
l’information sur l’accident du Président, même si les imprécisions devaient
participer à semer la confusion. Se féliciter surtout de la sortie du Président
lui-même avant de prendre l’avion pour Paris. Mais depuis ?
On
a cumulé maladresses et insouciance. Quand on sort une photo du Président en
pyjama, en compagnie du ministre de la défense en visite à Percy, on prend
beaucoup de risques. Quand, une semaine après les évènements, on décide de
sortir la version du tireur malheureux, on ajoute à l’interrogation. Quand on
publie, sans l’image ou le son, un message du Président à son peuple, on
renforce le doute…
En
la matière, l’amateurisme n’a pas sa place. Il peut même être contreproductif
donc dangereux. Qu’est-ce qui est en jeu ? C’est la santé du Président de
la République. Ce n’est pas celle du citoyen lambda. C’est celle de celui qui a
été élu par 53% de Mauritaniens pour assurer la stabilité du pays, la justice
pour les citoyens, l’application de la loi, la prospérité pour tous, la
démocratie, l’égalité… je cite en vrac pour dire l’ampleur de la mission de
l’homme dont on ne sait absolument rien aujourd’hui. Du moins officiellement.
Quand
les autorités ont communiqué l’autre soir sur les évènements, il y a eu une
version officielle, plus ou moins crédible mais tout à fait proche du réel.
Cela a fait cesser momentanément les rumeurs. Alors pourquoi ne pas communiquer
aujourd’hui ?
Etant
à Paris, je crois savoir que le Président s’est rendu, après sa sortie de
Percy, dans une maison de la campagne, «hors de Paris» en tout cas. Là, il vit
une convalescence entouré de ses proches, sans contact avec les Mauritaniens de
France. Mais en liaison permanente avec le pays dont il suit les affaires comme
s’il était en voyage. Qu’y a-t-il diable à cacher en cela ? Rien sinon
qu’on veuille, pour une raison ou une autre, entretenir les rumeurs les plus
folles. Quel intérêt ? Aucun, si ce n’est de cultiver une culture de doute
et de décrédibilisation de tout ce qui est officiel.
Le
droit de savoir et le devoir de communiquer, deux notions qui doivent être
remises à jour chez nous. Deux notions qui sont aussi le fondement de la
démocratie, même si elles n’ont jamais semblé préoccuper la plupart d’entre nos
acteurs.
On
sent l’inquiétude chez chaque Mauritanien. L’inquiétude fonde le doute qui est
en lui-même un drame que notre espèce peut vivre en termes de violentes
déchirures. Ce n’est pas de la philosophie, c’est la condition humaine qui fait
qu’on n’aime pas l’incertain, qu’on est sceptique quand on sent qu’on nous
cache quelque chose et qu’on perd la foi quand on est à ce stade-là.
Demain le Président rentrera ou après-demain… Restera
pour nous le goût amer d’avoir été floués : nous ne savons rien
aujourd’hui (de précis) de l’homme qui a promis d’être «nouveau» et qui ne nous
a jamais rien caché depuis qu’il est là.