Du
25 au 27 mai dernier, négociateurs mauritaniens et européens se sont retrouvés
à Nouakchott pour un deuxième round de négociations commencées à Bruxelles
quelques semaines plutôt.
C’est
naturellement Cheikh Ould Baya, conseiller technique du ministre des pêches,
qui a dirigé la délégation mauritanienne. Lui qui avait dirigé celles qui
devaient aboutir à l’Accord de juillet 2012 qui prend fin en juillet 2014 et
pour le renouvellement duquel, les négociateurs des deux parties se retrouvent.
L’ordre du jour comportait une évaluation des résultats du premier round et une
discussion approfondie des projets de textes dont le Projet de protocole
lui-même en plus des fiches techniques et des annexes prévues.
Lors
des discussions, les Européens ont rappelé les principes qui fondent ce genre
de protocole et qui s’inscrivent dans le cadre de la nouvelle politique
européenne des pêches visant à instituer une exploitation durable et équitable
(en terme de commerce) dans les accords. Dans ses fondements la nouvelle
politique insiste sur la nécessité de permettre aux pays «partenaires»
de développer leurs ressources, de créer des richesses nouvelles à partir de
leur exploitation, de multiplier les opportunités d’emploi, d’assurer un
équilibre dans la gestion de ces ressources. De telle manière à permettre aux
deux parties de profiter en ayant de meilleures retombées économiques et
sociales. En contrepartie de conditions de rentabilité, la Mauritanie doit
profiter largement de ses ressources.
Les
Mauritaniens ont loué cette politique qui peut permettre à la Mauritanie de
recouvrer ses droits et de profiter effectivement de sa ressource, de fonder
ainsi un commerce équitable. Le point d’achoppement ici a été, pour les
Européens, de distinguer «l’appui sectoriel» de «l’appui budgétaire».
Persiste aussi la «divergence d’interprétation» notamment sur la date
d’expiration de l’Accord. Alors que l’Accord a été signe le 31 juillet 2012.
Mais les «résistances» suscitées par certains armateurs européens
(espagnols surtout) avec la complicité de leurs consignataires mauritaniens,
avaient poussé la plupart des opérateurs à ne commencer réellement leurs
activités qu’après l’adoption de l’Accord par le Parlement européen. Pour les
Européens, c’est le début des activités qu’il faut considérer (15/12/2014).
Pour les Mauritaniens, c’est plutôt la date de la signature de l’Accord
(31/07/2014), le quota européen n’ayant pas été cédé à un intervenant autre. Le
risque de voir les Européens trainer jusqu’à la veille de l’expiration «normale»
(31 juillet) de l’Accord de deux ans, est bien là. Pour l’éviter, les
Mauritaniens demandent un délai de réponse plus tôt. Une solution doit être trouvée au plus vite.
L’autre
grande divergence est au niveau des aspects financiers du futur accord. Les
Mauritaniens considèrent qu’ils ne vendent pas une quantité de poisson, mais
qu’ils vendent un accès à une ressource que les Européens «compensent».
Avec l’avantage pour eux de la proximité des lieux d’activité et des marchés
d’écoulement qu’il faut aussi «payer», tout comme la qualité du produit
et les conditions naturelles favorables. Aussi faut-il corriger la perception
que les Européens ont des 2% prélevés sur le pélagique qui n’est pas une «charité»
aux populations démunies, mais un élément de la compensation globale.
La
transparence, les conditions de gestion et de suivi de l’appui sectoriel, ainsi
que le partenariat entre privés des deux côtés, ont fait l’objet de discussions
approfondies et sérieuses. Concernant les annexes, les deux parties étaient
d’accord sur les modifications à apporter, notamment en matière de mise en
œuvre du protocole. Le débat sur la question sera approfondi lors des
rencontres prochaines.
Ce
que nous écrivions de l’Accord du 12 juillet (posting du 17 juillet
2012) :
«Après quelques sept rounds de
négociations officielles et quatre rounds plutôt «techniques»,
Mauritaniens et Européens sont arrivés à un accord fixant de nouvelles règles en
matière de pêche. Le précédent accord arrivait à échéance le 31 juillet,
c’est-à-dire dans quelques jours. Le nouvel accord couvre la période des deux
années à venir à compter du 1er août
prochain.
«Nous sommes parvenus à un accord pour deux ans après un
marathon de 15 mois de négociations qui ont été par moment intenses», a
déclaré Cheikh Ould Baya, conseiller du ministre des pêches et chef de la
délégation mauritanienne. Selon lui, les négociations ont buté sur deux aspects
de la problématique : le niveau de la redevance et le souci de préserver
la ressource halieutique. L’accord est «historique» sur la forme et sur le
fonds.
C’est la première fois que les négociateurs mauritaniens ont
négocié d’égal à égal avec les Européens. Aucune pression politique n’a été
ressentie. La présidence mauritanienne s’est abstenue d’interférer malgré
quelques tentatives européennes de l’impliquer.
Les résultats sont aussi sans précédent.
La compensation qui s’élevait pour le précédent accord à 76,5
millions d’euros est de 113 millions euros aujourd’hui. Dont 67 millions sous
forme de compensation financière, le reste étant constitué essentiellement de
redevances de pêche. Dans le nouvel accord justement, ce ne sont plus les
caractéristiques du bateau qui fixent le niveau de ces redevances, mais la
quantité pêchée. On revient donc à une situation plus juste et plus équitable.
L’ancien accord taxait au même niveau des bateaux ayant
différentes capacités de captures et faisait perdre à la Mauritanie l’occasion
d’appliquer la réalité des redevances. C’est désormais à la tonne pêchée que la
redevance sera prélevée. De 10 millions d’euros, les redevances vont passer à
près de 40 millions. C’est pourquoi l’important, ce n’est pas le nombre de
bateaux qui vont pêcher mais la quantité qui sera pêchée et qui se situe aux
environs de 307.000 tonnes entre crevettes, merlus et pélagiques, en plus de la
trentaine de thoniers autorisés.
Désormais toute la pêche de fonds sera débarquée à Nouadhibou.
Ce qui permettra un meilleur contrôle et surtout des emplois. Le pélagique sera
lui entièrement transbordé dans le port de Nouadhibou.
Le niveau de mauritanisation de la main d’œuvre passe de 25% à
60%. Tandis que la pêche des céphalopodes est reconnue monopole mauritanien. De
quoi satisfaire les producteurs artisanaux mauritaniens dont les produits
étaient jusque-là concurrencés par ceux des bateaux européens subventionnés et
déjà à la pointe du modernisme en matière d’équipements. Ce qui permettra de
booster la pêche artisanale dans notre pays.
La surveillance satellitaire ne passe plus par les pays tiers
mais elle est directement effectuée à partir de la Mauritanie. Les zones de
pêches ont été réduites pour préserver les espèces. C’est ainsi qu’au sud de
Timeris, le pélagique passe de 13 à 20 miles et les crustacés de 6 à 8 miles.
Au nord du cap Timeris, les distances permises sont plus importantes.
Enfin 2% du pélagique pêché seront reversés au profit des
poissonneries populaires existant dans une dizaine de Wilayas (environ quarante
points de vente d’un poisson de qualité à moindre prix). Cette opération semble
charmer les partenaires européens parce que les Espagnols financent déjà un
projet du genre pour cinq millions d’euros.
«C’est un accord équitable qui s’inscrit dans la durée»,
a déclaré de son côté le négociateur européen, Stefaan Depypere ajoutant qu’il
respecte les «bases scientifiques de la préservation des ressources».»
Espérons que la dynamique pour une pêche durable
et pour un commerce équitable développée par les Européens tienne encore. Côté
mauritanien, l’engagement politique soutenant les négociateurs et les
techniciens impliqués dans les négociations, cet engagement n’a pas faibli
apparemment.