La
situation au Nord Mali n’est pas près de se stabiliser. Nous assistons déjà à
ce que les spécialistes appellent «la deuxième phase» de la guerre menée
sous l’égide de la France «contre le terrorisme». Du moins
officiellement…
Comme
on s’y attendait, les bandes armées ont vite fait de se retirer des villes et
de gagner les montagnes où elles avaient aménagé, depuis longtemps et en
prévision de ce qui allait nécessairement suivre un jour, une retraite
imprenable.
De
ces retraites, elles pourraient mener des incursions, planifier et exécuter des
opérations ciblées, cacher des otages pour en faire des boucliers humains le
moment venu. Tapis dans leurs repaires, les combattants attendront l’heure
propice pour faire le maximum de dégâts et paraitre comme des libérateurs.
Ce
n’est pas par hasard que c’est dans la région de Gao que nous assistons à une
résistance farouche de ces bandes. C’est tout simplement ici que la vindicte
des éléments de l’Armée malienne a été la plus dure et la plus aveugle.
Touaregs, Songhaïs, Peulhs et Arabes ont subi la loi du vainqueur. Il ne faut
pas croire que ceux qui meurent quotidiennement les armes à la main ou en se
faisant exploser à Gao ne sont pas des Maliens. Ce sont bien des Maliens
appartenant à toutes les ethnies du Mali, souvent des fils de la région où se
déroulent les combats.
Jusqu’à
présent, la France et le Mali s’abstiennent de montrer des images des
accrochages ou des morts, encore moins des prisonniers. C’est parce que ces
images vont révéler que ces morts et prisonniers ne sont pas des Algériens, des
Mauritaniens ou des Nigériens du Nord, mais des jeunes de toutes les ethnies du
Nord malien. D’abord et surtout.
Dans
la stratégie de communication telle que mise en œuvre par la France et ses
alliés, deux grands risques pour sa cause.
Le
premier est celui de censurer les images pour laisser s’installer le leurre
qu’il s’agit d’une guerre «ethnique» où les «teints clairs», les
Sahariens «islamistes barbares» déferlent vers le Sud agricole et
sédentaire, animisme et chrétienté menacés.
Peulhs,
Songhaïs ont été victimes, comme leurs frères Touaregs ou Arabes, d’abord du
laisser-aller et de la démission du gouvernement malien, ensuite de l’activité
des bandes criminelles (drogue et terrorisme) et enfin de la remontée de
l’Armée malienne qui les a traités comme complices en leur faisant payer la
débâcle de l’année dernière.
Le
deuxième risque est celui de ne pas s’empresser de faire campagne auprès des
populations de ces régions pour les rassurer, les faire adhérer à la reconquête
et au déroulement du plan de stabilisation. De manière à éviter que les coups
d’éclat actuels ne paraissent comme une «résistance» qui pourra
provoquer le recrutement massif de jeunes prêts à mourir pour «chasser
l’occupant et ses tirailleurs».
Quand
les agences de presse décrivent la combativité des jeunes de ces mouvements,
elles les glorifient aux yeux des populations locales. Ce n’est pas
l’information consistant à dire qu’ils utilisent une drogue que nos opinions
retiennent, pour la comprendre comme une tentative de dénigrement, mais le «courage»,
«la détermination» et «le sacrifice pour une cause». Et
c’est grave. Pour l’admiration que les combattants provoquent : ce n’est
pas une attitude de rejet qui nait de la lecture d’une dépêche décrivant
l’endurance et la détermination des jeunes combattants, mais une admiration qui
peut s’exprimer de différentes façons. De l’attrait chez les plus jeunes et les
plus vulnérables aux thèses de ces gens, de la compréhension, si ce n’est de la
complaisance chez les plus âgés.
La communication est l’une des armes déterminantes de
cette guerre. Elle semble le dernier souci des Français et de leurs alliés.
Alors tous les risques sont là, tous les pièges pourraient de prendre…